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♫La tour, prends garde♪

...

— Elle dort.

Le docteur Désiré Boicourt sortait tout juste de la chambre où Madame Mère avait fait installer Rosemary. Sacoche sous un bras, mallette dans la main, il affichait un visage d'une neutralité professionnelle parfaite.

— Je l'ai sédatée pour qu'elle se repose.

Madame mère l'avait entrainé vers le bureau de son époux où les hommes de la famille attendaient les nouvelles. L'ambiance était pesante. Dehors, la lumière déclinait peu à peu.

— Quel caractère !

Le docteur se doutait que ce n'était pas là une nouvelle, mais l'exprimer ne coutait rien et apportait un peu de soulagement aussi après avoir dû affronter une demoiselle tout sauf coopérative.

— Comment va-t-elle, demanda Monsieur Père.

— Bien.

La réponse jeta un froid tellement il était évident que c'était un mensonge. Elle n'allait pas bien sinon elle ne serait pas là, sédatée dans un lit chez une famille qui n'était pas la sienne.

— C'est-à-dire ? demanda Yves.

— Que vous n'êtes pas les représentants légaux de cette jeune femme ni habilité par elle ou la loi pour que je vous donne son bilan de santé.

Tel était la loi, et le docteur Désiré Boicourt ne tergiversait jamais avec la loi. En face de lui s'affichaient des mines consternées.

— Donc nous ne saurons rien ?

Monsieur Père lissa machinalement ses moustaches. Yves ferma les yeux en soupirant.

— Même en tant que fiancé ? intervint Paul-Jean.

— Non, tant que le mariage n'est pas prononcé, je n'ai rien le droit de vous dire.

Madame Mère intervint.

— Qui peut avoir ces informations ?

Le docteur se gratta le menton, observa un instant chacun des membres de la famille De Fort-Tournivel qui lui faisait face. Le père, la mère, les deux fils... Il les connaissait depuis tant d'années. Son regard s'attarda sur Paul-Jean.

— Son père...

La consternation s'ajouta à la consternation.

— ... mais aussi sa tutrice, Madame Méchain.

L'assemblée eut un mouvement de surprise.

— Sa tutrice ? répéta Monsieur Père.

Le docteur hésita. Jusqu'où pouvait-il divulguer cette information ? Ce n'était pas un secret médical et cela devait être accessible dans le cadre des fiançailles, en s'adressant au service des archives judiciaires.

— Il y a un jugement qui a placé Mademoiselle Homont-Duprez sous tutelle conjointe de l'état.

Il remarqua que le fiancé affichait une expression sombre, loin de l'étonnement de sa famille. Il était au courant. Peu importait, ce n'était pas ses affaires. Le médecin reprit la parole.

— Je vais devoir informer la police.

La stupeur frappa la famille De Fort-Tournivel.

— Selon la loi de juillet 1901, je dois signaler aux autorités tout cas de violence domestique et de maltraitance.

Le Domaine du Possible-1 (Dark-Romantasy)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant