Cette nuit, Léo avait été envahit par les cauchemars. Le poème de sa vie se répétait sans cesse entre ses méninges
"Vois ! sur cette bière morne et rigide repose ta bien-aimée, Lénore !". Pourtant le seul visage qu'elle voyait était celui d'Agathe, les paupières écarquillées tandis que de la vase rentrait dans son orbite droite. Elle était allongée au milieu des feuilles et de la terre humide comme la "Ophélie" de Jhon Millais. On disait que les noyées devenaient des sirènes, des êtres qui voguaient dans les eaux du styx. La jeune fille se demandait si en se penchant au dessus des marécages, les longs doigts d'Agathe viendraient l'inviter dans son entre d'algues et de mélancolie.Léo n'avait plus le temps pour des choses aussi abstraites que l'univers du sommeil. Elle était assise à une table du "Café du Monde", un serveur sympathique lui eut recommandé un beignet en clamant que cette pâtisserie était la spécialité de la Nouvelle Orléans, cependant, cette parodie de viennoiserie ne sauraient égaler celles de la France. Elle se retint de lui dire, hochant la tête d'une expression faussement satisfaite tandis qu'elle s'étouffait avec l'abondance de sucre glace. Sa toux devint plus forte lorsqu'elle entendit un rire aiguë transpercer ses tympans. Monsieur Beleau était accoudé sur sa canne, quelques centimètres plus loin, l'observant d'une mine condescendante. Elle avait redouté ce rendez-vous plus que nul autre auparavant.
- Bonjour ma chère, cela faisait longtemps!
Son sourire ne quittait jamais ses traits, ces traits qui désormais ne lui donnaient que l'envie d'y verser un mélange d'acide et de soufre. Ray eut vu juste, comme toujours, même en dehors de la rancune injustifiée qu'avait incité Margot il demeurait en lui un petit grin de malice, de maléfice.
- Prenez place, je vous ai fait commander un thé.
- Que c'est délicat de ta part, j'ose espérer que tu n'as pas demandé au cuisinier de cracher dedans?
L'idée la fit ricaner sèchement, se maudissant pour ne pas y avoir songé avant.
L'homme s'asseyait tout en croisant ses infinissables jambes. Alastor paraissait dominer l'atmosphère, que cela soit au fin fond de la nature, au beau milieu de la rue la plus animée de la ville et même dans l'intimité du plus banal des regards. Il était un prédateur sous sa forme la plus pure.
- Ne tournons pas comme un carrousel, vous m'avez fait venir pour mieux me torturer?
Ce fut à son tour de glousser, il appuyait la paume de sa main contre sa joue creuse. Léo ne remarquait qu'à présent à quel point sa figure détenait ce charme étrange et indéfinissable. Il n'était pas traditionnellement beau, du moins pas dans cette société qui favorisait la pâleur et les cheveux blond. Non, sa peau à lui fut mate et sous ses grosses binocles rondes on pouvait distinguer la trace de petites tâches de rousseurs qui ressemblaient à celle d'un bambin qui prend le soleil en été. Alastor connaissait une harmonie désuète et rare, un idéal qu'on ne prenait pas la peine d'identifier. Heureusement pour les nerfs de Léo, le dégoût qu'elle lui portait fut bien plus fort qu'une ridicule attraction physique. On ne s'entichait pas d'un personnage avec un tel caractère.
- Prenons donc notre temps, l'après-midi n'a pas encore débuté, le soleil est jeune... Pourquoi ta génération est-elle toujours aussi pressée?
- Parce que vous menacez régulièrement des personnes de mon âge?
Il riait de bon coeur, ignorant le tranchant de ses mots.
- Lénore, connais-tu la comptine "L'enfant du lundi"?
- Je ne crois pas, repliquait-elle en arquant un sourcil.
- Il dit : " L'enfant du lundi est beau de visage
L'enfant du mardi est plein de grâce
L'enfant du mercredi aura des peines
L'enfant du jeudi s'en ira loin
L'enfant du vendredi est aimable et généreux
L'enfant du samedi pour gagner sa vie est laborieux
Et l'enfant qui le jour du Sabbat, naît
Est beau et joyeux et bon et gai"
Qu'en penses-tu?
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Une Cuillère De Caviar Et De Sang (Alastor X Oc)
Fanfiction1930, Si un mariage est souvent heureux, il y en a bien d'autres dont l'annonce chagrine. Le mariage est un combat, De rhétorique, De platitudes faussements cordiales, De pleurs et de colères, De lettres et d'encres, De richesse et de pauvret...