Le confinement

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Puis un matin nous apprenons par la presse qu'un virus se propage dans le monde entier. Des milliers de gens meurent chaque jour et les autorités commencent à prendre les premières mesures. La décision nationale d'annuler tous les regroupements sociaux tombent seulement trois mois après le début de la tournée.

Nous sommes tous sous le choc.

Une fois passée la déception de ne pas pouvoir aller au bout de cette tournée, je prends la nouvelle avec beaucoup de sérénité. Je vais me retrouver enfermer seule avec mon mari et je suis extrêmement heureuse que cela arrive aujourd'hui car nous n'avons jamais été aussi heureux.

Cela fait un mois que nous sommes tous enfermés chez nous avec une restriction quasiment totale dans nos déplacements.

Nous avons déjà vécu cela dans l'attente du procès de Julian mais cette fois les circonstances sont différentes. Les artistes du monde entier ne peuvent plus exercer leur métier.

Julian est très actif sur les réseaux sociaux et passent de longues heures à discuter avec sa communauté. Ils visionnent et commentent ensemble ces anciens clips, il leur fait découvrir de nouveaux morceaux. Je préfère la solitude de mon piano mais je joue le jeu quelques heures par semaine avec lui. Je me mets au piano et il me filme pour quelques morceaux.

J'ai l'impression qu'il passe plus de temps connecté qu'avec moi et je lui fais la remarque.

— Il faut qu'on reste présent pour notre public si on veut les conserver.

— Oh je suis certaine qu'ils ne t'auront pas oublié.

— Avoue tu t'ennuies avec moi, plaisanté-je.

— Non pas du tout mais ça me manque de ne pas pouvoir partager avec mon public.

— Tu es devenu accro Julian, tu ne peux pas passer une journée sans être connecté, tu passes plus de temps avec des inconnus qu'avec moi.

— Ce ne sont pas des inconnus ce sont les gens qui paient pour venir nous voir en concert, je leur dois bien ça.

— Oui mais pas 24h sur 24h et 7 jours sur 7, cela fait trois jours que nous n'avons même pas dormi ensemble.

— Je suis désolé, ça te manque tout ça ? dit-il en bombant le torse et en ouvrant sa chemise.

— Oui ça me manque beaucoup. Puis je l'entraîne avec passion contre moi.

Julian a entendu mes remarques et passent moins de temps sur les réseaux sociaux. Nous passons nos journées à cuisiner, à regarder des films, je lui ai même appris une chorégraphie et il m'a initié aux jeux vidéo. Il compose beaucoup, j'adore l'observer et me glisser dans son dos pendant qu'il joue du piano. Nous avons nos petites routines et j'adore cette parenthèse de vie. Ce soir nous organisons un mini concert en ligne sur son site. Des dizaines de millier de fans étaient connectés et commentaient nos prestations en direct.

Les autorités ont commencé à adoucir les restrictions et bientôt nous pourrons regagner les salles de concert et les festivals.

J'ai enfin persuadé Larisa et Mélissa de venir nous voir en Pennsylvanie.

J'appréhende beaucoup les retrouvailles. Larisa est comme une louve dès qu'il s'agit de moi. Elle a développé un vrai instinct protecteur à mon égard depuis le premier jour où j'ai commencé à vivre dans son foyer. Il y a eu de grands moments de joie, de complicité, de jeux mais il y a aussi eu des nuits à me consoler car ma mère me manquait, mes humeurs à supporter, mes caprices et mes exigences de petite fille gâtée.

Julian n'est pas très à l'aise par ces retrouvailles non plus mais ces deux filles sont mon seul lien avec la vraie vie, mes deux seules amies. Leurs présences dans ma vie est indispensable.

Mélissa a récemment fait la rencontre de Chris et elle nous le présente aujourd'hui.

Les premières minutes sont très longues et les silences en disent beaucoup sur les ressentiments envers Julian.

— Qui veut un verre de vin ? lancé-je dans l'espoir que l'alcool adoucisse les mœurs.

Nous parlons du restaurant de Larisa qui a repris une fréquentation normale après la fermeture forcée pendant le confinement. Mélissa a un peu mis de côté sa carrière musicale et d'actrice et se consacre aujourd'hui à l'écriture et à l'illustration. Chris est bassiste au grand bonheur de Julian qui trouve en lui un allié pour cette journée. Mickaël a lancé son affaire en auto—entrepreneur et commence à avoir ses premiers clients.

Nous visionnons un vieux clip dans lequel j'avais invité Larisa a chanté avec moi en duo il y a plusieurs années afin de détendre l'atmosphère

Mickael regarde Larisa avec admiration.

— Tu ne m'avais jamais parlé de ce clip, tu as vraiment une jolie voix

— Elle aurait pu faire carrière, mon agent de l'époque lui avait proposé un projet

— Pourquoi tu ne l'as pas accepté Larisa ? demande Mélissa.

— Je crois que je n'aurais pas supporté la notoriété, les critiques et l'insécurité du métier. Je n'ai pas de regrets, c'était une chouette expérience mais je préfère largement ma vie d'aujourd'hui avec toi Mickaël

Par moment j'ai l'impression que tout est redevenu comme avant mais je sens que Larisa se force à être aimable avec Julian. Je m'en contenterai pour cette première journée de tentative de renouer les liens.

Larisa et Mélissa passent de longues minutes à me câliner avant de partir.

— Elle me déteste.

— Non elle est juste un peu méfiante c'est tout. C'est elle qui est venue me chercher à l'hôpital et elle a été un peu choquée de me voir dans cet état

Julian expire bruyamment et se sert un dernier verre de vin.

Sa culpabilité est sincère. Il regrette profondément son geste et essaie de se racheter tous les jours depuis cette affreuse nuit.

— Toi tu m'as pardonnée ?

— Oui mais moi je n'ai pas eu le choix car je ne peux pas vivre sans toi. Pour Larisa tu es l'homme qui a blessé son amie c'est différent. Elle a accepté de venir aujourd'hui, c'est un grand pas vers toi qu'elle a fait.

— Elle l'a fait pour toi .

— Alors tu devras t'en contenter.

Tant qu'il reste un piano - AUTO EDITIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant