Chapitre 34

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- Ok, c'est quoi cet appart de fou ?

Ben observait d'un œil admiratif l'appartement des patrons de Judith. En plus d'être immense, il était assez luxueux et décoré avec soin. Le prix d'un tel bien en plein Paris devait se situer bien au-delà de la portée de son imagination. L'argent n'avait jamais été un problème pour Léonard et Rachel, avocats d'affaires issus eux-mêmes d'un milieu aisé. Malgré l'opulence dans laquelle ils vivaient, ils restaient très simples et agréables. Jamais ils ne l'avaient prise de haut ou considérée comme la bonne à tout faire. Judith avait pratiquement le sentiment de faire partie de la famille alors qu'elle ne travaillait pour eux que depuis quelques mois.

Ben s'installa sur le canapé. Judith apporta des boissons et la pizza réchauffée qu'elle avait entamée un peu plus tôt dans la soirée.

- Désolée, je n'ai que ça. Si tu m'avais prévenue plus tôt, j'aurais quand même fait un effort.

- Ça ira très bien.

- Ça avance comme tu veux au studio ?

- Ne m'en parle pas... Journée de merde, je n'ai pas du tout géré aujourd'hui.

- C'est comme pour tout, il y a des jours avec et des jours sans...

- En ce moment, c'est souvent des jours sans...

Il posa sa casquette sur la table basse et passa une main dans ses cheveux en soupirant. Il avait l'air encore plus épuisé que le soir du nouvel an.

- Bon et toi, raconte-moi un peu ta journée. Je suis désolé, j'avais zappé que tu passais la semaine avec les petits, pourtant tu m'en avais parlé.

- Ce n'est pas grave, tu as beaucoup de choses à penser... Je suis éreintée, les jumeaux m'ont mis la misère.

Elle raconta sa journée à Ben, qui l'écoutait attentivement, amusé par le récit de cette journée apocalyptique en compagnie de deux tornades de dix-huit mois.

- Eh bah, ce n'est pas de tout repos les gosses.

- À qui le dis-tu... C'est drôle, parce que je les aime autant qu'ils m'épuisent... Ils sont tellement attachants... Regarde.

Attendrie, Judith lui montra des photos prises avec les jumeaux plus tôt dans la journée.

- Ça va, ils sont mignons, mais ça se voit qu'ils sont terribles.

- J'avoue, ils ont ce petit air coquin qui ne trompe personne. En tout cas, je suis bien contente qu'ils soient enfin endormis.

Judith posa son téléphone et débarrassa les restes de leur minimaliste repas. Ben, affalé sur l'immense canapé en cuir italien, semblait prêt à s'endormir. Rapidement, elle le rejoignit et se blottit contre lui. Cette scène ressemblait en tout point à sa définition du bonheur.

- Qu'est-ce qu'on est bien là-dedans ! C'est encore plus confortable que mon lit.

- La journée, je ne m'assois jamais sur ce canapé. C'est un piège. Une fois que tu es dedans, impossible d'en sortir. Tu as comme l'impression de flotter sur un nuage.

- Au studio, on a un clic-clac qui a déjà bien vécu. Ça m'arrive souvent de dormir sur place, le lendemain j'ai le dos en miettes. Si l'album marche bien et qu'on fait assez de bénef, tu demanderas à tes patrons la référence de cette merveille.

- J'imagine que ça coûte au moins un rein.

- Je suis prêt à parier que tout le mobilier de ce salon réuni coûte plus cher que mon appart.

- C'est fort possible.

Judith ferma les yeux et profita de la chaleur de son corps contre le sien, sachant pertinemment qu'il lui glisserait vite entre les doigts pour s'enfermer de nouveau dans son studio.

- Alors, tu es toujours d'accord pour me faire écouter ce que tu as enregistré ?

- Ouais, pourquoi pas.

- Tu n'as pas l'air emballé.

- Ne le prends pas mal... Je suis hyper perfectionniste et je n'aime pas partager mon taf tant qu'il n'est pas abouti à fond, tu vois. Aussi, il y a pas mal de mes sons qui parlent de mes ex, ou de mes relations avec les meufs. De toute façon, tu les entendras quand l'album sera sorti, mais je préfère te prévenir...

- Oh, ne t'en fais pas pour ça... On ne se connaît que depuis un an, et ça fait à peine une semaine qu'on est ensemble. Je ne m'attendais pas à ce que ton album soit rempli de morceaux en mon honneur. On a chacun eu une vie l'un avant l'autre, ça ne me pose pas de problème.

- Ok, tant mieux. Je suis tellement habitué à être dans des histoires compliquées que je me prends la tête pour rien.

Il resserra son étreinte autour d'elle.

- J'suis bien avec toi.

Il nicha sa tête dans le creux de son cou avant de l'assaillir de baisers. Elle aussi, se sentait bien avec lui, tellement bien... Elle ferma les yeux et se laissa aller, répondant avidement à ses lèvres qui embrassaient les siennes. Les sensations se faisaient de plus en plus intenses, son corps brûlant n'attendait que le sien. Il était de plus en plus difficile de se contenir, de mettre des barrières alors que son être tout entier désirait qu'elle baisse sa garde et s'abandonne dans ses bras. Il continuait de l'embrasser et la fit basculer au-dessus de lui. Il avait bien compris ses réticences et la laissait mener la danse pour voir jusqu'où elle voulait aller. Elle n'avait pas envie de s'arrêter, mais tout comme il était perfectionniste avec sa musique, elle avait envie de l'être avec leur histoire. Elle avait attendu bien trop longtemps, elle ne voulait pas céder sur un coup de tête. Elle préférait l'intimité de l'une de leur chambre, et les jumeaux risquaient de se réveiller à tout moment. Dans un dernier effort surhumain, elle stoppa leurs baisers enfiévrés pour se blottir à nouveau contre lui. Elle pouvait sentir sa frustration, qu'elle partageait, mais quelque chose la bloquait. Pourtant, elle était loin d'être vieux jeu, ou romantique. Avec ses ex, les étapes s'étaient franchies naturellement. Cette fois-ci, les choses étaient différentes. Elle n'avait pas eu de relation depuis son accident, son corps avait changé. Elle était aussi plus méfiante, ressentant le besoin d'être à cent pour cent en confiance et que toutes les conditions soient réunies.

- Ça va ? Tu as l'air ailleurs.

- Oui... Je réfléchis trop je crois.

- Malheureusement pour moi.

Elle lui lança un regard outré et il se mit à rire.

- Ne t'inquiète pas. On a tout notre temps. Il faut juste qu'on arrête de se chauffer comme ça, parce que je vais avoir du mal à me contenir.

Il embrassa sa tempe et caressa ses cheveux.

- Tu restes cette nuit ?

- Crois-moi, je voudrais bien. Mais ça va être compliqué, et t'as les petits aussi, s'ils se réveillent et qu'ils me voient là, ça ne va pas le faire.

- Tu as raison. Mais je n'ai pas envie que tu partes.

- Moi non plus. On se capte vite ?

- Mes patrons rentrent samedi.

- Ok, je vais charbonner d'ici là et je serai là samedi soir. Bon, maintenant, explique-moi comment on fait pour se lever de ce canapé...

Elle rit et l'embrassa une dernière fois. Il se leva, non sans mal, et quitta l'appartement, la laissant aux prises avec une terrible sensation d'abandon. Plus tard, elle eut du mal à trouver le sommeil, Ben lui manquait déjà. Ses sentiments étaient si forts qu'ils la terrifiaient. Elle avait peur de la fin alors que leur histoire venait à peine de commencer. Comme au bord d'un précipice, elle était tiraillée entre l'adrénaline de se jeter dans le vide et la peur qui lui donnait le vertige. Malheureusement, il était trop tard pour reculer, elle avait déjà sauté depuis longtemps.


Tome 1 - Après le videOù les histoires vivent. Découvrez maintenant