11.Un accord

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Papa garde la bouche obstinément fermée. Je me racle la gorge et me lève pour nettoyer mon pot de yaourt.

Les pots de yaourt sont des petits bocaux en verre qu'on doit emmener au marché pour les remplir. Enfin, ce qu'on remplit c'est un gros bocal, mais on sort son contenu à la grande cuiller pour en mettre dans des pots plus petits.

Quand je reviens à la table, mon père n'a toujours rien dit. Jusqu'à ce qu'il se décide à enfin réagir:

- Je veux que tu me demandes à chaque fois avant d'aller quelque part ou de faire quoi que ce soit, à moi ou à ta mère. Et si tu manques de le faire une seule fois, et je dis bien une seule fois, je m'en moque que tu deviennes taré, tu m'entends? Je t'enfermerai à double tour dans ta chambre s'il le faut. C'est compris?

Je ne sais si exploser de joie ou fuir devant la menace. J'opte pour la première option.

- Merci Papa, je souris.

Il me regarde, ne laissant filtrer aucune émotion, et lâche:

- Lárgate.

J'obéis, trop heureux pour m'opposer, et file. Mais sur le pas de la porte, je m'arrête, me rappelant soudain ce que je voulais lui demander au début. Je suis pris de nervosité: il vient à peine de m'offrir la lune, et j'ai la sensation de lui demander Mars à présent.

Maintenant ou jamais, me dis-je pour me donner du courage.

- Papa... est-ce que du coup je pourrais aller à la bibliothèque avec Mino mercredi?

Il se raidit et commence déjà à me fusiller du regard lorsque je rajoute précipitamment:

- Il y aura Keirla!! Mino ne peut aller nulle part sans elle. On sera accompagnés. Et tu connais Keirla, quand elle dit "on part" c'est un ordre sans rappel. Je te promets d'être ici à dix-sept heures tapantes.

Il referme la bouche qu'il avait visiblement ouverte pour me réprimander, et remplace son expression de froide fureur par un froncement de sourcils, pris au dépourvu par ma réponse.

- Euh... et bien, dans ce cas, c'est d'accord. Mais ne t'avise surtout pas de gâcher la chance que je te donne. Compris?

- Oui Papa. Merci.

Merci beaucoup.

Il ne répond pas, et je ne m'en formalise pas. J'en profite pour disparaître, mais à peine ai-je atteint l'escalier, que j'entends la voix grave de mon père derrière moi m'arrêter:

- Hé ho princesse, y'a du linge en bas. File.

Je me retiens de rouspéter ou de lever les yeux au ciel et m'exécute avec une obéissance exemplaire.

Je fais les quelques devoirs que je n'ai pas faits. Demain étant mardi, je finis plus tard, à seize heures trente. En pensant cela, je me rappelle que par conséquent je dois préparer mon repas pour demain midi. Normalement nous finissons tous les jours à quinze heures et mangeons ensuite chez nous. Mais demain j'aurai une demi-heure pour manger, de quinze à quinze heures trente. Je descends donc préparer mon repas.

En arrivant dans la cuisine, je vois Maman ranger les pinceaux et peintures qu'elle a probablement achetés aujourd'hui dans son armoire au fond du salon. Je commence à préparer mon repas en silence. Enfin, elle me rejoint en silence elle aussi et commence à faire bouillir de l'eau.

- Papa m'a raconté votre discussion, lance-t-elle, voyant que je ne vais pas commencer cette conversation.

Je maintiens la bouche fermée, attendant de voir où elle veut en venir.

Atocha TI - Digne de VivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant