Léo ne pensait pas revoir la campagne du Bayou de si tôt, mais ses parents devenaient pressés, impatients que monsieur Beleau conclut ses fiançailles avec Margot. Cela ne faisait que deux mois qu'ils se fréquentaient et ni l'un ni l'autre ne paraissaient se rapprocher. Sa grande soeur pleurait presque tous les soirs, babillant des inepties sur les mariages interaciaux. "Tous mes amis me tourneront le dos!" se lamentait-elle comme une pendule qui tourne en rond. Elle avait en fait raison, sur ce continent les gens aimaient encore se séparer, Léo eut même entendu qu'une secte, décorée de chapeau blanc pointu, traquait les noirs tout en brûlant les lieux de leur communauté. Il ne faisait pas bon vivre d'être trop foncé dans le sud de la Louisiane, ou plus simplement en Amérique.
La petite replongeait son nez dans le livre que Judy s'était empressée de lui conseiller. Elle ne trouvait aucune poésie entre ses lignes. Ray, quant à elle, brodait à ses côtés, fixant l'horizon lointain d'une nostalgie insaisissable, elle aurait souhaité savoir ce qui troublaient ses sourcils froncés, cependant elle n'eut pas le courage de le formuler. Il y a bien des réponses qu'on se passerait d'apprendre.- Bonne après-midi mesdames!
Léo ne s'attendait pas à entendre le timbre mécanique d'Alastor qui marchait dans le jardin, bras dessus-dessous avec Margot qui serrait étroitement les lèvres. Le futur gendre prodige fut arrivé, à son plus grand malheur. Léo le saluait d'un sourire tandis qu'il prenait place à leur table. Elles buvaient le thé, du moins ce fut une excuse suffisante pour éviter l'embarassement habituel d'un protocole fastidieux pour l'accueil d'un invité. Nul doute qu'il n'ignorait pas leur manigance, peut-être cherchait-il même à les narguer.
- La route était-elle bonne? Demandait poliment l'autre demoiselle.
Elle avait promis à sa petite soeur de cesser ses folles démonstrations d'affections, désormais, celle-ci ne gardait qu'un venin discret. "Je ne l'aime pas" avait-elle inlassablement répété, Léo se serait bien tachée de lui faire fermer son clapet, mais elle savait pertinemment que Ray détenait un instinct étrange, presque mystique. Elle avait raison, ce ne fut pas un mystère pour autant. Que cela soit Arthur, les deux cadettes ou bien même sa mère derrière son intense hypocrisie, chacun remarquaient l'aura déplaisante qu'il dégageait. Judy paraissait être la seule à l'apprécier.- Un peu cabossée mais agréable.
Il s'apprêtait à dire autre chose, certainement une énième banalités, mais monsieur d'Harcourt avançait d'un pas rapide vers eux, le suprenant assez pour qu'il ferme sa bouche.
- Désolé, j'ai oublié de vous demander si vous apprécierez chasser avec moi!
Le sujet préféré de son père sortait sempiternellement de sous le tapis. Il fallait se mefier des gens qui se plasaient à tuer. Elle l'eut expérimenté de très près, trop près.
- Évidemment! Comment pourrais-je refuser une si alléchante proposition, dit-il en nettoyant ses lunettes.
- Léo, tu viens n'est-ce pas?
- J'ai découvert récemment qu'en réalité je ne profitais plus autant de cette activité, je décline.
Le patriarche semblait déçu, arborant un air trahit. Évidemment, si Léo eut gagné son statut d'enfant favorit, ce n'était guère en apprenant la couture ou la cuisine. Elle acquérit cela par la puissance brute. Que pouvait-elle bien faire quand l'un naquit avec un attribut bien placé, l'autre d'une beauté frappante, la suivante d'une douceur mielleuse? Léo s'était inspirée de tout cela, fabriquant la descendance idéale. Des activités viriles, l'entretien de son physique, la soumission factice, elle n'égalait personne mais se forgeait dans un simulacre trompeur. Elle fut tout et rien à la fois.
Aujourd'hui, elle n'en trouvait plus la nécessité. Jouer selon les règles devient vite lassant quand l'adversaire triche. Elle avait espéré gagner la liberté, malgré chaque pions placés intelligements, les dès furent pipés depuis le début. On promit l'amour et n'offrait finalement que la parodie d'une relation recouverte de mauvaise foi. Il y avait ici que trop de sacrifices inutiles. Personne n'affectionnait la chaleur brûlante de la peau qu'on expose longtemps sur le dessus d'une bougie, elle n'y fit pas exception.
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Une Cuillère De Caviar Et De Sang (Alastor X Oc)
Fanfiction1930, Si un mariage est souvent heureux, il y en a bien d'autres dont l'annonce chagrine. Le mariage est un combat, De rhétorique, De platitudes faussements cordiales, De pleurs et de colères, De lettres et d'encres, De richesse et de pauvret...