Əŋɗ

87 8 11
                                    

Lénore,

J'ai appris avec joie ton rétablissement, et je voulais te féliciter pour ta combativité.
J'espère recevoir cette fois-ci une réponse, ou même une visite à la station radio si tu le préfères.
Nous pensons tous à toi, à ta force et ton courage.
Ce vendredi 2 mars, je serais au café du monde, je t'attendrais tout l'après-midi, ainsi, tu pourras me rejoindre quand il te plaira.

En souhaitant sincèrement te revoir et m'excuser de vive voix,

Everett.

Assise sur une terrasse bien loin du quartier français, Lénore montrait l'enveloppe à Nativel, une expression neutre sur ses traits.
Daniel Everett voulait discuter avec elle demain, mais il serait déjà trop tard, ce soir elle prenait un bateau pour la bretagne.

Le vent de l'hiver soufflait sur sa nuque exposée, embrassant ses cheveux dans une étreinte glacée. Elle venait juste, après plus de trois mois, de se rétablir; l'infortune frapperait une nouvelle fois à sa porte si elle tombait malade avant son voyage.
Comme s'il lisait dans ses affres, l'homme défit son écharpe pour la lui tendre, et elle la saisit, appréciant la chaleur du tissue.

Nativel eut apprivoisé sa peur, il discernait aisément le froncement de ses sourcils, le plissement de ses lèvres et la lueur ternie de son oeil.
Il devinait ses inquiétudes d'un seul regard, et cela la terrifierait si elle ne savait pas avec certitude la pureté de ses intentions.
Le chemin de la confiance est long et perieux, surtout lorsqu'on detenait cette facheuse habitude de la donner dans une poignée de main qui nous tranchait les os.
Lénore détruisait brique par brique les murailles de son bouclier.
Alors, comme le vent ne soufflait plus sur sa nuque, elle se permit de respirer.

Malgré son visage à jamais abîmé, il la contemplait comme si elle était une des merveilles de ce monde.
Elle portait un pensement pour cacher son oeil, et en se moquant, Ray lui eut suggéré de porter un de ces bandeau qu'arboraient les pirates dans ses romans favoris.
L'idée lui deplut, néanmoins, elle savourait la moindre idiotie qui franchissait ses lèvres.

Régina avait toujours détenu un instinct étrange, depassant les frontières de la normalité.
Quand Jhon Nativel vint un matin dans leur demeure pour lui porter des fleurs, elle eut dit à sa soeur : "Lui sait comment aimer". Elle ne pourrait réfuter ses propos, même armée de la plus solide des mauvaises foi.

Toutefois, toujours hagarde à ce moment-ci, la jeune fille eut refusé son cadeau, retoquant à sa soeur que chaque bonne intention attendait un échange.
La journée suivante, il se presenta de nouveau, tenant un bouquet fraichement cueilli. D'un mouvement sec, elle eut ordonné à sa mère de le chasser.

Et ainsi s'établit une routine, il se presentait chaque jour ornée de pétunias, de roses ou de renoncules, acceptant d'un cœur sincère sa cruauté.
Il avait simplement attendu, l'espoir dans les manches de sa veste, qu'elle s'ouvre de nouveau à ce monde.

" Il possède un joli amour pour chercher ton affection après l'état dans lequel il t'a secouru."

"Amour" s'était-elle murmurée. Comment quelqu'un aurait pu apprécier la vision de sa cicatrice ?

Sur ces paroles saugrenues, l'après-midi suivant, c'est elle qui vint l'accueillir. Elle exposa fièrement sa plaie encore neuve, poussant volontairement ses cheveux derrière l'oreille afin qu'il ne manque aucun morceau de sa laideur.
En voyant qu'elle était celle qui se presentait à lui, il parut sincèrement heureux, ne se retournant pas, dégoûté, par la grossièretée de sa plaie.
Margot, quant a elle, n'osait plus lui adresser un regard.

Une Cuillère De Caviar Et De Sang (Alastor X Oc) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant