Chapitre 53

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Assise sur un banc aux côtés de Ben, Judith gardait un œil attentif sur Sacha qui jouait dans l'aire de jeux de ce parc, qui l'avait en quelque sorte vu grandir. Judith l'y avait promené en poussette alors qu'il n'avait que quelques mois, il y avait fait ses premiers pas hésitants, était tombé à maintes reprises sur les graviers du petit chemin. Il ne se lassait jamais de monter et descendre du toboggan. Cette sortie était devenue un rituel, un passage obligé du mercredi après-midi quand le temps le permettait. Se retrouver ici avec Ben lui paraissait un peu étrange. Petit à petit, elle le laissait entrer dans leur bulle et se sentait rassurée de voir que Sacha l'acceptait plutôt bien. Il avait été ravi que « tonton Ben » les accompagne pour leur sortie au parc. Judith n'était pas loin de penser que Sacha s'adapterait finalement très bien à la présence de Ben dans leur vie.

- Hey, Ben, regarde ce que je sais faire !

Judith sourit en regardant Ben ne pas se contenter de le regarder, mais se lever pour rejoindre Sacha et voir ce qu'il tenait tant à lui montrer. Les voir interagir tous les deux lui provoquait toujours une vive émotion. Sacha semblait se sentir en confiance avec lui, et Ben se montrait impliqué et intéressé, sans être envahissant. C'était presque trop beau pour être vrai. Tout était tellement simple en ce moment, la vie n'avait pas été si douce depuis bien longtemps. Judith avait toujours peur du retour de bâton, comme si le bonheur n'était à chaque fois que de passage et ne pouvait pas s'installer durablement dans sa vie. Les dernières années ne l'avaient pas épargnée. Malgré tout, elle se laissait porter par cette vague d'amour et de légèreté, pour voir où elle pourrait les mener.

Le téléphone de Ben posé sur le banc vibrait déjà depuis quelques secondes. L'œil de Judith dévia irrémédiablement vers l'écran. Une certaine Yuna avait essayé de le joindre à plusieurs reprises. Une vilaine douleur à l'estomac lui rappela une sensation détestable : la jalousie. C'est ce qu'elle aimait le moins dans les relations amoureuses, voir à quel point le moindre détail pouvait faire perdre la tête. Ce n'était qu'un prénom, pourtant elle le considérait déjà comme une menace.

- Il me fait trop rire ton gamin. J'ai l'impression qu'il m'aime bien.

Perdue dans ses pensées, elle n'avait pas entendu Ben revenir.

- C'est qui Yuna ?

Il lui lança un regard chargé d'incompréhension, avant de reprendre sa place près d'elle sur le banc.

- Pourquoi tu me demandes ça ?

- Elle n'arrête pas de t'appeler.

- C'était ma copine au Japon.

- Tu ne m'en n'as jamais parlé.

- Non, de toute façon ça fait un bail qu'on n'est plus ensemble. Déjà avant que je rentre en France.

- Pourquoi elle t'appelle dans ce cas ?

- Elle veut savoir quand je vais revenir, elle dit qu'elle a encore des affaires à moi... Bref, elle ne lâche pas l'affaire. Je ne prends même plus ses appels. J'ai été clair avec elle, je n'ai plus rien à lui dire.

Judith baissa les yeux, incertaine d'être capable de se contenter de ses explications.

- T'es jalouse ?!

- Non.

- Arrête, ça se lit sur ton visage.

- Je ne sais pas, je n'ai jamais entendu parler d'elle et tout à coup, j'apprends qu'elle te harcèle.

- Toujours plus... Elle ne me harcèle pas non plus. Disons qu'elle a du mal à comprendre que je ne reviendrai pas.

- Et si tu changeais d'avis ? Si tu te levais un beau matin et que le Japon te manquait... Tu aimais bien ta vie là-bas, non ? Tu es rentré parce que ta mère avait besoin de toi, pas parce que tu l'avais décidé.

- Stop. Tu te poses vraiment trop de questions.

Il marqua un temps d'arrêt et regarda Judith dans les yeux. Elle aurait pu fondre sur place sans problème à cet instant.

- Je suis rentré pour ma mère, c'est vrai, mais c'est toi que j'ai retrouvée. Le Japon m'a fait du bien, c'est ce dont j'avais besoin à un moment de ma vie. Là, je n'ai jamais été aussi sûr de moi, alors je ne te lâcherai plus sauf si tu me dis que tu ne veux pas de moi. Ma place est avec toi... Avec vous deux.

Absolument tout ce qu'elle avait besoin d'entendre résumé en quelques mots... Écouter Ben inclure Sacha dans ses projets ne pouvait que la toucher et la rassurer davantage, il avait bien compris qu'il était indissociable d'elle, et semblait l'accepter parfaitement. Il avait fait beaucoup de chemin depuis leur dernière séparation, elle en prenait d'autant plus la mesure. Lui qui ne voulait pas entendre parler de famille ou d'enfants, était maintenant prêt à en accepter un qui n'était pas le sien.

- Tu n'as pas changé, toujours prête à te faire des films. Ça turbine à fond dans ta petite tête.

- J'ai tellement envie de t'embrasser là tout de suite.

- Ça ne tient qu'à toi.

- Je veux lui en parler d'abord.

- T'inquiètes. Je comprends.

- Reste manger ce soir. On lui dira ensemble.

Profitant que Sacha ne les regardait pas, Judith attrapa la main de Ben et il la serra fort dans la sienne, déposant un furtif baiser sur sa joue.

- Des frites !!!

Judith plaidait coupable, elle avait préparé un des plats préférés de Sacha pour mieux faire passer la pilule. L'odeur de friture qui restait dans l'air la dégoûtait au plus haut point, elle détestait cuisiner des frites à la maison

- Et en plus c'est trop bien, parce que tonton Ben, il mange à notre maison !

L'enthousiasme débordant de cet enfant et sa capacité à s'émerveiller de tout la fascinerait toujours. Ben lui adressa un grand sourire.

- Bon bah ça fait plaisir, on est bien accueilli ici !

Judith prit une grande inspiration. Il fallait qu'elle lâche le morceau maintenant avant de se dégonfler.

- Sacha. Tu peux venir près de moi s'il te plaît ? Je voudrais te parler de quelque chose.

Il hocha la tête et s'approcha de sa maman, arborant son petit air coupable.

- Mais j'ai pas fait de bêtise moi.

- Non, non, pas du tout. Ce n'est pas ça.

Judith le serra dans ses bras et déposa un baiser sur sa joue toute douce.

- Voilà, je voulais te dire que... Ben n'est pas qu'un simple tonton.

- Ah bon ? Mais c'est qui alors ?

- Hum... On peut dire que Ben et maman sont amoureux si tu préfères.

Cette révélation le fit beaucoup rire.

- C'est comme tonton César et tatie Jo ?

- Oui mon chéri.

- Alors, ça veut dire que vous aurez un bébé vous aussi ?

- Euh... Non, ce n'est pas prévu au programme.

- Mais maman, je ne savais pas que t'avais un amoureux.

- Oui. C'est pour ça que je t'en parle, parce que Ben va passer beaucoup de temps avec nous maintenant.
- C'est trop bien ! Il pourra jouer avec moi aux Legos, aux voitures, aux playmobils et regarder la Pat' Patrouille !

Judith observait Ben qui souriait, ravi d'être accepté à bras ouverts par le fils de celle qu'il aimait. Il s'approcha à son tour de Sacha pour le checker.

- Ouais, ça me plairait bien.

- Trop cool !

Judith avait souvent tendance à oublier la capacité assez impressionnante de la plupart des enfants à voir le côté positif des choses. Tout ne serait pas toujours rose, mais un cap était passé. Elle allait enfin pouvoir laisser Ben se faire une vraie place dans leur vie.

Tome 1 - Après le videOù les histoires vivent. Découvrez maintenant