L'associé et moi

Chapitre 31

Début juin, nous étions dans son appartement. Son portable sonna, il fronça les sourcils et se leva pour prendre l'appel. Il revint un quart d'heure après l'air soucieux.

-        Ca va ? Demandai-je en posant mon livre sur la chaise longue.

Il s'assit à côté de moi.

-        Je dois aller en Angleterre la semaine prochaine.

-        Pour le boulot ?

-        Non, je dois régler un truc pour...

Il ne termina pas sa phrase. Je le dévisageai. Il passa la main dans ses cheveux. Je sentais que parler de l'Angleterre était un sujet sensible pour lui et savais pas comment lui faire parler de tout ça.

-        On a eu un problème dans la maison en Angleterre, il faut que j'aille sur place gérer ça. Ca tombe vraiment pas bien, dit-il en regardant son téléphone.

-        Tu ne peux pas demander à quelqu'un d'y aller pour toi ?

-        Non, dit-il sèchement.

Je ne dis rien, il se renfermait à nouveau. Il y avait un blocage à ce sujet.

-        Excuse-moi, ce n'est pas de ta faute, dit-il en revenant dans la maison.

Je restai silencieuse.

-        C'est juste que...tu te fermes dès qu'on parle de l'Angleterre.

Il changea ses yeux de direction et regarda par la fenêtre.

-        James ?

Il souffla.

-        Je veux juste mettre ça derrière moi.

-        Pourquoi ?

-        Je pense que je vais vendre la maison là-bas. C'est inutile de la garder.

Je fronçai les sourcils, cette maison était la seule chose qui le rattachait à sa famille.

-        Elle coûte plus chère qu'elle ne rapporte, ça n'a pas de sens.

Il réfléchissait regardant la mer aller et venir sur la plage.

-        Elle ressemble à quoi ? Dis-je.

-        Tu veux la voir ?

Je haussai les épaules. Il sortit son téléphone et fit défiler des photos avant de me tendre l'appareil. Je vis une maison de maître parfaitement entretenue, une allée de cailloux bordée de pelouse impeccable et de fleurs en tout genre.

-        C'est très beau.

Je passai les photos.

-        C'est quoi là ?

-        La serre.

-        Tu fais du jardinage ?

Il sourit.

-        Pas moi, Maman. Elle était très forte. C'est elle qui a dessiné tout le jardin.

-        C'est superbe. Tu l'aidais ?

-        Parfois...j'avais interdiction de jouer au ballon trop près des fleurs.

-        Ils n'ont jamais voulu avoir d'autres enfants ?

-        Ils m'ont eu tard, et Papa était beaucoup plus âgé que Maman.

-        Ils avaient combien d'écart ?

-        Presque 15 ans.

Je souris.

-        Un jour tu seras content de pouvoir emmener tes enfants là-bas, dis-je.

Il me dévisagea et son expression changea. Je sentis que ma phrase avait éveillé quelque chose. Il se renferma aussitôt et reprit son téléphone de mes mains.

-        Je dois bosser.

Il partit dans son bureau. Je me retrouvai seule dans le salon avec mes pensées. Il avait manifestement besoin d'espace. Je frappai à la porte et n'attendis pas qu'il me dise d'entrer.

-        Je vais y aller, dis-je.

Il me lança un regard indéchiffrable.

-        On s'appelle plus tard ?

-        Ok, dit-il en replongeant son regard sur l'écran de son ordinateur.

J'étais perplexe de ce qui venait de se passer. Je ne pus m'empêcher de disséquer notre conversation. Le fait d'évoquer qu'un jour il ait des enfants l'avait complètement fermé. Nous n'avions jamais abordé le sujet d'un avenir plus ou moins lointain et vivions au jour le jour notre relation. Je savais qu'il avait enchainé beaucoup de filles avant moi, il ne se posait pas, et il ne s'ouvrait pas non plus. Il y avait encore des choses dont il ne parlait jamais, ses parents, son enfance en Angleterre. Il était méfiant vis-à-vis des gens et mettait toujours de la distance entre lui et les autres.

Au cours de ces derniers mois, j'avais vu sa froideur se transformer en douceur. J'avais découvert un homme attentionné, calme et drôle. Je le voyais encore fier de lui et de ses blagues pour lesquelles il riait parfois plus fort que moi. Je ne m'étais jamais sentie aussi belle et aussi confiante que depuis que je partageais sa vie.