Prologue

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La ville n'a pas tellement changé depuis que j'ai été contraint de la quitter. Les mêmes magasins sont toujours là, avec seulement quelques enseignes nouvelles, mais pas de nouvelle construction. Dix ans plus tard, je redécouvre la ville quasiment inchangée.

Le bus de Greyhound me dépose à l'arrêt et repart sans tarder. Un soupire m'échappe en glissant une bretelle de mon sac sur une épaule et me met en marche. Personne ne prête attention à moi, le visage dissimulé sous une barbe de plusieurs jours et ma casquette, personne ne me reconnaît. Il faut dire que j'ai considérablement changé au cours de la dernière décennie. Évitant de justesse une trottinette électrique, c'est quasiment à moi de m'excuser de marcher sur le trottoir à en croire l'homme qui m'insulte. Il y a quand même certaines choses qui ont changé ; il y a moins de voitures et de motos, davantage de vélos, et des inconscients en trottinettes qui roulent le nez sur leur téléphone au lieu de prêter attention à où ils vont.

Il y a peu de monde dans le diner, un coup d'œil rapide ne me permet pas de reconnaître des employés, il n'y a que des jeunes qui travaillent. Le vieux Monsieur Simons doit être en cuisine. L'enseigne de la librairie porte toujours le nom de Madame Hamilton, mais le barbier a disparu, remplacé par un bar à jus, le Radio Shack a également cédé sa place, l'enseigne actuelle ne m'indique absolument pas de quel type de magasin il s'agit, ni la vitrine. Heureusement, un client en sort lorsque je passe. Bon, les chiens ont leur propre magasin de nourriture maintenant.

Je remarque un homme, portant une veste en cuir Harley-Davidson, un casque de moto de style casque militaire allemand et arborant une barbe de Père Noël, passer sur une trottinette. Je me demande ce qui a bien pu se passer. À quel moment la société a-t-elle perdu ses couilles ?

J'espère que le garage n'a pas été transformé en restaurant vegan.

Je marche encore un moment avant d'atteindre le garage Keith's General Mechanic. Je me tiens devant la paire de jambes que je vois sous une voiture.

« Salut.

— Type de véhicule et problème, » répond simplement la voix.

« Il y a beaucoup trop de trottinettes dans cette ville.

— Ne m'en parlez pas, c'est le progrès à ce qu'il paraît. Alors, quel est votre moyen de transport ?

— J'ai hérité de mon père d'une Chevrolet Chevelle SS de 1971 rouge canneberge avec des bandes noires, mais je n'ai pas eu l'occasion de la conduire ces dernières années.

— Robby ? » demande soudainement la voix avant de rouler de sous la voiture alors que je tends mon bras pour qu'il l'agrippe et s'aide à se relever. « Bon sang ! Je suis content de te voir. Tu viens d'être libéré ?

— Oui. Je cherche un coin où me poser le temps de faire le point sur ma vie.

— Tu aurais pu écrire de temps en temps, me donner des nouvelles. Tu as toujours ta chambre ici, bon je m'en sers comme rangement, mais tu vas m'aider à faire le ménage.

— Merci.

— Tu vas essayer d'éviter les problèmes ?

— Keith...

— Je t'ai perdu pendant dix ans, je n'ai pas envie que ça recommence. Tu deales toujours de la drogue ?

— Je n'ai jamais dealé de la drogue ! J'étais jeune et je me suis fais baiser.

— Tu es revenu pour te venger ? C'est trop tard, Todd est en prison, trafic de drogue et tentative de meurtre.

— Donc c'est réglé, c'est du passé.

— Tu vas chercher à la revoir ? »

Je n'ai pas besoin de lui demander de qui il parle. Piper Jennings. Celle qui a réduit mon cerveau à l'état d'un bol de gruau depuis le premier jour où j'ai posé les yeux sur elle. C'était à la rentrée scolaire de 2003, j'avais six ans, et je venais de tomber amoureux d'un démon. Elle avait les yeux de la couleur du ciel, les cheveux aussi sombres que la nuit, et le sourire du plus doux ange de la création. Comment ne pas tomber amoureux de Piper ? Elle avait une attitude de conquérante quand elle marchait, imposant naturellement le respect sur son passage quand elle entrait dans une pièce. Alors forcément, quand je me suis retrouvé être son voisin de bureau, qu'elle m'a regardé en souriant en disant que j'étais mignon et que je serais son petit ami, j'ai craqué. C'est normal, j'avais six ans. Ensuite, quand elle m'a dit qu'elle me mangerai le cœur si je la trahissais, j'aurais dû me méfier, mais c'était trop tard. Elle m'avait tendu la main, je lui avais serrée en retour alors que nous nous présentions. J'étais contaminé par le virus Piper.

Je la trouvais géniale à la sortie de l'école, la voyant monter à l'arrière d'une Harley-Davidson, me saluant en souriant. Je n'avais pas compris qu'elle était la princesse du Club de bikers local, The Devil's Crew. Piper allait me rendre complètement dingue, me donner mes plus beaux fous rires, m'aimer comme personne ne m'avait jamais aimé et me pourrir la vie comme personne d'autre. La seule drogue que j'ai prise dans ma vie, c'est Piper. La seule raison pour laquelle je me suis retrouvé en Centre de détention, c'est Piper.

Lady BikerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant