Chapitre 33

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Au grand désespoir de Judith, ce qui devait arriver arriva inéluctablement.

Dès le lendemain matin, Ben avait repris le chemin du studio. Cela faisait presque une semaine que Judith était sans nouvelles. Elle savait qu'il travaillait d'arrache-pied et passait ses journées cloîtré à écrire et enregistrer, qu'il recommençait encore et encore jusqu'à être complètement satisfait, très perfectionniste et exigeant avec lui-même. Le manque de son côté n'avait pas tardé à se faire ressentir. Judith se montrait compréhensive et ne voulait pas devenir envahissante mais dans les débuts d'une relation, elle estimait qu'il était légitime d'avoir toujours envie d'être avec l'autre. Du moins, elle avait été habituée ainsi dans ses précédentes histoires. Ceci-dit, elles n'avaient pas fonctionné pour autant. Elle avait décidé de prendre son mal en patience et de laisser à Ben tout l'espace nécessaire, respectant son silence et son besoin de concentration.

Judith était également bien occupée de son côté. Les parents des jumeaux, en voyage aux Maldives, lui avaient demandé de venir s'installer chez eux pour garder les enfants toute la semaine. Elle avait évidemment accepté, heureuse de passer plus de temps avec Elias et Rosie, et, il fallait bien l'avouer, appâtée par le salaire exorbitant que Rachel et Léonard lui proposaient pour l'occasion.

La dernière nuit auprès des petits avait été abominable. Ils n'étaient plus malades, mais l'absence de leurs parents les rendaient un peu chagrins au moment du coucher. Ils avaient besoin d'être rassurés et câlinés pendant de longues heures. Ensuite, l'un se réveillait en pleurs au beau milieu de la nuit, tirant ainsi l'autre de son sommeil, et vice versa. A tout juste dix-huit mois, Elias et Rosie étaient trop petits pour aller à l'école, et leurs parents préféraient qu'ils soient gardés à la maison, de ce fait ils n'étaient pas inscrits en crèche. Judith passait l'intégralité de ses journées avec eux, ce qui pouvait se révéler assez épuisant.

La journée avait été particulièrement longue. Les jumeaux s'étaient réveillés très tôt ce matin, d'une humeur massacrante. Après leur avoir donné tour à tour un biberon et un biscuit, elle les avait lavés et habillés, puis joué avec eux une bonne partie de la matinée. Judith avait tenté de les mettre à la sieste, sans succès. Elle savait que l'après-midi serait interminable et qu'elle finirait la journée sur les rotules. Seul point positif, ils devraient se coucher sans faire trop d'histoires après ça. Judith les avait occupés à grands renforts d'histoires et de jouets d'éveil divers et variés, et les avait laissés crapahuter librement dans l'appartement immense. La fin de journée avait été difficile, les jumeaux se montrant épuisés et exécrables. Ils ne demandaient qu'une seule chose, dormir. A 19 h 30, chacun tomba de sommeil dans son petit lit et Judith soupira de soulagement. Elle espérait que la nuit soit calme et reposante. D'un air attendri, elle regardait leurs petits visages paisibles, leurs paupières closes. A cet instant, personne n'aurait pu imaginer que ces deux petits anges étaient responsables de l'impressionnant bazar dans la pièce d'à côté.

Elle profita du calme retrouvé pour ranger un peu l'appartement et se préparer quelque chose à manger. L'épuisement la frappa pile au moment où elle s'installa dans le canapé avec une part de pizza. Elle n'avait pas eu une minute pour elle aujourd'hui et n'avait même pas remarqué à quel point elle se sentait fatiguée. S'occuper de jumeaux en bas âge était aussi épanouissant qu'énergivore. Son dos et ses hanches la faisaient souffrir depuis deux jours, étant souvent debout ou assise à même le sol. Surtout, elle portait beaucoup les enfants qui pesaient plus de dix kilos chacun. Elle était sur le point de se faire couler un bain, quand son téléphone afficha un message de Ben. Sans qu'elle ne le remarque, un sourire niais étira ses lèvres à la lecture de ces mots.

T'es chez toi ? J'ai besoin d'une pause et j'ai envie de te voir.

S'il savait à quel point, elle avait envie de le voir elle aussi. Heureusement que les jumeaux occupaient une partie de son esprit, sinon l'attente serait presque insurmontable. Elle lui avait pourtant bien précisé qu'elle gardait les enfants cette semaine. Un peu déçue qu'il ait oublié, elle pouvait tout de même comprendre qu'il soit accaparé par son travail et qu'il ait occulté ce point de détail. Elle hésitait, après tout Léonard et Rachel, les parents des jumeaux, l'avaient autorisée à inviter des amis pour lui tenir compagnie quand Elias et Rosie étaient couchés. Ils lui faisaient confiance. Les enfants dormaient à poing fermés dans leurs petits lits à barreaux. Même s'ils se réveillaient pour une raison quelconque, ils ne pouvaient pas sortir de leur lit ou quitter leur chambre. Quoi qu'il en soit, ils ne risquaient pas de croiser Ben. Judith lui envoya l'adresse, le studio n'était pas très loin du quartier où elle se trouvait. Il arriverait assez rapidement. Le cœur battant à cent à l'heure et les mains moites, elle trépignait d'excitation, incapable de focaliser son esprit sur autre chose que son arrivée imminente, un peu comme une enfant qui attendrait le père noël. Prenant conscience du ridicule de la situation, elle alluma la télévision pour tenter de se calmer.

Après une bonne demi-heure qui lui parut interminable, la sonnerie de l'interphone retentit enfin. Judith priait intérieurement tous les saints pour que les enfants ne se réveillent pas. Elle jeta un coup d'œil furtif sur l'écran du babyphone, rassurée de constater que les jumeaux dormaient toujours à poings fermés. Elle décida de prendre les devants en ouvrant la porte de l'appartement avant qu'il ne frappe et ne fasse du bruit inutilement. Il sortit de l'ascenseur au même moment, et son cœur manqua un battement quand il lui sourit.

En quelques secondes, elle se retrouva blottie dans ses bras et leurs lèvres ne tardèrent pas à se retrouver. Les mots étaient superflus, à cet instant, ils avaient juste besoin de se sentir l'un contre l'autre. Jamais le manque ne lui avait paru si cruel. Jamais l'amour ne lui avait paru si doux.

Frappée par l'intensité des sentiments qui l'assaillaient, elle se demandait parfois pourquoi tout allait si vite. En si peu de temps, Ben était devenu indispensable à sa vie. Elle avait peur de s'attacher, peur qu'il ne ressente pas la même chose... Mais il était déjà trop tard pour revenir en arrière. Cela faisait bien longtemps qu'elle avait succombé et déposé les armes. Elle profitait de ses baisers brûlants, encore et encore et serrait son corps contre le sien, bien consciente que dans quelques heures, il disparaîtrait de nouveau pour une durée indéterminée.

- Tu m'as manqué...

Il avait cessé de l'embrasser pour lui chuchoter ces trois mots, qu'elle avait envie de lui crier depuis qu'il était arrivé.

- Toi aussi, si tu savais...

Tome 1 - Après le videOù les histoires vivent. Découvrez maintenant