Une Cuillère De Caviar Et De Sang (Alastor X Oc)

XXII

Cela faisait plus de deux mois, plus de deux mois que Léo n'eut pas fait ce trajet. Elle voguait entre les dalles males alignée, le trottoir incertain, un poids dans le ventre et le coeur fébrile. Elle se demandait à quoi ressemblerait monsieur Beleau après toutes ces semaines, si la taille de ses binocles eut changé ou si ses costumes étaient devenus plus sobres. Elle en serait déçue ; elle voulait préserver la même image qui lui plaisait, espérant que le temps se soit figé en son absence. Un vœux égoïste, un sentiment malsain de propriété ; elle ne sut sur quel pied son obsession dansait. Sans elle il ne devait pas exister.

Elle passa les grandes portes de la station radio, ne s'attendant pas à tomber de plein front sur Alastor et June qui discutait au dessus du bureau de Jhon, un café à la main et l'écho de leurs rires dans l'air.

L'homme reconnut instantanément sa présence. Son dos se redressait et son sourire s'agrandit tandis qu'il se dirigeait vers elle. Il lui avait manqué, elle voulut lui hurler, lui crier jusqu'à ce que son corps se disloque, cependant, elle choisit de se taire, admirant son nez droit et ses yeux hazels. Ses cheveux eurent légèrement poussés, une boucle rebelle s'echappait derrière son oreille en s'emmêlant entre les branches de ses lunettes. Il lui parut plus incertain que jamais. Une aura étrange émanait de lui, comme si son âme avait évoluée, grandie, et absorbait la lumière qui l'entourait.
Un frisson remontait le long de sa colone vertébrale, elle serait incapable d'expliquer ce sentiment par la seule force des mots.
La carrure de monsieur Beleau lui parut dangereuse, prête à l'écraser comme la roche écrase les os quand elle s'abbat. Avait-il toujours dégagé ce malaise ou était-ce le fruit de son imagination?

- Bienvenue parmis nous Laure. Il dit d'un ton tendre.

Elle ramarquait que des cernes s'étaient logées sous ses imposants verres, son timbre, quant à lui, semblait plus rauque qu'à l'accoutumé. Le monde avait donc continué à tourner après son départ.
Il approchait, approchait pas à pas, approchait armé de son ombre qui enflait en consummant le moindre rayon qui pénétrait la pièce. Il engloutissait goulument le soleil en ne recrachant qu'un arrière goût de chaos. Quelque chose ici s'était métamorphosé.

- Je vois que chaque meuble est à sa place. Commentait-elle narquoisement en camouflat la peur qui faisait frémir ses doigts.

Elle eut l'impression que l'homme voyait au travers d'elle, analysant son petit muscle fébrile qui oubliait un battement dans sa course. Pourquoi avait-elle tant peur? Cela était ridicule. Il était toujours le même, celui qui repondait à ses lettres par des insultes et qui possedait les plus horribles cravates de la Nouvelle-Orléans.

- Tu m'as terriblement manqué ma petite Laure! S'exlamait June en l'emportant dans une étreinte. Everett était d'une humeur affreuse! Heureusement que tu es là pour occuper ta place, je ne veux plus le voir!

Lénore se mit à ricaner faussement, ne réussissant pas à feindre parfaitement la joie qui lui manquait. Elle redoutait le roux plus que quiconque. Elle le craignait car il ressemblait à son frère et qu'elle savait de quoi l'amertume d'Arthur fut capable.
Alastor semblait apercevoir les débris de sa peur derrière son masque éreinté de confiance. Il s'apprêtait à articuler quelque chose mais se vut couper par la voix d'Everett qui apparut comme si prononcer son nom l'eut invoqué.

- Laure tu as fini par revenir!

La jeune femme s'excusait auprès de ses deux camarades en avançant vers son supérieur. Il ne portait pas les rides du bonheur, ni celle de l'énervement, il apparaissait en statue de marbre indéchiffrable. Sa veste était d'une nuance de feuilles au printemps, une couleur qui attirait l'attention même dans l'obscurité du couloir. Elle se dit que peut-être il voulait eclisper celui qui le poussait dans l'ombre.
Contrairement à Alastor, il brillait tel un feu sage, ceux dont on parvient à maitriser la braise sans l'amenuire.