5.RBA

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Je finis par rompre le silence stupéfait qui s'était installé.

- Ben ça alors, émets-je, incapable de formuler une phrase plus utile. Pour une coïncidence, c'en est une.

Mino semble peu convaincu, mais il acquiesce, les yeux dans le vague. Je me tais quelques instants avant de déclarer:

- Il faut qu'on rencontre ce Edmundo. Qu'on lui parle, qu'on en apprenne le plus possible sur lui, qu'on fasse des recherches. Et qu'on trouve des réponses.

- Tu penses qu'on trouvera plus de réponses qu'un mec qui dit en chercher depuis un siècle? soupire mon ami.

Je hausse les épaules.

- On peut toujours essayer.

- Ok. Ben, dans ce cas, on va devoir passer par Maman, je le crains.

Je grimace à cette idée. Si Soledad a un défaut, c'est bien qu'elle est terriblement professionnelle, respectueuse et droite. C'est bien de suivre les règles et respecter les autres, je n'ai rien contre, mais chez elle, c'est extrême.

- Elle ne va jamais nous laisser lui parler, je bougonne.

- Ben, disons que je n'ai pas vraiment l'intention de lui demander son avis.

- Mais comment tu veux faire, alors?

Il me fait un clin d'œil.

- On va juste lui demander quelques petits renseignements, l'air de rien et de façon discrète. Il suffit de la jouer fine, conclut-t-il.

Je souris et secoue la tête.

- Je n'aime pas mentir, fais-je finalement. Tu le sais.

- Je ne te demande pas de mentir. Je te demande juste de faire genre, tu n'as aucune idée derrière la tête. Voire de ne strictement rien faire et attendre que j'aie fini de m'en occuper.

- Elle ne va jamais le gober, fait une voix fluette venant de la porte.

Mino et moi nous tournons vers cet endroit d'un même geste.

Keirla se tient dans le cadre de la porte, les mains dans les poches de son jean moulant, l'épaule droite nonchalamment appuyée contre le montant.

- Tu nous espionnes? je m'étonne.

- Salope! grogne mon ami en s'avançant vers son aînée d'un pas lourd.

Cette dernière fronce les sourcils d'un air qui semble vouloir dire: " Mais qu'est-ce que tu fous?". Puis elle déclare d'une voix transpirante d'insolence:

- Salope? Tu t'es vu, toi?

Je suis un peu déçu. Je ne m'attendais pas à une réplique aussi nulle, je dois le dire.

Mais elle se tourne vers moi, coupant court à mes pensées, et me fusille du regard:

- Et non, je ne vous espionnais pas. Tu crois que j'en ai quelque chose à foutre, de vos histoires de fantômes? Non. Et puis d'ailleurs, je n'ai, et de loin, pas que ça à faire. En fait, j'étais venue récupérer la règle que môsieur a eu la galanterie de me voler, fait -elle à l'adresse de son frère. J'ai toqué, et comme personne ne m'a ouvert, je suis entrée et ai sagement attendu que quelqu'un ne daigne remarquer ma présence.

- Tu sais, y'a un truc pas mal qui s'appelle "parler", explique Mino. C'est sacrément pratique, des fois. Tu devrais essayer.

- Je n'allais certainement pas vous couper dans votre discussion. Il y a quand même des gens civilisés, ici, je te signale. Bien que tu ne figures pas parmi eux. Et votre discussion s'est quand même avérée assez intéressante, finit-t-elle, un sourire terrible sur les lèvres.

Atocha TI - Digne de VivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant