20. Noël

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Je mets le collier pour Maman dans un pochon en tissu bleu, et pose le tout à côté du cadeau pour Papa Puis je me lève, m'étire, prends les cadeaux et descends avec. Une excitation enfantine me gagne tandis que je descends les marches. C'est Noël.

J'adore cette période de l'année. Premièrement, parce que ce sont pratiquement les seuls vacances que nous avons. Sans compter les ponts ou les jours fériés. Mais surtout, parce que j'adore l'ambiance. Le feu dans la cheminée, les bougies allumées, le petit sapin dans le coin du salon, la décoration. Le roscón de reyes.* La soupe de marrons.

Avant, il y a très longtemps, on ne fêtait pas Noël. On a appris ça en cours général. En Espagne, on fêtait traditionnellement les Reyes, les rois mages. Depuis le Carnage, comme tant d'autres choses, ça a changé. Je ne sais pas pourquoi. J'imagine que c'est parce que les Reyes se fêtaient en janvier, et que l'année scolaire, ainsi que tout ce qui change, commencent le premier janvier. Je ne sais pas comment ils le faisaient, avant. Ils commençaient avec des vacances? Ou peut-être ne commençaient-ils pas en janvier. Je n'en sais rien. Le fait est que je ne comprends pas comment ils pouvaient heureux sans Noël.

J'arrive en bas. Aussitôt happé par la douce chaleur du salon, je m'approche du sapin et y dépose mes présents. Je jette un oeil à ma montre: vingt-trois heures quarante-sept.

Encore treize minutes.

— Qu'est-ce qui est pour qui?

Je me retourne et souris à une Maman conspiratrice.

— Surprise. Il est où Papa?

— Je ne sais pas. Probablement parti chercher ses cadeaux.

Je hoche la tête, cachant à grand-peine mon excitation.

Quand le dernier arrive, il est presque minuit.

Nous nous sourions et regardons ma montre, dans l'expectative.

— 3, 2, 1... JOYEUX NOEL!

Mes parents m'embrassent, et pour une fois, je les laisse faire. Je ne peux retenir un sourire joyeux.

— Alors vas-y, fiston.

Mon père hoche la tête en direction du pied du sapin. Je lui souris, et m'y dirige. Mon tas est à gauche.

Je prends mon premier paquet.

La soirée — ou matinée, c'est selon — se déroule ainsi, entre deux remerciements et éclats de rire.

J'ai eu une veste (Dieu merci ! La mienne tombait en lambeaux...) légère mais étonnamment chaude, passe-partout. Je l'aime déjà beaucoup. Des crayons, des chaussettes, et un tableau de ma mère, très beau mais triste, qui pour moi représente l'éternité. Il montre deux sabliers empilés de façon à ce que le sable de l'un s'écoule dans le suivant. On voit le début de deux autres sabliers à la fin des premiers, mais ils ne rentrent pas entièrement dans le cadre. Ils pourraient être suivis à leur tour de deux, vingt, cinquante autres objets identiques. En fond, nous voyons une spirale floutée.

Je pense que je l'accrocherai au-dessus de mon bureau.

— Ça compte aussi pour ton cadeau d'anniversaire, fait timidement Maman. Tu auras juste un cadeau, le jour J.

Je souris, compréhensif. Je suis déjà content d'avoir été aussi gâté ce soir.

Il est près de deux heures du matin lorsque je vais me coucher. Mais je suis encore trop agité pour m'endormir. Je sors donc la caisse à outils, et accroche mon tableau. Au-dessus du flanc de mon lit, finalement. Quand la fatigue me gagne enfin, il est trois heures. Alors, je sombre dans un profond sommeil.

Atocha TI - Digne de VivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant