Tome 1 - Après le vide

Chapitre 23

Inès avait invité Judith à une énième soirée organisée à l'appartement que partageaient César et Ben, et qui par la force des choses, était presque sa deuxième maison. Comme à son habitude, Judith avait commencé par refuser la proposition. Pourtant, elle n'avait rien de plus intéressant à faire et appréciait beaucoup leur groupe d'amis, elle se sentait à l'aise avec eux et plutôt bien intégrée parmi ces garçons drôles, simples et passionnés. Au-delà de ça, la perspective de voir Ben et Elinor ensemble lui donnait envie de prendre ses jambes à son cou. Elle était bien décidée à tourner la page, ce qui n'était pas chose aisée avec ces deux-là sous les yeux constamment.

Les derniers événements avaient grandement affecté Inès, qui ne comprenait pas leurs agissements. Elle avait traité Elinor de tous les noms possibles et imaginables et Ben en avait également pris pour son grade. Il lui paraissait inconcevable que la soi-disant amie de Judith ait pu lui planter un tel couteau dans le dos. La raison pour laquelle Ben avait aussi vite retourné sa veste alors qu'il semblait prêt à tenter quelque chose avec Judith ne lui échappait pas totalement. Le fait qu'il l'ait vue dans les bras de Liam devait jouer un grand rôle dans ce revirement de situation. Inès avait expliqué à Judith à quel point il avait souffert à cause de son ex, Ally, qui n'avait cessé de le balader et de jouer sur plusieurs tableaux. Depuis, il avait du mal à accorder sa confiance et fuyait au moindre obstacle. D'après Inès, Ben n'était pas attaché à Elinor, son attirance se limitait au physique et il trouvait rassurant de ne pas s'impliquer émotionnellement. Judith ne connaissait pas aussi bien Ben, mais il était évident qu'Inès n'était pas objective. Elle ne supportait plus Elinor depuis toute cette histoire et ne lui trouvait que des défauts. Judith avait beau avoir une part de rancœur envers sa voisine, elle ne pouvait pas donner raison à Inès. Elinor, en plus d'être magnifique, était intéressante et agréable à vivre. Elle avait toujours un tas d'histoires à raconter, et transmettait constamment de la bonne humeur autour d'elle. Judith voyait très précisément ce qui pouvait charmer Ben chez elle, au-delà de son physique avantageux. Inès la jugeait stupide de la défendre ainsi mais c'était plus fort qu'elle, la mauvaise foi n'était pas sa spécialité. Elle avait mis de la distance avec Elinor pour se préserver, malgré tout elle était incapable de la descendre gratuitement.

Les temps aidant, Judith avait pris du recul et souffrait moins de cette situation. Elle se donnait corps et âme dans son rôle de baby-sitter avec les jumeaux et ses journées défilaient. La vie active lui faisait un bien fou. Malheureusement, cela n'était pas sans conséquence. Ses hanches et son dos la faisaient souffrir et Inès avait dû doubler les séances de kiné pour tenter de la soulager au mieux. Elle lui avait conseillé de lever le pied, mais pour rien au monde Judith n'aurait abandonné son emploi. Sa vie était restée entre parenthèses trop longtemps, le temps de l'isolement et du repos forcé était révolu, elle n'aurait pas supporté un retour en arrière, quel qu'en soit le prix. De plus, elle aimait passer du temps avec Elias et Rosie, qui se révélaient aussi épuisants qu'attachants.

L'ombre de Tony s'éloignait pas à pas. Elle n'était pas totalement sereine, mais prise dans le tourbillon de la vie et en l'absence de signe de sa part, elle s'autorisait à baisser la garde. Il demeurait toujours dans un recoin de son esprit, de plus en plus lointain à chaque jour qui passe.

Judith était éreintée après cette semaine de travail. Rosie avait été malade. Elle avait jonglé entre les lavages de nez acrobatiques, les inhalations à la Ventoline mouvementées et les séances de kiné respiratoire ponctuées de hurlements. A peine allait-elle mieux qu'Elias était à son tour malade. La joie des jumeaux qui partagent tout... Judith avait passé le relai aux parents pour le week-end et espérait de tout cœur qu'ils aillent mieux lundi. Elle ne s'était jamais occupée d'enfants auparavant, pourtant, elle s'en sortait étrangement bien. Pour une fois, elle avait une raison de se sentir fière. Guidée par une sorte d'instinct qui lui dictait comment agir, elle se surprenait elle-même, d'ordinaire si peu confiante.