31. La cabane

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— Bon, on va où? 

Nous passons tous nos tatouages sous le scanner, puis les portent s'ouvrent et nous arrivons sur le quai. Je connais ce numéro mieux que quoi que ce soit d'autre: 280347.

— C'est une surprise, nous sourit Ainara. 

Seul indice dont nous disposons: nous voyageons vers l'est d'Asinoa. 

Les arrêts passent devant nous sans que nous ne quittions le véhicule. Arrivés au dernier, nous descendons enfin, en silence. En montant les escaliers de la station, le froid devient de plus en plus mordant. Je regrette fortement de ne pas avoir pris mes gants. 

— Les récoltes ne vont pas être bonnes, avec ce temps, je marmonne. 

Mino acquiesce. 

Il fait plus sec cette année que les précédentes, rendant le froid plus brutal, plus cru. Nous marchons, passons devant des maisons, les dépassons, continuons à avancer, entrons dans la forêt. Je commence à m'inquiéter légèrement en voyant que nous ne cessons de nous enfoncer dedans. 

— Euh... c'est encore loin? 

Elle secoue la tête:

— Non, ne t'inquiète pas. 

En effet, quelques instants plus tard, une cabane apparaît au loin entre les arbres. Qui a l'air habitée. Je fronce les sourcils. Qui diable viendrait vivre au fin fond de l'univers?  

Arrivés sur le porche, Ainara essuie la boue et les aiguilles de pin collées à ses bottines en cuir sur le paillasson, avant de sortir un trousseau de clefs de la poche de son manteau. Qui est, soit dit en passant, beaucoup trop grand pour elle. Mais il a l'air sacrément chaud et confortable. 

Elle insère une clef peinte en bleu dans la serrure, ouvre la porte et nous invite à entrer d'un geste. Je croise un regard hésitant avec Mino, mais il se contente de hausser les épaules et de la suivre à l'intérieur. 

Ça sent le bourbier. 

La chaleur et surtout la fumée d'encens présentes dans la maisonnette m'asphyxient dès mon entrée. Mon Dieu, mais qui peut bien vivre dans un tel manque d'oxygène ?

Nous accrochons nos manteaux sur le porte-manteau déjà bien chargé, posons nos bottes sous un banc peint en jaune. 

— ¿Tari? appelle alors Ainara. T'es où?

Le silence persiste. J'observe mes alentours: c'est une simple cabane de bois, illuminée par environ une centaine de chandelles posées à peu près partout — chose que je n'estime pas intelligente pour éviter des incendies —, assombrie par la fumée d'une soixantaine de cônes d'encens — chose que j'estime encore plus stupide —, et remplie de çà et de là de maints objets et de meubles remplis de je-ne-sais quel genre d'artefacts étranges. Chose que j'estime encore moins sensée. En bref, cette maison ainsi que son contenu et la disposition de ce dernier ne semblent suivre strictement aucun type d'ordre logique. 

— Je vais la chercher, nous indique Ainara. Installez-vous, faites comme chez vous. Je reviens. 

Qui que "la" soit. Elle est drôle, Ainara. Je ne sais même pas qui est supposé vivre ici, et je dois "faire comme chez moi"? 

Devant nous se déploie un salon. Rond. 

Comment un salon peut être rond alors que la structure extérieure est carrée, je ne veux pas savoir. Je me retiens de tousser, ou plutôt de cracher de mes poumons cet air irrespirable, tant et si bien que mes yeux se mettent à larmoyer. J'ai du mal à respirer, j'ai la gorge qui gratte...

Atocha TI - Digne de VivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant