Une Cuillère De Caviar Et De Sang (Alastor X Oc)

XXIV

Lénore ne pensait pas qu'Alastor était sérieux quand il disait vouloir l'emmener à une réception.
Elle jugeait ne pas être la bonne femme à inviter, une autre l'attendait sagement à l'autre extrémité de la Nouvelle-Orléans ; une autre, plus jolie, plus gracieuse, moins sauvage.
Elle n'était pas de celle qui savait aisément parler au devant d'une foule, ni qui pouvait discuter avec quiétude en compagnie d'un parfait inconnu.
Elle était le genre qui se réfugiait près des assiettes en se fondant avec le mur.

Cependant, ce soir-ci, Alastor la saisit par le bras, l'empêchant de se dissimuler parmis les femmes âgées qui occupaient toujours les mêmes fauteuils. Il la tirait vers l'avant, ne lui donnant pas l'occasion d'échapper à sa poigne de fer.

La manière dont leur peau se frottait l'une à l'autre la fit sourire, elle songeait à toutes les fois où il eut esquivé sa chaleur, à ces moments où il se fut figé quand elle osa l'attraper par la manche. Désormais, malgré son
hésitation constante, elle put ressentir la rugosité de ses mains.

La lune dominait le ciel, légèrement obscurcie par les nuages et la saison des pluies qui se profilait. Pourtant, le jardin de monsieur Byron fut joliement éclairé, laissant flotter une atmosphère estivale alors que la chair de poul rampait comme une araignée sur ses bras. Les nappes furent d'un blanc pur, une couleur audacieuse quand on sut qu'elle s'epuisait souvent vers le gris. Elle fixait jalousement les arrangements floreaux, fâchée de son incapacité à faire pousser de telles beautées ; elle oubliait trop facilement que les humains attendaient plus d'attention que les plantes.

— Je vais te présenter Ronald, murmurait monsieur Beleau dans son oreille, l'extirpant sèchement de ses pensées.

Le geste innocent fit remonter le rouge à ses joues, et provoqua une palpitation indésirable dans sa poitrine. La soirée promettait d'être longue.

— Notre Ronald, questionnait-elle anxieuse, celui dont je n'ai pas vu l'ombre depuis que j'occupe le bureau adjacent?

— Chérie, cesse d'agiter ta bouche et contente toi de rire à ses plaisanteries.

Il ne restait que quelques pas à combler pour atteindre un groupe d'homme en noeud papillon, mais c'est eux qui les aperçurent en premier ; du moins, un blond d'une quarantaine d'année offrit un grand sourire dans leur direction.

— Je savais que tu viendrais, mais tu ne m'avais pas dit que ça serait en si bonne compagnie, dit celui qu'elle présumait être Ronald.
Il parcourait d'un oeil rapide son corps au courbes ternes, c'était bien la première fois que quelqu'un se permettait ce genre de réflexion à son égard. Peut-être était-elle plus visible quand Margot ne se tenait pas à ses côtés.
L'animateur gloussa de bon coeur, ignorant la malaise de sa compère.

— Je te présente Laure, c'est celle dont je t'ai tant parlé.

— C'est un plaisir de vous rencontrer enfin monsieur Midford, prononçait-elle en cachant l'anxiété qui s'accrochait à ses lèvres.

— Voyons, tu peux m'appeler Ronald!

Lénore se mit à rire, ne remarquant que trop tard qu'il ne s'agissait pas d'une sottise ludique. Les deux garçons la regardèrent étrangement, néanmoins Alastor fut le plus insistant, témoignant à demi-souffle son exaspération.
Malheureusement, son spectacle fut interrompue par un aléa imprevu, une figure famillière. 
Son père avançait nonchalement vers monsieur Byron et monsieur Midford, ne remarquant qu'après quelques secondes la présence de sa fille.

Un bougeois l'introduit dans la conversation mais il ne repondit pas. Il analysait, béat, les paupières plissées, le visage de son enfant. Lénore sentit un ange s'envoler au dessus de sa tête ; elle restait medusée sur ses talons, contemplant le chaos qui grandissait.
Il n'y a pas plus de trois heures, la jeune fille avait dit à sa mère qu'elle rendait visite à Judy et Arthur, son père, à ses côtés, eut acquiesçé tout en lui souhaitant une paisible nuit. Si elle avait été plus attentative, sûrement aurait-elle sû que lui aussi serait absent.