Chapitre 14 - l'issue

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Albino se souvint soudain de l'information que lui avait transmise le camerlingue au soir de son élection. Dans le coffre se trouvait une cassette que seul le pape en exercice était en droit d'ouvrir. Avec des renseignements pour lui. Il n'y avait plus pensé. Ces gadgets du Moyen-Âge ne l'intéressaient guère. Au point où il en était, cela valait la peine d'y jeter un coup d'oeil. Il ouvrit le coffre, puis la cassette. Celle-ci était munie d'un mécanisme astucieux dont le mode d'emploi était dissimulé dans une enveloppe cachetée à l'ancienne avec le sceau de Paul VI, détruit après sa mort. Elle était déposée bien en vue dans le coffre et le cachet de cire rouge était intact. Il le rompit, ouvrit l'enveloppe, puis il actionna le dispositif de la cassette. S'y trouvait un autre pli scellé avec les plans de passages secrets à l'intérieur du Vatican ; ainsi que du Vatican vers l'extérieur. Il mémorisa les principaux et expérimenta l'un d'eux qui se situait dans sa bibliothèque. Un pan basculait sur un couloir sombre. Il s'y engagea, bloquant derrière lui le panneau avec un meuble.

« On ne sait jamais avec ces trucs. Dans les romans de mon enfance, ça se referme et on est coincé. »

Mais ce n'était pas le cas. Après une vingtaine de mètres, une portion de mur pivotait par une action simple sur un bloc.

« Oh, oh ! Ingénieux. Entrebâillé, il suffit de pousser. »

Il appuya. Il était dehors. Devant lui, un passage au sommet d'une muraille d'une quinzaine de mètres de hauteur. Ce cheminement de pierre, manifestement très vieux, était étroit et pointait droit devant lui, en direction du Château Saint-Ange, au bord du Tibre. Il ressemblait à un chemin de ronde d'une forteresse moyenâgeuse. Il était bordé de hauts murs des deux côtés. On pouvait y circuler sans être vu.

« Les anciens papes devaient être, eux aussi, en danger pour bâtir des sentiers de fuite pareils. Avec, en plus, les couloirs souterrains sous la chapelle Sixtine et depuis la basilique byzantine. Pourquoi ne pas utiliser ces moyens archaïques pour dribbler mes ennemis ? »

Albino Luciani se sentait mieux. Il avait des outils et un projet.

Il retourna dans la bibliothèque, prit quelques notes, mémorisa les plans principaux et remit le tout en place, avec des enveloppes scellées de son sceau. Il se faisait tard. Il partit dîner. Depuis la salle à manger, il téléphona à son neveu Vittorio pour l'inviter le lendemain soir 2 septembre. Après son repas expédié en vitesse, il enjoignit à son personnel de ne plus le déranger jusqu'au lendemain matin.

- Je ne suis là pour personne, pas de visite, pas de téléphone, pas de service, bonne nuit.

Puis il se retira et testa son plan. Par le Passeto di Borgo, comme il se nommait sur l'antique schéma, il alla faire une promenade au-dessus de Rome jusqu'au Château Saint-Ange et retour. Deux kilomètres. Sans être remarqué. Il était bien protégé des regards par les hauts murs. Il se coucha rasséréné.

« Demain, on va explorer la fin du passage ; faire un tour en ville incognito. »

Il s'endormit en rêvant à des escapades secrètes et mystérieuses, amusé que le pape adulte soit si proche de ses rêveries de gosse.

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Le lendemain soir 2 septembre, le pape Jean-Paul Ier reçut son neveu ; il lui montra ces mots griffonnés sur un papier :

il y a des micros, n'en parlons pas, n'évoquons que des sujets anodins, généraux, nous dînons rapidement, puis nous nous éclipsons dans la bibliothèque, pour méditer, j'ai exigé de ne plus être dérangé jusqu'à demain, tu me suivras sans parler.

Après le repas, ils se retirèrent. Ce qui n'étonna pas le personnel qui avait servi le pape précédent. Il arrivait à Paul VI de le faire avec un jeune prêtre. Pour s'y recueillir.

La Pieuvre au Vatican (T2 de la série Diagonale Italienne)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant