Chapitre 10

1.4K 120 14
                                    

« Et un jour, une femme dont le regard vous frôle, vous porte sur ses épaules comme elle porte tout le monde, et jusqu'à bout de force recouvre de son écorce vos plaies les plus profondes... » Florent Pagny

Sean,

J'ai beaucoup de batailles à mener et celle-ci en est une qui me tient à cœur. Nous sommes à environ dix kilomètres du lieu de notre échange, lorsque j'entends sa voix. Déchirée, écorchée, elle chante d'une voix pénétrante, celle qui vous procure une émotion forte, vous laisse sur le carreau. Mon dieu elle chante. Le silence s'est fait dans l'habitacle, plus personne ne parle, nos yeux se rencontrent, nos respirations se coupent, comme si nous ne voulions pas louper une seule parole de cette chanson. Mon corps se fait lourd, mon cœur se fait sourd. Je veux fermer toutes ses émotions qui me prennent à la gorge, garder toute l'amertume qui me fait avancer. Je ne dois pas chuter, pas maintenant, pas alors que je vais enfin atteindre mon but ultime, ma vengeance. Mes hommes ne disent mots, certains baissent la tête, comme si j'étais coupable de briser les ailes d'un ange. Mais mon frère lui ? Est-ce que quelqu'un s'est soucié de lui couper les ailes ?

Puis la voix se tait, le silence revient. Seul le moteur du van empli l'espace ainsi que le vrombissement des Harley qui nous suivent. Le rendez-vous a été fixé dans une ancienne casse automobiles. Les deux chapitres que j'ai fait venir sont déjà en place depuis plusieurs heures. Nous devons faire l'échange à quatorze heures.

Lorsque j'ai appelé le mec, ma proposition d'échanger la mécanicienne contre l'assassin de mon frère, a fait mouche de suite. Il a été immédiatement intéressé par les deux protagonistes que je proposais. Il n'a pas pris le temps de réfléchir, je savais qu'il la voulait. Il l'observe depuis plusieurs semaines, attendant qu'elle soit seule pour l'enlever, elle a été vendue contre une dette due, elle seule ne sait pas de quoi il s'agit, ne sait même pas qu'elle est un prix de consolation. Un homme dont j'ignore le nom, a décidé aux dires du type, de prendre possession de sa vie, parce qu'il savait qu'elle n'avait plus de famille.

Cette fille je ne l'ai pas choisie par hasard, sa proximité avec le mec à qui j'ai proposé le deal, en est une. C'est le seul décisionnaire du destin de l'homme que je désire échanger contre elle.

J'ai longtemps observé ce type, cherchant la faille dans sa cuirasse, je l'ai enfin trouvé, c'est elle. Deux mois que j'attends, deux mois à l'espionner, jusqu'à ce qu'il me mène à elle. J'ai décidé de changer de technique, de changer d'objectif. Je me suis mis à la suivre, à la surveiller. Je connais ses compétences mécaniques, je connais son amour pour la marque Harley, j'ai vu celle qu'elle chevauchait, une vieille dame comme on n'en voit plus. Je connais ses visites au cimetière, tous les dimanches à la même heure. Mais ce type a failli tout foutre en l'air ! Il a voulu la prendre avant que je ne m'en saisisse, j'ai dû agir pour pouvoir mener ma vengeance à son terme. Je ne pouvais pas lui laisser prendre ma seule monnaie d'échange. Je l'avais observé, j'ai vu qu'il mettait un dispositif en place. Lorsqu'il l'a assommé, la couchant sur l'asphalte, j'ai dû agir sans sortir de ma planque. Je me suis mis à le canarder, le poussant à la fuite.

Quand je me suis approché d'elle, ramassant son sac à dos en pensant le poser contre le mur du garage, elle a commencé à reprendre connaissance, j'ai dû fuir moi aussi, mais en oubliant de déposer son sac. Il est encore à l'heure actuelle dans ma chambre, dans le fond de ma penderie. Je ne pouvais pas l'enlever ce soir-là, car je n'avais que ma moto.

Décision a donc été prise de faire un tour dans son garage pour pouvoir l'approcher de plus près. L'essai a été couronné de succès mais pas comme je l'aurais voulu. Un imprévu est venu faucher la vie d'un de mes plus fidèles membres. Les membres des Fous du Démon ont débarqué et lorsqu'ils ont vu le Président des Serviteurs du Diable, dans ce garage, je suis devenu l'homme à abattre. Ce qu'ils ont cru lorsque je me suis effondré sur le sol.

Les Serviteurs du DiableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant