9.Le marché

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Quelqu'un toque à ma porte. Je ne réponds pas tout de suite, dans le doute. Je les ai entendus se disputer en bas. Je change précipitamment de position; au lieu d'être assis contre le mur sur mon lit, les jambes ramenées contre mon torse et le menton sur les genoux, je relève la tête et m'installe en tailleur.

Mais pourquoi, pourquoi a-t-il fallu que j'agisse de la sorte?

- Mmhm?

La tête brune de ma mère apparaît derrière le battant, entre et ferme derrière elle. Elle est seule.

Heureusement.

Je n'aurais pas du tout, mais alors pas du tout été tranquille si mon père l'avait accompagnée. Il n'a jamais été violent avec qui que ce soit, mais quand il se met en colère, il me fait peur. Ça semble peut-être enfantin ou lâche, mais je n'ai jamais été le courageux de l'histoire, aussi dure cette vérité soit-elle. J'ai toujours été un froussard. Bien que je déteste ce fait, je l'admets. Je fuis la colère, la peur et la violence.

En me voyant assis sur mon lit, le dos contre le mur, elle semble deviner la position dans laquelle j'étais et son regard s'adoucit. Comme j'aimerais lui faire la gueule! Mais je n'en ai ni la force, ni le droit.

- C'était assez impertinent, ce que tu as dit en bas, dit Maman d'une voix sévère. David a été le plus inquiet de nous deux. Et tu n'avais tout bonnement pas le droit de dire ça.

- Tu crois que je ne me punis pas assez de l'avoir dit? je soupire. Je suis désolé, ce n'était pas prévu. Mais je ne le regrette pas, parce que ce n'est que la vérité.

Nous restons silencieux quelques instants, avant que je ne demande, inquiet:

- Qu'est-ce qu'il va se passer, maintenant?

Malgré tous mes efforts, mon inquiétude est impossible à manquer, dans ma voix. Je m'en étranglerais de rage.

Ma mère soupire et va s'assoir à mon bureau:

- Je ne sais pas, Santiago. Ton père est hors de lui. Tu viens de le menacer, tu sais?

J'ouvre la bouche pour me défendre, mais Maman m'arrête d'un geste:

- Non, Santiago, laisse-moi terminer. Tu as assez parlé comme ça, tu ne penses pas?

N'attendant pas vraiment de réponse, elle poursuit:

- Elle avait beau être déplacée et suicidaire, je comprends ta réaction, et, dans le fond, lui aussi. La punition est sévère, et bien qu'elle soit amplement méritée, elle n'est pas totalement juste. Et je sais que ce que tu as dit est vrai. Si cela ne tenait qu'à moi, j'accepterais ton soi-disant marché, bien que ce n'en soit pas un puisque nous n'avons pas vraiment le choix. Mais tu n'es pas sous ma tutelle, sinon la nôtre. La décision ne me revient donc pas seulement à moi.

Je hoche la tête. Pour clore la discussion, Maman se lève et termine:

- Je vais tenter de convaincre ton père. Mais tu dois travailler dur et obéir, entendu? Que tu mérites ce que je fais pour toi.

Elle sort dans le couloir, sans attendre de réponse. Tous mes muscles en tension se relâchent d'un coup. Je m'en suis horriblement bien sorti. Je soupire et me passe une main sur le visage, réprimant un grognement de douleur en touchant ma pommette sans le vouloir.

Puis, encore dans le cirage, je me lève et m'installe devant mon bureau pour entamer mes devoirs.

- Santi, on mange!

Je lève la tête de mon croquis, étonné. Déjà?

Je me redresse, m'étire et quitte ma chaise. Puis je descends dîner, un peu nerveux. J'espère que l'ambiance ne sera pas aussi désagréable que ce midi.

Atocha TI - Digne de VivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant