En arrivant à son appartement après cette soirée mouvementée, le premier réflexe de Judith fut de filer sous la douche. L'eau bouillante ne mit pas longtemps à détendre ses muscles endoloris par les danses enfiévrées et une brève nuit passée sur un canapé dans une position improbable. Enfin réchauffée et délassée, elle s'extirpa avec difficulté de la cabine de douche, supportant assez mal la fraîcheur de la pièce. Elle s'enroula dans une grosse serviette et se sécha en vitesse, avant d'enfiler des vêtements bien douillets et confortables. Le bien-être procuré par la chaleur de la douche fût de courte durée, bien vite un mal de crâne atroce prit le dessus. Elle avait oublié à quel point les lendemains pouvaient être rudes. Pour la peine, elle se promit de bannir l'alcool à outrance à l'avenir. Judith se glissa dans son lit pour terminer sa nuit. Elle n'avait rien d'autre de prévu ce samedi et ne se sentait pas vraiment en état de faire autre chose. Emmitouflée sous la couette, elle ne tarda pas à sombrer dans un sommeil profond.
Des coups de plus en plus insistants frappés contre la porte de l'appartement la réveillèrent en sursaut.
- Ça va, ça va, j'arrive !
Sa curiosité était piquée au vif. Qui pouvait bien se présenter à sa porte ? Elle n'attendait personne. Elle ouvrit la porte et se retrouva nez à nez avec Ben, pour la deuxième fois en deux jours. Il tenait dans les mains le pull qu'elle n'avait pas retrouvé le matin même.
- Je t'apporte ton pull.
- Euh, merci.
Particulièrement honteuse dans son accoutrement ridicule composé d'un bas de survêtement et d'un t-shirt Grumpy cat, elle se sentit rougir. Ses cheveux étaient emmêlés et elle arborait la mine fatiguée de celle que l'on vient brutalement de sortir de son sommeil.
Ben lui tendit son pull et leurs mains se frôlèrent l'espace d'un instant. Il leva les yeux vers elle en lui souriant. Elle le trouvait beau, toujours aussi beau. Mais tellement inaccessible, presque irréel. Son visage devenait de plus en plus proche, et sans plus de cérémonie, ses lèvres s'abattirent sur les siennes, coupant court à ses réflexions intérieures. Elle avait l'impression d'être une actrice jouant un rôle opposé à sa propre vie. Son esprit semblait coincé quelque part dans les limbes, elle était incapable de comprendre la scène qui se déroulait... Elle se sentait si bien, si légère, elle se laissait porter par la douceur des lèvres de Ben contre les siennes. Au fur et à mesure que le baiser s'intensifiait, elle lâchait prise dans ses bras, renouant avec ce sentiment de plénitude provoqué par leur dernier baiser. Ce moment dura une éternité, comme suspendu hors du temps. Elle fermait les yeux pour mieux savourer la chaleur de ses bras, la tendresse de ses baisers, la sensation de ses mains contre sa peau.
Ses mains qui remontaient le long de son dos, puis dans son cou.
Ce sentiment agréable de bien-être la quitta peu à peu. Soudain, elle eut trop chaud, oppressée par ses mains qui la serraient avec brutalité. Sa respiration devenait irrégulière, jusqu'à en suffoquer littéralement. Cet échange n'avait plus rien de doux ni de tendre. La poigne se refermait sur son cou de plus en plus fort et elle sentait ses pieds quitter le sol, son dos claquer contre le mur. Elle essayait d'ouvrir les yeux, sans y parvenir. Quand elle voulait crier, aucun son ne sortait de sa bouche. Plus elle se débattait, plus l'étau se resserrait autour de son cou.
Au moment où elle ouvrit enfin les yeux, le visage en face du sien n'était plus celui de Ben. Ses yeux marrons rieurs s'étaient transformés en des yeux bleus perçants qu'elle ne connaissait que trop bien. Ce regard rempli de haine la transperçait. Tony. Il essayait encore de la tuer, et cette fois-ci, il y arriverait.
Judith se réveilla dans un hurlement, suffocante et en sueur. Un cauchemar. Un horrible cauchemar, identique aux précédents, à une exception près. Pour la première fois, Ben était venu s'immiscer dans l'un de ses rêves. Toute la scène semblait si réaliste... Elle était bouleversée par ce cauchemar, tant par la douceur de Ben que par la violence de Tony qui revenait trop souvent hanter ses songes.
Aussi agréable que cela puisse être, elle se maudissait d'avoir partagé ce baiser imaginaire avec Ben. Elle se sentait de nouveau comme une adolescente attardée en plein fantasme sur sa star préférée.
Si Ben et Judith s'étaient quittés sur un moment aussi brûlant que le feu, leurs retrouvailles avaient été aussi fraîches que la glace. Le timing de leur rencontre avait été mauvais, elle devait se faire une raison. Il était passé à autre chose, et montrait davantage d'intérêt envers Elinor. Elle devait bien l'admettre, au fond d'elle, Judith aurait aimé qu'il en soit autrement, mais ce n'était pas le cas.
Elle quitta difficilement son lit, un peu chancelante, peinant à reprendre son souffle. Dormir dans ce salon toutes fenêtres ouvertes n'avait pas amélioré sa forme, loin d'être olympique ces derniers jours. Elle exhuma une boîte de Doliprane du placard et se prépara un thé dans la cuisine, quand quelqu'un frappa réellement à la porte de son appartement.
Un bref instant, elle fût envahie par la panique. Le film de son cauchemar repassait en bouche, et s'il s'agissait de Tony ? Elle souffla un bon coup, se persuadant que c'était impossible, qu'il était en cellule et qu'elle n'avait plus rien à craindre de lui. Les coups frappés à la porte retentirent de nouveau, et elle sécha en vitesse les larmes qui avaient commencé à couler le long de ses joues.
- J'ai retrouvé ton pull.
Ben se tenait face à elle, son pull à la main. Et cette fois-ci, aucun doute possible : elle ne rêvait pas.
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Tome 1 - Après le vide
RomanceLe cœur brisé par une relation destructrice et le corps meurtri suite à un terrible accident, Judith tente de recoller les morceaux de sa vie.