21. Aimer une fille

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Je commence à déballer le turrón et sors aussi un peu de chorizo de mon sac.

— Merde ! braille Mino. La bouffe !

Je le regarde, désabusé, ne sachant si rire ou pleurer.

— T'as réussi à oublier la bouffe.

Il me fusille du regard.

— Ferme ta bouche, toi.  Pour une fois que c'est pas toi. Je reviens.

Il descend de l'arbre et disparaît rapidement dans les buissons. Un silence gêné s'installe entre moi et Ainara. Ne sachant que dire, je dispose la nourriture sur la couverture tandis qu'elle ouvre son sac. Elle en sort une grosse part de gâteau, des pommes coupées et... une bouteille en verre vert. Avec un long goulot.

Je remue avec nervosité. Une bouteille de vin.

— T'inquiète, c'est du jus de raisin, dedans.

— Ah ok! J'ai eu peur à un moment. Je ne tiens pas à être expulsé de la ville, si tu vois ce que je veux dire.

Elle grimace.

— Moi non plus. Mais même s'il n'y avait pas de conséquences juridiques, je ne voudrais pas. Ça ne vaut pas le coup. Pas plus que fumer ou se droguer.

Je hoche lentement la tête.

— Clairement pas. Sauf peut-être le champagne à noël.

Elle hausse les épaules, songeuse. Elle place distraitement le repas sur la plateforme, perdue dans ses pensées. Je ne sais pas à quoi elle peut bien penser, mais elle n'est visiblement plus sur Terre.

Je l'observe sans retenue, respectant son silence. J'essaie d'en apprendre plus sur elle, parce qu'après tout, nous ne nous connaissons que peu. Ses gestes sont aériens, assurés. Ses longs doigts fins jouent avec la corde de son sac. Soudain, je repense à leur façon d'éviter de croiser le regard, entre Mino et elle.

— Dis, vous vous êtes mis d'accord, avec Mino?

Je ne sais pas ce que j'ai dit pour qu'elle réagisse comme ça. Sa conscience revient en chute libre, en tout cas. Probablement l'allusion à l'amour de sa vie. Je me retiens de sourire. En tout cas, elle frissonne, cligne violemment des yeux et me regarde, perdue.

— Quoi? Qui?

Je ris avec légèreté:

— Mino. Toi. Se mettre d'accord.

— Je... Non. Pourquoi?

— Vous ne vous regardez pas en face, vous ne vous parlez que pour le strict nécessaire. Littéralement, vous vous évitez.

Elle fronce les sourcils, hausse les épaules.

— 'Chais pas. On a pas fait exprès, je pense.

Cette fois, je ne me retiens pas de lever ostensiblement les yeux au ciel. Ni de lâcher le morceau.

— Vous êtes quand même sacrément chiants, vous deux. Vous etes raides dingues l'un de l'autre, et vous avez pas les couilles de vous le dire. Dans ce cas ce serait même pas avoir des couilles, puisque c'est évident.

Ainara me regarde avec incrédulité. Sa peau a rougit d'au moins deux tons, mais elle se reprend assez vite.

— Primo, on n'est pas "raides dingues l'un de l'autre". Deuxio...

— Tutututut, très chère, je la coupe avec imbu. Tout le monde l'a compris. Vous êtes raides dingues l'un de l'autre. Essaie pas de me mentir.

Elle me fait les gros yeux, l'air de dire que je n'ai aucune idée.

Atocha TI - Digne de VivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant