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Il n'y avait que le bruit de quelques cliquetis résonnant dans ce petit appartement. Le son du clavier étouffait celui des pensées qui raisonnaient sans arrêt sur de récentes leçons. En quelques clics, les derniers points administratifs de la candidature étaient clos. L'écho des touches ressemblait à un trottinement, un échauffement qui augurait le début d'une course menée par le bout des doigts. La ligne de départ se franchira demain en même temps que l'immense porte de la faculté de médecine. Pour l'instant, il fallait canaliser le cerveau qui commençait maintenant à s'égarer sur des hypothèses.

Le soleil s'était couché il y a quelques heures, mais manifestement l'esprit n'était pas du même avis. Il avait choisi cet instant précis pour projeter toutes les situations possibles et inimaginables. Si la mission ne se passait pas comme prévu ? Si un événement inattendu venait tout bouleverser ? Des scénarios surgissaient, singularisant les questionnements tous plus sinistres les uns que les autres. Si c'était un échec ? À cette interrogation, il n'y avait pas d'improvisation, pas d'illustration, aucune image.

La dernière page internet de l'ordi s'éteignit. Il n'y avait plus aucun bruit. On remarquait à peine une respiration paisible dans la pièce. L'esprit s'était enfin assoupi. Un léger souffle extérieur vint se mêler aux inspirations et expirations. La fenêtre était entrouverte. La brise d'abord silencieuse brisa la tranquillité devenant tumultueuse. Un courant d'air circulait calmement jusqu'à ce qu'un courant d'eau submerge subitement le studio. Le clapotement des vagues plongea le corps en apnée. Il était maintenant trempé de la tête aux pieds. Le cœur battait aussi fort que les poings l'auraient voulu pour s'évader, mais il était impossible de bouger. Le clapotis s'intensifia, de plus en plus sourd, plus rien aux alentours, point de non-retour. L'être entier baignait dans les abysses, puis, coulait lentement vers les abîmes. On touchait le fond. La peau se refroidissait, se frigorifiait.
En état d'alarme, les membres frissonnaient une ultime fois, en vain. C'était la fin. Quand soudain, lors de la dernière inspiration de désespoir, le réveil.

Ce n'était qu'une paralysie du sommeil, on s'y adapte à force ou plutôt, on s'y abandonne à bout de force. La sonnerie de l'alarme remémorait la mer, la sueur quant à elle n'était pas un mirage. Une douche serait la bienvenue, de préférence chaude, car cette douche froide était mal passée. Une fois séché réellement, il fallait choisir les vêtements. Un pull et un short suffisaient amplement. Puis, les céréales et le lait furent versés simultanément dans le bol pour clore le débat avant de le créer. Les pensées intrusives se permirent un petit instant. Les céréales se ramollirent, pour que le corps n'en fasse pas autant, l'heure était venue de partir. Il était 5:30 du matin, l'heure du footing, une habitude fidèle.

L'environnement était encore énigmatique. Les rues se ressemblaient et s'entremêlaient, on s'y perdait rapidement. Telle était la cadence rapide, soutenue et régulière. L'imagination l'était tout autant.
Un précis et précieux souvenir vint soutenir la virée.

C'était il y a une semaine, lors de la cérémonie des remises de médailles. Une fanfare armée précédait la parade. Des drapeaux rouges et verts ornés de jaune au centre étaient brandis de part et d'autre. L'honneur et le respect rythmaient les pas des bottes contre le bitume. Le cortège cessa sur une vague place pour que les uniformes verts puissent être couronnés. Des sourires et des larmes animaient l'événement tandis que plus loin, à l'écart, deux dossiers furent distribués. Le message fut clair. Des renseignements concernant un trafic d'humain et plus précisément d'enfants ont été piratés. La cyberattaque a été reconnue comme étant russe, cependant, les données appartiennent à un trafic britannique. Il faut donc jouer sur deux camps, deux continents plus exactement. Les deux militaires reçurent les détails de la mission par enveloppe, puis, acquiescèrent et rejoignirent leur poste. Le défilé reprit de plus belle. L'harmonie commandait les mouvements du corps. Le cœur battait aussi fort que les tambours tandis que la respiration reproduisait le son des talons contre le sol. Les jeunes décorés s'éloignaient de plus en plus, la musique s'entendait de moins en moins. À présent, il n'y avait plus de rythme à suivre. Le bruit des pas ne se percevait plus. Le cœur se calmait. La respiration saccadée se tourna régulière.

Le running était fini. Tout était redevenu silencieux. Il n'y avait plus de brouhaha, du moins il ne se discernait plus. Un simple brouillard noir se voyait dans la nuit, le même se noyait dans cette vie, dans cette fille, en moi.

À tort et À découvertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant