Chapitre 1 - Tom

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La solitude et le silence sont mes compagnons de route d'aussi loin que je me souvienne. La seule personne à avoir réussi à franchir mes barrières de glace, c'est Marco. Enfant, je jouais seul dans la cour, par choix, par préférence ou par besoin. Marco était plus petit, plus faible et toujours pris à parti. Il a pris l'habitude de venir se cacher derrière moi.

On ne m'approchait pas, j'étais le gamin bizarre, celui qui ne parlait pas ou très peu, qui utilisait ses poings plutôt que ses cordes vocales, qui ne se mêlait jamais aux autres. Je les laissais faire.

Nous avons grandi ensemble, jusqu'à ce drame. Je n'étais encore qu'un gamin, je ne réalisais pas les conséquences de mes actes. Je savais seulement que c'était la meilleure chose à faire pour notre survie.

Lorsqu'on vous prive de liberté, on vous prive également du droit d'exister. Ici, nous ne sommes que des numéros, des matricules. Les gardiens font le tour des cellules chaque matin pour constater la survie des détenus, comme le ferait un vendeur de poissons rouges avant l'ouverture de son magasin. Les plus forts nagent tranquillement, tandis que les faibles flottent à la surface. A moins que ce ne soit l'inverse...

On me traite comme un chien d'élevage, on me donne à manger à heures fixes, on me sort dans la cour quelques minutes par jour puis on me replace dans ma cage.

Tout comme les vautours en plein désert, le silence, ici, est annonciateur d'une mort imminente. Il n'est là que très rarement, et lorsqu'on l'entend, c'est eux ou nous. Il est pourtant ce qui me rapproche le plus d'un sentiment de bien être. Je déteste les bruits incessants qui se répercutent sur les murs défraîchis. Les cris de désespoir, les gémissements de douleur, les grilles qui glissent l'une contre l'autre, les trousseaux de clés qui tressautent au rythme des bottes qui martèlent le sol. Pourtant, ils m'accompagnent depuis tellement longtemps que j'en ai oublié qui j'étais vraiment.

Mes yeux fixés sur le matelas de James au-dessus de ma tête, je m'imprègne de tout ce que je déteste et maudit depuis tant d'année. C'est comme ça que commence chacune de mes journée depuis maintenant 10 ans, soit 120 mois, 521 semaines, 3652 jours.

- Joyeux anniversaire d'incarcération LeatherFace, chantonne James au-dessus de ma tête.

Je donne un coup de pied dans le matelas et rigole en l'entendant grogner de mécontentement. James est arrivé ici quelques mois après moi. Aujourd'hui, je le considère comme un ami, tout comme le vieux Dan qui pionce encore à côté de nous. J'aime la solitude, mais ici, mieux vaut avoir quelques alliés.

- Premier jour d'école, j'suis un peu stressé pas toi?

Je grogne pour réponse, il ne peut pas s'empêcher de parler dès le réveil. Je déplie mon corps et m'étire en sortant du lit. Je commence ma routine matinale avec quelques exercices physiques, j'échange quelques enchaînements avec James avant que les grilles ne s'ouvrent, annonçant l'heure du petit-déjeuner. Dan n'ouvre les yeux que lorsque la grille frappe le mur dans un bruit de métal. On rejoint les 600 autres détenus au réfectoire, je prends mon plateau avec le café froid et le morceau de pain rassis auquel j'ai droit en attendant midi.

Les murmures vont bon train ce matin, tout le monde à hâte d'en apprendre plus sur la nouvelle enseignante. L'ancienne vient de partir en retraite, les classes ont été remodelées pour l'occasion, bizarrement l'emploi du temps de la nouvelle a vite été rempli alors qu'il y a des années que plus personne ne s'inscrivait à ces cours merdique de remise à niveau avec la vieille chouette.

Nous sommes les premiers élèves de la journée et James est survolté, enfin, plus que d'habitude. Il ne cesse de pianoter sur la table ce qui m'horripile.

- Détends toi, j'suis sûr qu'elle va te plaire, rigole t-il.

- J'ai juste besoin d'une bonne appréciation pour sortir d'ici.

Au delà des apparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant