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♫Il était une dame Tartine ♪

♪Dans un beau palais de beurre frais. ♫

♫ La muraille était de praline, ♪

♪Le parquet était de croquets, ♫

...

— Louise, tu t'excuses immédiatement auprès de ta sœur !

La voix de Madame Mère résonnait dans la salle à manger et fit tinter les verres. Si elle était habituellement une femme douce et patiente, il y avait des moments où ses nerfs étaient mis à rude épreuve.

— Moi vivante, jamais !

Le chaos régnait autour de la table, le déjeuner familial du dimanche avait pris sa tournure la plus habituelle. Paul-Jean n'avait pour ainsi dire aucun souvenir de ce repas sans que ses deux sœurs le transforment en pugilat d'une manière ou d'une autre.

— Maman ! hurla Mireille. Elle recommence.

En effet, Louise venait de lui envoyer une nouvelle cuillérée de crème au café.

— C'est toi qui a commencé !

Commencé quoi ? Mystère ? L'historique devait remonter à avant même leur naissance. Un mythe raconte que les jumeaux sont inséparables, profondément liés l'un à l'autre, unis... Les gens qui racontaient de telles fariboles n'avaient visiblement jamais rencontré Louise et Mireille. La maison De Fort-Tournivel résonnait de leurs cris depuis leur naissance. Pas un jour de répits, rien n'allait jamais et tout était source d'acrimonie. Dix-huit longues années de hurlement.

Paul-Jean observait Louise jouer avec sa cuillère et ce qui restait de sa crème au café.

Madame Mère était à bout. Elle se tourna vers Monsieur Père en recherche de soutien. Ce dernier se déroba et se tourna vers son fils aîné.

— Quel temps affreux, non ? On dirait qu'il va faire nuit au milieu de l'après-midi.

Ce à quoi Yves acquiesça.

— Le journal annonce du mauvais temps pour toute la semaine, répondit-il.

Lui aussi bottait en touche.

Louise poussa un cri de harpie. Mireille y fit écho une demi-seconde plus tard. Paul-Jean croisa le regard de sa mère, il plongea dans sa crème au café, soudain très intéressé par son dessert.

Un bruit sec retentit.

Louise cessa son bruit.

Deuxième bruit sec.

Mireille cessa son bruit.

Paul-Jean jeta un coup d'œil discret. Les deux jeunes filles se tenaient la joue et Madame Mère, debout, avait encore la main en l'air.

— Je propose qu'on prenne le café au salon, s'exclama précipitamment Monsieur Père.

Il n'y avait pas un instant à perdre, le silence ne serait que de courte durée. Yves et Paul-Jean bondirent de leur siège comme si ce dernier avait été monté sur ressort et s'éloignèrent à grands pas. Tant pis pour la crème au café. Le temps de grâce entre les gifles de Madame Mère et les pleurs des jumelles n'allait pas durer.

Yves fit une brève halte auprès de son épouse, Madeleine, pour l'aider à fuir. Son état ne lui permettait plus de se mouvoir avec la souplesse nécessaire à une évacuation rapide des lieux. Monsieur Père lui prêta mainforte.

Le Domaine du Possible-1 (Dark-Romantasy)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant