La tête contre la vitre teintée et emmitouflée dans sa grande écharpe, Judith prétendit dormir pendant tout le trajet. Elle n'avait ni besoin de parler de choses futiles, ni envie de répondre aux questions de César et Inès quant à ce qui allait se passer le lendemain avec Tony. Elle était juste pressée d'en finir avec cette histoire, priant intérieurement pour que tout se passe bien. Judith observait discrètement le couple à l'avant de la voiture en ouvrant un œil de temps en temps, sans perdre une miette de leurs conversations. A chaque fois qu'elle les voyait ensemble, elle pouvait ressentir à quel point ils étaient faits l'un pour l'autre. L'amour qu'ils se portaient était indéniable. Les regards, les gestes, ça ne trompe pas... Malgré les épreuves qui s'étaient mises en travers de leur chemin, une grossesse non désirée, un avortement subi, une séparation, des attentes et des projets de vie différents, le temps qui passe ne semblait pas avoir d'effet sur eux. Judith espérait sincèrement qu'ils parviennent à trouver un terrain d'entente pour préserver leur union, et que les choix de l'un ne finiraient pas par blesser l'autre... Inès ne voulait toujours pas d'enfant et César avait choisi d'être avec elle plutôt que de chercher celle avec qui fonder une famille, mais Inès était persuadée qu'il n'avait pas renoncé à cette idée. Cette dernière savait que César faisait cette concession pour elle, elle l'aimait encore plus pour cela même si elle avait toujours un poids sur les épaules, une peur constante de le décevoir. Ils profitaient de l'instant, ils s'aimaient sans penser au futur, heureux à l'intérieur de cette bulle fragile. Ils avaient trouvé leur équilibre, aussi précaire soit-il.
Le reste de la soirée s'était déroulé dans le calme. Ils avaient mangé rapidement avant de rejoindre leur petit hôtel. Judith avait apprécié la compagnie de ses amis auprès d'elle dans cette tempête, même si elle n'avait pas été très bavarde tant le stress lui nouait la gorge. Elle n'avait pas fermé l'œil de la nuit, redoutant le moment fatidique où elle se retrouverait face à Tony.
Le plan échafaudé était assez simple. La voiture de César était garée en double file devant le café, leur permettant de guetter l'arrivée de Tony. Le cœur de Judith avait fait un bond dans sa poitrine quand elle l'avait vu jeter son mégot devant la porte et pénétrer à l'intérieur de l'établissement. Il était bel et bien là, impossible de faire machine arrière. Elle lui avait envoyé un message pour l'avertir qu'elle aurait un peu de retard. César et Inès étaient entrés dans le café, s'installant à une table proche de la sienne et pouvant ainsi les observer sans qu'il ne devine que Judith était venue accompagnée. Elle craignait qu'il ne panique en voyant qu'elle n'était pas seule, elle avait donc préféré qu'Inès et César restent en retrait pour le moment. César avait pour consigne de n'intervenir que si Judith lui faisait signe ou s'il était témoin de violence manifeste.
Cela faisait dix bonnes minutes qu'Inès et César se trouvaient à l'intérieur, Judith allait pouvoir entrer en piste. Paralysée par la peur, elle respirait lentement, se préparant mentalement à affronter son bourreau. Savoir César et Inès près d'elle lui donnait de la force et la rassurait beaucoup.
- Salut ma Jude.
Une vive décharge électrique traversa tout son corps. Cette voix. Ce surnom. Il l'appelait de cette façon lors de ses bonnes phases, ou lorsqu'il culpabilisait et cherchait à se faire pardonner... A cette époque, Judith aimait tellement entendre ce surnom affectueux. Désormais, il lui donnait plutôt envie de vomir. Elle souffla un bon coup, essayant de rester la plus naturelle possible malgré le tremblement de ses mains.
- T'es de plus en plus belle dis-moi...
Son regard toujours aussi bleu la transperçait, et la lueur lubrique qui y brillait la dégoûtait au plus haut point. Quand ils étaient ensemble, elle n'avait pas le droit de s'habiller comme elle le souhaitait, elle ne pouvait se maquiller que pour camoufler les traces de coups sur son visage et pesait dix kilos de moins à cause de la peur qui contractait sans cesse son estomac. Heureusement, cette version fantomatique d'elle-même n'existait plus. Aujourd'hui, elle avait pris un soin particulier à se préparer, pas pour lui plaire, surtout pas, mais pour lui montrer que malgré tous ses efforts, il n'avait pas réussi à la détruire. Jamais elle ne le laisserait l'atteindre de nouveau, le message se voulait limpide. Quant à lui, il n'avait pas du tout changé. Ses cheveux noirs coupés en un dégradé impeccable, son teint mat, sa chaîne en argent autour du cou... Cependant, sa barbe de quelques jours durcissait les traits de son visage, et son regard paraissait plus sombre malgré le bleu clair de ses yeux... Judith imaginait que son séjour en prison avait achevé de rendre son âme encore plus noire. Malgré la peur qui lui tenaillait les entrailles, elle devait se montrer forte et déterminée à l'éloigner de sa vie pour de bon.
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Tome 1 - Après le vide
Roman d'amourLe cœur brisé par une relation destructrice et le corps meurtri suite à un terrible accident, Judith tente de recoller les morceaux de sa vie.