𝓐𝓷𝓪𝓵𝔂𝓼𝓮

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𝐀𝐭𝐡𝐞́𝐧𝐚 / 𝐋𝐚 𝐒𝐞𝐫𝐩𝐞𝐧𝐭𝐚

Actuellement, tout ce qui me vient en tête présentement, c'est : c'est quoi ce putain de bordel ! Tout se passait si bien. Leur cérémonie funéraire était d'une grande émotion. Je ressentais tout leur mal-être, leur tristesse face à l'absence qu'elle a causée malgré elle. J'ai réalisé que moi aussi, j'aurais adoré être aimé de cette manière. Je suppose que c'est quelque chose que mes parents n'ont jamais fait, après tout, je n'ai jamais su comment je me suis réveillé en enfer. Quand Emma m'a toisé, livide, j'étais loin de me douter que, lorsqu'elle prononcera son prénom à elle, c'est tout comme si un boomerang m'était ressurgi en pleine tête. Son nom me semblait familier, mais pourquoi ? J'essaie de me souvenir d'où, mais impossible d'y mettre la main dessus. En revenant dans le présent, je constate que les corps d'Emma et de Mia sont déplacés à l'intérieur sur une banquette et que tout le monde me regarde comme si j'avais deux visages. Sacré moment pour les présentations. Voilà d'où venait mon mauvais pressentiment ce matin en me réveillant.

Le président du club, identifiable à la veste qu'il porte, s'approche de moi. C'est le père de Mylo et Luna, comme Jeffrey me l'a expliqué récemment pour m'aider à y voir plus clair dans les relations familiales. Son regard est empreint d'émotion, comme s'il tentait de percer les secrets de mon âme. « Désolé, mon gars, mais il a pris le large il y a bien longtemps », pensé-je. Je maintiens son regard, inébranlable. On m'a toujours dit que baisser les yeux, c'est concéder une défaite. L'atmosphère est lourde ; tous les yeux sont rivés sur moi.

Habituellement, je me délecte de cette attention, mais aujourd'hui, elle me pèse.

— Salut, je suis le papa de Mylo et Luna. Je me nomme Louis et sur la banquette, la femme qui t'a crié dessus est ma femme, Emma, et l'autre femme est Mia, la femme de Raphaël, les parents de Jeffrey. Si cela ne te pose aucun problème, j'aimerais te poser quelques questions, s'il te plaît.

Au départ, je suis réticente, mais j'ai saisi qu'ils veulent tout simplement comprendre, car même moi, je n'y comprends rien et je déteste ça. Je lui fais part que je répondrai du mieux que je peux à ces questions.

— Je ne te connais pas, mais ton physique ressemble beaucoup à celui de ma fille. Elle avait les cheveux, elle aussi, blonds et ses yeux vairons qu'elle tenait de son grand-père comme les tiennent, ce qui fait que je comprends ma femme de te prendre pour notre fille. Est-ce que tu pourrais me raconter ton enfance?

Oh, c'est un terrain glissant. Juste l'idée de partager, cela déclenche une angoisse palpable. Après tout, je ne connais ces gens que superficiellement, et malgré l'affection que j'ai pour Jeffrey, mon petit ami, certaines confessions semblent prématurées. C'est encore trop tôt. Si certains prétendent avoir une âme sombre, la mienne, quant à elle, flirte déjà avec les ténèbres, compagne du diable qui prend des notes. Élevée par le diable en personne, j'ai, depuis longtemps, dépassé le maître.

— Je regrette, mais je ne peux pas te répondre à cette question. J'aimerais vraiment, mais ce n'est ni l'endroit approprié ni le bon moment et par-dessus tout, on ne se connaît pas. Tout ce que je peux te dire est que je me souviens qu'avant mes cinq ans, je vivais dans une famille heureuse et à mes cinq ans, on m'a abandonné en orphelinat, je n'ai plus jamais revu ma famille.

Reconsidérant les révélations de Jeffrey, une pensée trouble refait surface. Il m'avait confié qu'elle avait également cinq ans lorsqu'elle avait disparu, et bien qu'il ait retrouvé des traces de son ADN et de son corps, validant sa mort, je n'ai jamais aperçu de photo de Luna. Comment pourrais-je alors confirmer ses dires selon lesquels je lui ressemble ? Cette pensée est absurde. Non, ça ne peut pas être moi. Mon esprit tourbillonne, embrouillé par cette hypothèse irréelle.

— Accepterais-tu de faire un test d'ADN? me demande Louis. Nous n'aurions pu d'angoisse face à ton identité. Je sais que ça peut faire beaucoup, tu ne nous connais pas et on te balance qu'une partie de ton histoire correspond avec celle de ma fille. Je ne suis pas du genre à supplier quelqu'un, mais même si je doute, j'ai besoin de preuves pour enlever le petit espoir qui s'est créé dans mon cœur.

En balayant du regard la salle, je croise celui de Jeffrey et Mylo. Ils me fixent, remplis d'une espérance si intense que j'en perds mon souffle. Je connais l'affection profonde qu'ils portaient à celle qu'ils ont perdue, mais la culpabilité me ronge à l'idée de nourrir chez eux ce faux espoir. Je ne peux pas être celle qu'ils recherchent. Si cela avait été le cas, j'aurais été arrachée à ma propre famille. Pourquoi ma mémoire interdit-elle de me revenir ? Si seulement je pouvais me rappeler, tout serait tellement plus simple.

Avec l'aide du médecin du club, je consens mon accord pour le test ADN. Je suis prête à assumer les conséquences, aussi dures soient-elles, si cela peut leur offrir un répit, même éphémère, dans leur douleur.

L'espoir qu'ils cultivent pourrait les détruire, et je refuse d'en être complice. Je leur présente mes excuses et me hâte de quitter les lieux, après avoir donné mon échantillon en leur promettant de revenir pour les résultats. Mais je ressens une crise d'angoisse montée.

Leurs questions incessantes m'ont remplie de doute, une sensation toxique quand je lutte déjà contre mes propres démons. Mon cœur martèle ma poitrine comme si j'étais au bord d'une crise cardiaque, et une sueur glacée dégouline le long de ma colonne vertébrale. Dans ces moments où je perds le contrôle, je sens mon sang bouillir, prêt à exploser.

Je dois m'éloigner de cet endroit, avant de commettre un carnage.

La SerpentaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant