XXVII

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La rancune est une amie tenace. Elle chuchote à l'oreille que la vengeance est une alliée, et que le pardon, lui, est un ennemi qu'il faut repousser.
Les secondes chances sont pour ceux qui ont peur, ou alors, ceux qui sont trop naïfs pour voir que les couteaux peuvent posséder plusieurs lames. Il ne faut jamais excuser, jamais oublier, jamais se retourner.

C'était un mentra simple que Lénore eut tenté d'appliquer tout au long de sa vie. Il venait de sa tante, elle le lui avait chuchoté sur le bord d'un linceul, les mains jointes et un chapelet autour de sa peau.
Elle n'aimait pas beaucoup la tante Abigaïl, mais en voyant son chagrin et la sincérité de son ton, elle se promit d'y prêter attention.

C'est pour cela, qu'après une nuit de pleur et de colère, elle se résolue à ne plus chercher un coeur derrière les rouages d'Alastor. Les sentiments doivent être domptés, les mots doux annihilés, l'amour noyé.
Elle regardait passionnement la feuille qu'il lui eut demandé de noircir; et le journal à ses côtés qu'elle devait résumer.
"Je suis pressé par le temps" Avait-il dit en courrant. C'était un geste bien sot de lui confier une telle tâche après la trahison d'hier.

Elle lisait le paragraphe concernant la sempiternelle chronique sur le boucher du Bayou.
"Des nouveaux cadavres retrouvés" "Aucune information sur la seule femme assassinée" "À cause du manque de chaire il est difficile de savoir la cause de ces décès, bien qu'un fusil de chasse soit la piste envisagé"
D'un crayon elle entourait les informations morbides, ignorant presque dans sa tristesse le malheur qui frappait cette ville.
On ignore trop souvent la veritable peine quand nos pensés sont préoccupées par des affres dérisoires.

D'un mouvement anodin, son épaule douloureuse lui rappela les souvenirs de la veille ; toutes ces machinations pour pousser Everett à sa perte, elles méritaient une punition.
Elle se dit tout d'abord qu'elle n'était pas un dieu quelconque, que rien au monde ne lui donnait le droit de se charger de ce châtiments; puis, elle se souvint des mots de la tante Abigaïl.

En voyant ce maudit bout de journal, Lénore sut.

" Le boucher du bayou a tué une autre femme" inscrivait-elle dans de pures fantaisies. "Les experts ont envisagés que le coupable tue ses victiments en arrachant leur jugulaire avec ses dents ! Sa faim n'a aucune limite. La 1ère femme retrouvée s'appelle Amanda, elle a 3enfants en bas âges, de pauvres triplets orphelins car leur père est également mort à la guerre. Ils mendient chaque jour à côté de la cathédrale Saint-Louis."

Elle continua ainsi de longues minutes, oubliant sa rationalité, se souvenant que rien ne fut pire pour un présentateur que de transmettres des informations erronées. Il perdrait toute crédibilité... Peut-être même qu'il connaîtrait un sort semblable à celui de ce pauvre Daniel; la justice existerait alors.

Monsieur Beleau rentra dans la pièce jaune, offrant un sourire doux avant de saisir le papier. Il ne lui adressa aucun mot, sûrement était-ce mieux ainsi, elle n'eut pas besoin d'une personne aussi incertaine qu'une horloge brisée. Au moins, il eut la délicatesse que d'imiter la culpabilité et un semblant de remord

Il se dirigeait, inconscient, vers le bureau où serait diffusé son émission, il ne lui restait que quelques minutes avant le grand spectacle.

À pas lent elle le suivit, jamais trop près, pas assez loin, toujours à onze pieds de distance.
Elle bouillonnait d'impatience, se réjouissant à la perspective de sa honte et de son chagrin. Il souffrirait, plus que Margot, autant qu'elle même, mais moins qu'Everett, toujours moins qu'Everett.

Elle se sentait si vide, si lente, si ensevelie sous la terre que rien d'autre ne la fit tant frissonner. Tante Abigaïl eut raison, cette vieille chose détenait parfois un semblant de vérité : La vengeance est une amie qu'il faut embrasser.

Une Cuillère De Caviar Et De Sang (Alastor X Oc) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant