II

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Mademoiselle Agathe,

Votre intérêt m'a ému bien au delà du coeur.
Je suis si chanceux d'avoir conquis une si fidèle auditrice.
Votre écriture brouillonne, bien que difficile à déchiffrer, ont résonné en moi comme un micro mouillé.
Une dame si juste, si sage, il est bien normal que vous trouviez plaisir au son de ma voix.
Connaissez vous cette citation de confucius?:
"Savoir que l'on sait ce que l'on sait, et savoir ce que l'on ne sait pas ce que l'on ne sait pas : voilà la véritable intelligence"
Il est difficile de satisfaire tous les palais délicats, surtout ceux qui semblent avoir une préférence pour la médiocrité.
Je suis donc bien heureux de vous voir aussi enjoué, sinon certainement vous prendriez ces dernières lignes comme une insulte...
Peut-être apprécierez vous d'avantage cette émission si elle était moins sincère et un peu plus de mauvaise foi?
Je me sens entièrement disposé à répondre à la moindre de vos prochaines questions si pertinente.
Néanmoins prenez garde, il peut être dangereux d'utiliser des mots dont on ne connait le sens.

Sincèrement,
Votre dévoué Monsieur Beleau

Léo sentit ses paupières papillonner, un raz de marré emportant toute sa jugeaute.

Judy lisait au dessus de son épaule, ricanant comme une adolescente amoureuse.
Sa réponse fut bien plus acerbe que la lettre originelle.
L'atmosphère de la bibliothèque ne suffisait plus à étouffer la colère qui pompait ses veines, l'odeur des livres neuf n'apaisait plus ses nerfs, et les chuchotements au loin lui parurent plus agaçant qu'à l'accoutumé.
La demoiselle eut plusieurs fois imaginé sa riposte. Elle aurait parié sur des grossièretés à son genre, un colis comportant de la nourriture avariée ou bien même qu'il ne saisisse jamais sa plume!
Elle relisait les phrases encore et encore, aspirant à déceler son caractère le plus profond. De l'ironie, au sarcasme, à la métaphore, il était une personne dont la littérature coulait dans le sang et l'arrogance forgeait les os.
Mais ici, un sourd saurait entendre la fierté entachée d'un homme fébrile, il était intelligent, malgré cela, comme tout être humain, il fut sensible à la mesquinerie.
Léo n'y fit pas exception non plus.

Très bien, il fallait recomposer, construire les prochains desseins de ses machinations, les possibilités se calculaient différemment à présent...
L'imprévisible fut toujours assez effrayant pour l'ébranler.
Si il n'était pas celui qu'elle pensait être, qui était-il?
Monsieur Beleau, le combatant à la lame en catachrèse, monsieur Beleau, le guerrier à l'armure d'outrecuidance, monsieur Beleau, qui menait bataille de vive voix ou derrière une feuille blanche et une enveloppe rouge.

-Il est peut-être peu courtois, mais sa répartie incite le respect! S'exclamait joyeusement Judy.

-Depuis quand te moques-tu de mon malheur?

-Ce n'est que justice. Tu ne détiens pas le droit de punir ceux qui te déplaise.

Léo secouait ses mèches ondulés, déjà épuisée par la situation.
Bien évidemment, elle avait raison de prendre en derision ces enfantillages déplacés. Judy était une femme sans fioritures, la noblesse gravait comme une ombre sur le sol.
Ce fut terriblement puéril d'avoir entamé ce jeu, mais Léo ne connaissait que l'impulsion comme langage, la maturité fut encore une étrangère à son jeune âge.

-Je voulais blesser son égo, juste assez pour le décourager, mais maintenant c'est une provocation ouverte.

"Rispostez et je vous détruirais" comprenait-elle dans l'invisibilité de ses propos. Sa belle-sœur déposait une tasse de thé chaude sur le côté de son bureau, incitant la jeune fille à en prendre une gorgée. Léo poussait la boisson loin de ses yeux, l'estomac déjà rempli de rancoeur.

Une Cuillère De Caviar Et De Sang (Alastor X Oc) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant