Chapitre 13 - une cible parfaite

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Vendredi 1er septembre, Rome

À 15 heures, Nancy Jones appela Paul Burbon, le directeur de la NSA dans le Maryland. Il était 9 heures sur la côte est. L'échange fut succinct.

- Bonjour Paul.

- Bonjour Nancy.

- Tu notes ?

- Oui.

- Mercredi 6 septembre à 10 h, heure de Rome, lors de l'audience hebdomadaire générale dans la salle Nervi, un attentat contre le pape aura lieu. Il sera bien en vue, soit sur l'estrade, soit promené en chaise à porteurs au-dessus des têtes. La salle est moderne. Elle peut accueillir 6 000 personnes. Il y aura un tireur. Deux complices seront là pour l'appuyer ou l'aider à fuir. Mais ils n'en feront rien. Le tireur est abandonné à son sort. C'est la mafia sicilienne qui organise la fête. Par son parrain Giuseppe Calò. Il est piloté par Licio Gelli de la loge P2 qui se planque à Buenos Aires en ce moment. Tu peux voir leurs fiches dans la bécane centrale.

- Merci Nancy. C'est clair. Impossible pour la Garde suisse de trier les fidèles. Aucun portique de sécurité, j'imagine.

- Aucun. C'est journée portes ouvertes.

- Je vais avertir le président. Et lui conseiller d'alerter le pape. Tu connais le mobile ?

- Le nouveau pape serait anticonformiste et réformateur. Mon ami est son neveu. J'ai quelques échos. Et les trafiquants et receleurs ne sont pas aux anges ; on les écoute faire leurs magouilles depuis des mois.

- OK, merci. Et pour la collusion mafia/CIA qui inquiétait le président, toujours rien ?

- Toujours rien. C'est tranquille de ce côté-là. On écoute depuis deux ans. De l'histoire ancienne d'après moi. Tu peux rassurer le président. En tout cas de ce qu'on peut capter à Rome.

vendredi 1er septembre - Washington

Cinq minutes après, le directeur de la NSA téléphonait au secrétaire de cabinet de Jimmy Carter, le président.

- Hi Jack, le président est à Washington en ce moment ?

- Oui.

- Je dois le voir aujourd'hui.

- À 16 h ça va ?

- Et avant le déjeuner ?

- Voyons, je décale celle-là, je renvoie l'ambassadeur de France, 11 h 15 ?

- Merci Jack. À tout à l'heure.

Dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, le président Carter accueillit le directeur de la NSA.

- Hi Paul, installez-vous, qu'est-ce qui vous amène ?

Ils s'assirent face à face, sur les célèbres divans.

- Merci de me recevoir Monsieur le Président.

- Je vous écoute.

- Quel est votre conseil, sollicita Carter, après l'information donnée par le directeur de la NSA, ?

- Que vous appeliez le pape aujourd'hui. Il reste peu de temps et le Vatican est une passoire.

- Je vais le faire. Autre chose ?

- Oui. Ses appartements privés, vingt pièces. Ils sont peut-être sur écoute. Surtout son bureau et son téléphone. Vous allez l'appeler sur une ligne protégée. Aucun risque de ce côté-là. Mais pourriez-vous obtenir, en début d'entretien, qu'il comprenne ce risque ? Et qu'il ne parle pas. Que vous seul parliez et qu'il ne réponde que par monosyllabes. Vous pourriez lui détailler le projet d'attentat ; et lui conseiller de protéger ses appartements de toute écoute. Vous pouvez lui adresser un spécialiste. S'il est d'accord, faites-le-moi savoir. Je lui enverrai un gars le jour même.

- Ha, ha ! s'exclama le président, vous me faites jouer les espions, j'adore ! Surtout pour sauver la vie d'un pape ! Ça me change de mes plantations de cacahuètes en Géorgie. Autre chose Paul?

- La CIA est tranquille avec la mafia maintenant. À Rome, rien de nouveau. C'est calme. C'est de l'histoire ancienne.

- Parfait. Mais, au vu de votre récolte d'aujourd'hui, maintenez la station de Rome à son maximum. Félicitez-les de ma part.

- Je n'y manquerai pas, merci, Monsieur le Président.

vendredi 1er septembre - Vatican

Le père Magee, l'un de ses secrétaires, avertit le pape qu'il avait le président des États-Unis en ligne.

- Passez-le-moi dans mon bureau.

Carter fit comme le directeur de la NSA le lui avait recommandé. Gianpaolo joua le jeu et remercia le président. Un micro dans la pièce aurait donné ceci, étalé sur cinq minutes :

- Oui,... oui,... oui,... non,..., parfaitement,... limpide... merci,... entendu,... bien,..., volontiers,..., oui,... bonne journée,... merci,... au revoir.

Le pape avait maîtrisé ses émotions durant l'entretien avec le président Carter. Mais le combiné reposé, celles-ci l'envahirent. Ce palais était un piège mortel. Le message de charité et de bonté de Jésus-Christ était jeté à la déchèterie. Il était indigné. Et il avait peur.

Il ordonna qu'on ne le dérange pas. Il pria. Longuement. Ce qui le calma. Sa raison surnageait à nouveau. Il n'était que le suivant sur la longue liste des attentats depuis dix ans. Pourquoi le pape y aurait-il échappé plus qu'un autre ? Mais il ne voulait pas finir comme Aldo Moro. Il aspirait à vivre. Tout simplement.

- Jésus, avait-il argumenté dans ses prières, je suis un humble pécheur. Je ne me sens pas la force de m'offrir comme tu as eu le courage de le faire. Je ne peux pas me sacrifier. J'aimerais vivre encore quelque temps avant d'espérer rejoindre ton Royaume.

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Perso, en écrivant cette histoire, je dois vous avouer que je me suis attaché à Gianpaolo. Je me demande s'il va s'en sortir.
Pas vous?
Quasiment impossible?
Il se réjouit de vous retrouver jeudi prochain...

La Pieuvre au Vatican (T2 de la série Diagonale Italienne)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant