Chapitre 23 - soit, soit

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Mercredi 20, USA

Après une nuit blanche à débattre avec sa femme de ce qu'ils devaient faire ou ne pas faire, Paul Burbon partit à son bureau. Il aurait plus de levier là-bas qu'en restant chez lui. Personne ne savait, ne devait savoir où le directeur de la NSA et ses proches vivaient. C'était top secret. Ils résidaient sous de fausses identités dans la banlieue huppée de Washington. C'était le train-train des barbouzes de haut rang. On le véhiculait en voiture à l'épreuve de roquettes, il avait une escorte discrète. Sa famille, la maison, le quartier étaient sous protection. C'était manifestement un mur de papier pour la mafia. Tout comme son implication, à lui Paul, dans le sauvetage du pape. Là aussi, la pègre avait percé des informations secret défense. Une taupe mafieuse à la Maison-Blanche ? Dans l'Aile Ouest ? Plausible. Il était conduit en direction du Maryland avec ces pensées en tête.

« Pas difficile de nous repérer, c'est tout con en fait. En plusieurs tranches d'observations sur plusieurs semaines, on reconstitue les trajets aisément ; même si on en change sans cesse. »

Il fut presque soulagé par cette hypothèse à l'ancienne. Restait l'énigme de son rôle. Que faire pour sauver Nelly ? Mettre la police sur le coup ? Elle mourrait bien avant qu'on la retrouve.

Paul Burbon arriva à Fort Meade le siège de la NSA à neuf heures. Avec un café, il prit connaissance du câble envoyé depuis Rome à 14 h par Nancy Jones. Il se renversa sur sa chaise à bascule, ordonna qu'on ne le dérange pas et fut terrassé par le sommeil, alors qu'il essayait de réfléchir.

Il passa la journée ainsi, en n'informant personne malgré la puissance phénoménale de son organisation. Sa femme lui avait fait promettre de ne rien tenter qui pourrait mettre en danger la vie de Nelly. Il était d'accord. Il savait à quels dommages collatéraux on s'exposait lorsque l'immense machine était lancée. Pour le moment, ils avaient décidé d'attendre. Pour voir si une solution subtile n'apparaitrait pas. Il passa la journée à attendre qu'elle apparaisse dans la routine familière. Il n'y eut aucun progrès. C'était le trou noir. Il rentra chez lui tôt. Abattu. Sans force. Vidé de l'intérieur.

Jeudi 21

Le lendemain matin, Burbon allait mieux. Sans le vouloir, sa femme et lui avaient quand même dormi quelques heures. Une difficulté était de masquer leur chagrin et leur inquiétude aux yeux de leurs deux autres enfants. De paraitre enjoués. Ils faisaient de leur mieux. Mais les gamins sentaient que quelque chose clochait. La nuit, ils avaient de nouveau trituré les variantes pour sauver leur cadette, mais rien n'en était sorti de concret.

Après le petit-déjeuner, les gosses partis pour l'école, se posa la question cruciale de leur sécurité. Ils envisagèrent de migrer dans la journée dans une maison-planque de la NSA. Mais ça ne servirait à rien. La pègre avait un levier puissant avec Nelly. Elle n'en avait pas besoin d'un autre qui ferait effet contraire. Par contre, par la suite, ils devaient être prêts à déménager. Mais pour de bon. Leur couverture était éventée. Quelle vie pour les siens ! Le tissu social serait à reconstituer pour eux tous. Pour la première fois de son existence, Paul songea à changer de métier. Espion n'était pas une profession pour un père de famille.

Au bureau, Paul Burbon réalisa qu'il n'avait rien transmis la veille au président. Le message de Nancy était toujours en attente. Il le relut. L'empoisonnement de Jean-Paul 1er aurait lieu le soir, heure romaine, du jeudi 28 septembre. C'était clair. Il devait transmettre au président. Qu'est-ce qui clochait cette fois-ci ?

Si le pape était sauvé, sa fille mourrait. Les ravisseurs avaient été limpides.

Nelly était sauvée s'il tuait le pape. Nelly ou le pape. Le pape ou Nelly. C'était vite vu. Mais ne pas faire son devoir d'officier ? Son honneur contre la vie d'une enfant de quatre ans. C'était vite vu aussi.

Paul Burbon indiqua volontairement une fausse date au président. Le 29 au lieu du 28. Si Jean-Paul 1er ne prenait pas de précautions avant le 29, il mourrait le 28 et Nelly serait libérée.

Il se trompait évidemment, car dès que le pape avait appris qu'il serait empoisonné par sa camomille, il la jetait aux toilettes, quelle que soit la date. Burbon avait sali son honneur pour des prunes. Le pape ne boirait pas sa camomille et sa petite fille serait exécutée. Heureusement pour lui, il ne s'en rendait pas compte lorsqu'il quitta le Bureau ovale.

Après le départ du directeur de la NSA, le président Carter appela le pape. Il lui transmit les nouvelles, avec regret et compassion. Un meurtre par digitaline était confirmé pour le soir du vendredi 29 septembre. Ni avant ni après. Les conjurés voulaient être prêts dans les moindres détails pour un soir précis. Le pape remercia pour l'aide précieuse et désintéressée.

La Pieuvre au Vatican (T2 de la série Diagonale Italienne)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant