Chapitre 49

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La main bien accrochée à celle de son fils, Judith essayait de contrôler sa respiration de plus en plus saccadée et sa gorge qui se nouait au fur et à mesure qu'ils arpentaient les couloirs de cet hôpital. Si aujourd'hui, elle s'y rendait pour un heureux événement, ça n'avait pas toujours été le cas. C'était ici que Liam avait appris sa maladie, ici qu'il avait passé de longs mois sans eux à tenter de douloureux traitements inefficaces... Ici qu'il était mort. Cet endroit lui donnait la nausée. Elle avait de plus en plus de mal à respirer dans cette atmosphère remplie de pénibles souvenirs et seule la main de Sacha dans la sienne l'aidait à ne pas perdre pied.

Judith n'avait pas saisi la raison pour laquelle Joséphine tenait tellement à accoucher ici. Elle avait espéré qu'elle réalise, mais elle ne voyait que le côté pratique. C'était l'hôpital dans lequel elle travaillait, et qui était le plus proche de chez elle. Judith avait pris sur elle pour être là aujourd'hui, elle ne voulait pas manquer les premiers jours de sa filleule malgré tout. Elle avait passé deux semaines en couveuse à cause de sa naissance un peu trop précipitée, mais elle allait bien. Judith avait vraiment hâte de faire sa connaissance. En ouvrant la porte de la chambre, sa première vision fut celle de Ben, assis dans le fauteuil avec le minuscule bébé dans les bras. Elle était déjà au bord de la crise d'angoisse, et voilà qu'elle se sentait submergée par une émotion nouvelle, indescriptible.

- Maman, t'as vu ? C'est le bébé !

La petite voix de Sacha aida Judith à reprendre ses esprits. Elle n'avait pas le droit de s'effondrer maintenant, pas devant lui.

- Oui chéri. C'est ta petite cousine.

Il s'approcha timidement et déposa un bisou sur son front, avant de lui faire une petite caresse sur la tête. Sacha adorait les bébés et était toujours très prévenant, le cœur de Judith se serrait à chaque fois en pensant qu'il ne serait jamais grand frère. C'était dans leurs projets avec Liam, malheureusement ils n'en avaient pas eu le temps.

- Tu veux la prendre un peu ?

Ben se leva et déposa le minuscule bébé endormi dans les bras de Judith.

- Hey... Bonjour petite Ella. Moi c'est Judith, je suis ta marraine. Je suis tellement heureuse de te rencontrer...

Ella. Judith aimait énormément le prénom choisi par César et Joséphine, qui après des mois de désaccord sur le choix du prénom, avaient fini par trouver un terrain d'entente.

Malgré les douloureux souvenirs qu'elle avait dû affronter en venant ici, Judith était heureuse de pouvoir serrer Ella dans ses bras. Elle se sentait toujours émue devant de tels miracles de la vie. Ses petits pieds, ses minuscules mains, son doux visage de poupée. Elle était si parfaite.

- Je reviens, je descends chercher à manger. Vous voulez quelque chose ?

César et Joséphine passèrent commande auprès de Ben, et Judith refusa poliment.

- Je peux venir avec toi pour prendre des bonbons ?

- Euh... Oui, si ta mère est d'accord.

Sacha regarda sa maman avec des petits yeux implorants, il était évident qu'elle n'était pas en mesure de lui refuser quoi que ce soit lorsqu'il prenait cet air suppliant.

- D'accord, mais tu es sage et tu restes près de Ben.

- Ouiii !!!

- Ne t'inquiète pas, je ferai attention.

Judith regarda Ben et Sacha s'éloigner de la chambre tous les deux. Les voir ensemble la perturbait beaucoup, elle avait toujours l'impression de faire quelque chose de mal vis-à-vis de Liam.

- Je vois que Ben s'entraîne pour son futur rôle de beau-père, c'est bien !

- Mais qu'est-ce que tu racontes ?

César était toujours aussi lourd et ne cessait de taquiner Judith avec ses allusions depuis que Ben et elle avaient repris contact.

- Allez, ce n'est qu'une question de temps. Vous vous bouffez des yeux.

- C'est vrai Ju, pour une fois que je suis d'accord avec lui...

- Certainement pas.

- Ok, continue de te voiler la face si ça te fait plaisir.

Venir dans cet hôpital lui avait demandé un effort considérable, et personne ne semblait le réaliser. Elle avait énormément pris sur elle, désormais elle commençait à sentir la colère monter. Ni l'endroit, ni le moment n'étaient appropriés pour parler de tout ça. Elle était profondément blessée par le manque de délicatesse de sa sœur et de son ami.

- Vous êtes tellement à côté de la plaque. Vous n'avez même pas idée de ce que cet endroit représente pour moi. C'est ici que Liam est mort, ça fait une demi-heure que je prends sur moi pour ne pas m'effondrer et vous pensez réellement que je suis en plein fantasme sur mon ex ? C'est n'importe quoi...

Bouleversée, elle déposa Ella, toujours plongée dans un sommeil imperturbable, dans les bras de Joséphine.

- J'ai besoin d'air.

Judith arpenta le plus vite possible les longs couloirs, les yeux embués. Une fois à l'extérieur, elle inspira une grande bouffée d'air avant d'éclater en sanglots. Elle avait juste envie de prendre ses jambes à son cou et de rentrer se cacher sous ses draps. Malheureusement, elle devrait rester forte encore un peu et remonter chercher Sacha avec un visage impassible. Elle s'accorda quelques minutes pour respirer et se calmer.

- Ju... Je suis vraiment con, excuse-moi. Je n'avais même pas pensé à Liam. Je suis désolé.

César passa son bras autour des épaules de son amie et la serra contre lui. Au fond, elle ne lui en voulait pas. Elle avait toujours pu compter sur lui, il s'était révélé être un allié et un véritable ami au fil des années. Il était simplement maladroit et un peu lourd, jamais il ne la blesserait volontairement.

- Je ne t'en veux pas. Mais c'est dur pour moi d'être ici.

- On n'y a même pas pensé, j'avoue. On est vraiment deux gros égoïstes, on n'aurait jamais dû te demander de revenir ici.

- Laisse tomber, ce n'est pas si grave.

- Et je suis désolé pour ce que j'ai dit au sujet de Ben. C'était pour t'emmerder, je ne voulais pas te mettre dans un état pareil.

- Je ne sais plus où j'en suis... Je crois que si ça m'a autant touchée, c'est qu'il y a une part de vérité et ça me fait peur. Je ressens quelque chose quand je suis avec Ben mais j'ai l'impression de trahir Liam. Je culpabilise de penser à quelqu'un d'autre. Et il me manque encore tous les jours, je ne suis pas sûre d'être prête à passer à autre chose.

- Ju... Ça fait trois ans... Bien sûr que tu ne l'oublieras jamais, c'est normal... C'est le père de ton fils et personne ne pourra effacer ça. Mais il n'est plus là, et je ne pense pas qu'il t'en voudrait si tu rencontrais quelqu'un qui te rend heureuse et qui s'occupe correctement de ton môme. C'était quelqu'un de bien, il aurait voulu que tu sois heureuse. Même si c'est avec Ben. Tu n'as pas à culpabiliser ou je ne sais quoi, tu ne fais rien de mal. Et on ne te demande pas d'être prête maintenant, je suis vraiment désolé d'avoir insisté si lourdement.

Judith savait que César avait raison, et ses paroles lui apportèrent énormément de réconfort.

- Allez viens. Tu sais que ta sœur et moi, on sera toujours là pour toi.

- Merci. Je ne sais pas ce que je ferais sans vous, vraiment.

Tome 1 - Après le videOù les histoires vivent. Découvrez maintenant