Chapitre 30

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César et Inès avaient proposé à Judith de rester chez eux quelques jours, craignant de la laisser seule après avoir vécu tant d'émotions. Dans un premier temps, elle avait été tentée d'accepter, avant de se rappeler que Ben vivait aussi dans cet appartement. Elle avait un peu peur de se retrouver face à lui tant que la situation n'était pas clarifiée. Elle reprenait le travail avec les jumeaux dès le lendemain, ce qui lui laisserait relativement peu de temps pour ressasser. La prochaine étape serait le message de confirmation de Max. Ensuite, elle pourrait être complètement sereine.

En arrivant devant son immeuble, Judith eut la surprise de tomber sur Elinor qui attendait, une valise posée près d'elle.

- Bonjour.

Son ton était assez froid, et ses yeux rougis.

- Eli... Tu t'en vas ?

- Je pars quelques temps chez mon frère. Je ne sais pas encore si je reviendrai.

- Il y a un problème ?

- Tu vas me faire croire que tu n'es pas au courant ?

- Au courant de quoi ?

- Je pensais qu'il t'aurait sauté dessus une fois que ce serait fait, mais visiblement non.

Judith la regardait sans comprendre.

- Ben m'a quittée.

Des larmes dévalaient ses joues, et le cœur de Judith se serra. Malgré tout, elle était triste pour Elinor, c'était la première fois qu'elle la voyait si peinée à cause d'un homme. Judith ignorait que son amie était si attachée à Ben.

- Je suis désolée...

- C'est moi qui suis désolée... Je voyais que tu l'aimais bien et qu'il était attiré par toi, je n'aurais jamais dû me mettre entre vous... Mais j'ai eu un tel coup de cœur, si tu savais ! Et quand j'ai remarqué une ouverture, je n'ai pas réfléchi, j'ai foncé tête baissée. Puis tu n'arrêtais pas de dire que tu ne voulais pas être avec lui... Je te demande pardon Judith, je sais que je t'ai blessée...

Effectivement, Elinor lui avait fait du mal. La voir tous les jours avec Ben, les entendre à travers les murs si mal isolés, l'avait heurtée plus que ce qu'elle ne voulait bien admettre. Malgré tout, elle était incapable de lui en vouloir, elle avait sa part de responsabilité dans le désastre. Il aurait suffi qu'elle soit claire avec Elinor sur ses sentiments envers Ben dès le départ. Si elle n'avait pas persisté dans son déni ridicule, les choses se seraient passées différemment, elle en avait conscience. De plus, Judith était tellement persuadée que Ben préfèrerait Elinor, qu'elle avait baissé les armes sans même s'être battue. Ben aussi était fautif dans l'histoire. Lui qui s'était permis de lui reprocher de jouer sur deux tableaux, avait fait exactement la même chose avec Elinor et Judith. Il ne lui avait laissé aucune chance de s'expliquer, ce qui aurait dissipé immédiatement le malentendu. S'il l'avait accusée de ne pas être claire avec lui, il ne l'avait pas été non plus. Cette histoire qui avait pourtant si bien commencé, avait été gâchée avant même d'avoir pu débuter, les protagonistes étant deux idiots trop fiers ou trop timides pour poser cartes sur table. Depuis le début, le timing ne jouait pas en leur faveur. Judith restait toujours bloquée sur cette amère sensation d'inachevé.

Le taxi d'Elinor se gara en double file devant l'immeuble. Elle serra Judith dans ses bras, qui ne la repoussa pas. Elinor avait été sa première rencontre ici, elles avaient partagé de bons moments. Judith garderait un joli souvenir de leur amitié.

- Bon, j'espère au moins que vous serez heureux tous les deux.

Elle ne l'avait pas dit explicitement, mais tout ceci ressemblait fortement à des adieux.

Deux semaines s'étaient écoulées depuis le départ d'Elinor.

César avait rapidement reçu un message de Max. Le plan avait fonctionné comme espéré, Tony avait été arrêté et le monde de Judith continuait de nouveau à tourner. Elle avait envoyé un message à Tony quelques jours plus tard en convenant d'un rendez-vous pour lui donner l'argent. Le but était de ne pas éveiller ses soupçons, bien qu'elle sache pertinemment qu'il dormait déjà en prison à l'heure où elle lui écrivait. Elle avait également déposé une main courante au commissariat pour signaler qu'il la menaçait de lui soutirer de l'argent. Elle préférait se protéger au cas où il reviendrait à la charge dans quelques années, bien qu'elle ait bon espoir qu'il reste à l'ombre pour un moment et qu'il ait oublié son existence après ça.

Judith regardait tristement la marque qu'il avait laissée en saisissant brutalement son poignet pour la retenir lors de leur dernière entrevue. L'énorme hématome qui était passé par toutes les couleurs commençait à s'estomper doucement. Elle s'était promis de ne plus jamais laisser un homme lui faire du mal de cette façon. Cet adage qui disait, « laisse aller le passé et le passé te laissera aller », revenait souvent dans ses pensées. Elle y travaillait chaque jour et avait l'impression d'être en bonne voie...

Le mois de décembre touchait bientôt à sa fin. Judith avait fêté Noël avec Joséphine. Sans nouvelles de leurs parents depuis l'annulation de son mariage, sa sœur avait préféré ne pas retourner dans la famille pour les fêtes. Elles avaient préparé un repas festif et s'étaient offert chacune un petit cadeau. C'était certainement cliché de le dire mais pour Judith, le plus beau cadeau était cette relation de plus en plus solide avec Joséphine, qu'elle apprenait à redécouvrir. Savoir qu'elle pouvait désormais compter sur un membre de sa famille lui était extrêmement précieux.

Joséphine travaillait pour le réveillon du nouvel an, et Inès avait invité Judith à se joindre à eux. Ils organisaient une soirée à l'appartement, en petit comité. Enfin, petit comité, il fallait compter une vingtaine de personnes avec les membres de l'Alliance, les amis, les copines des gars... Judith avait accepté de bon cœur, se réjouissant de finir l'année auprès de cette joyeuse bande. Elle n'avait aucune nouvelle de Ben depuis son retour. D'après ce qu'elle avait pu entendre, il était en studio et ne s'arrêtait que pour manger et dormir. Elle ignorait s'il serait présent à la soirée du nouvel an. Inès le comparait à un courant d'air ces derniers temps.

Une fois n'étant pas coutume, Judith ne savait pas quoi penser. Quand elle avait appris sa rupture avec Elinor, elle s'était surprise à rêver de nouveau que leur heure vienne. Malheureusement, son silence assourdissant parlait pour lui. Elle avait espéré le croiser à l'arrêt de bus, en allant chez Inès, parfois même en fermant la porte de son appartement, en vain. Ben restait désespérément aux abonnés absents.

Tome 1 - Après le videOù les histoires vivent. Découvrez maintenant