Chapitre 25 - starting block

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Mercredi 27, Rome

– Tout est prêt ?

– Oui, pour demain soir.

– Ce soir, ce serait mieux.

– Impossible. La rotation des postes là-bas.

– OK.

C'était la transcription d'un échange téléphonique que le team de Nancy Jones venait de capter.

Quelque chose l'intriguait. Elle relut.

– Tout est prêt ?

– Oui, pour demain soir.

« Demain, c'est le 28. Mais le président a dit le 29 au pape ! La NSA écoutait aussi cette ligne. Officieusement. Elle vérifia. Le président ou Burbon s'était fichu dedans.

L'attentat aurait lieu un soir plus tôt. Mais quelle importance ? Le pape devait faire attention à tout ce qu'il buvait. Quel que soit le jour. D'un autre côté, le message avait été si précis, la date, l'heure, la digitaline, la camomille vespérale. Le pape la buvait peut-être sans précaution, tant qu'il n'était pas au 29. Elle ne voulait pas prendre le risque. Elle vérifia où était Carter. Au Kremlin chez le Premier secrétaire, Brejnev. Elle téléphona à Paul, au siège de la NSA. Il demanderait au vice-président d'appeler le pape. Paul Burbon n'était pas joignable jusqu'au lendemain soir, heure de la côte est. De toute manière, avec le décalage horaire, c'était trop serré.

Nancy Jones sortit alors du bois et fit ce qu'elle ne devait jamais faire. Elle avertit Vittorio. L'attentat était pour le lendemain soir, pas le surlendemain. Elle lui dit la vérité. Pour qui elle bossait. Carter avait eu les informations par elle. Elle lui fit jurer de ne rien dévoiler. En échange, il lui révéla la supercherie de switch de corps et le projet de fuite du pape. Ils étaient quittes.

Par l'entrée officielle flanquée des Gardes suisses, Vittorio fit un saut pour avertir son oncle : la tentative de crime et sa fuite, c'était pour le lendemain soir. Albino s'étonna que son neveu soit si bien renseigné.

– Ne me demande pas mon oncle, je ne peux pas te dire. Crois-moi sur parole. Je suis sûr à 100 %. C'est demain. Demain soir, je t'attendrai comme prévu.

Ils s'étreignirent comme si ce devait être la dernière fois et Vittorio partit retrouver Nancy. Ils s'enlacèrent aussi, tendrement et longuement, se taquinant l'un l'autre de leurs cachotteries. Puis ils allèrent dîner dans le Trastevere. Que la nuit y était douce ! Après la canicule d'août, septembre était d'une température parfaite. Qu'ils étaient loin les financiers véreux, les prélats corrompus, les escrocs, les espions, les empoisonneurs ! Le bruit des services sur les assiettes, les conversations multiples, les exclamations de joie étaient une musique merveilleuse sur la terrasse aux lumières tamisées. À une autre table se trouvait leur amie journaliste Alessa Lombardi avec Mario, son amoureux du moment. Ils prirent ensemble le café et les grappas. Ils ne parlèrent que de choses légères, comme si les orages qu'ils traversaient tous avaient été déposés à l'entrée, dans un vestiaire virtuel.

Au Vatican, le pape donnait ses dernières instructions à soeur Vincenza, au cardinal Villot et au Dr Buzzonetti : ce serait le lendemain soir. Il signa les licenciements, avec effet immédiat, de Paul Marcinkus, Luigi Mennini et Peregrino de Strobel. Ils étaient datés du jour même et avaient force de loi après lui. Il y ajouta les décrets de nomination des trois remplaçants, puis déposa les six documents dans un tiroir de son bureau qui était à l'attention exclusive du secrétaire d'État. Celui-ci avait un double de la clé. Le pape lui indiqua où trouver ces pièces qui seraient à mettre en vigueur le 29 septembre.

Après s'être isolé, il prépara les habits d'apparat qui devraient recouvrir le corps du défunt. Il était entendu que seuls soeur Vincenza, le cardinal Villot et le Dr Buzzonetti habilleraient le mannequin qui serait découvert à l'aube du 29, au lit en pyjama ; comme Albino Luciani l'aurait installé le soir du 28. Soeur Vincenza resterait éveillée toute la nuit du 28 au 29 dans un fauteuil, devant la porte de la chambre à coucher du pape. Elle ne laisserait entrer personne. Sauf au matin, le cardinal Villot et le Dr Buzzonetti.

Mais pendant ce temps, des informateurs d'Elio Gelli l'informaient de ce qui se tramait au palais pontifical. Il mit bout à bout les bribes d'information : le pape pourrait bien s'apprêter à s'enfuir. Une nouvelle fois. Comme il l'avait déjà fait le 5 septembre. Avec le recul, Gelli était certain que Jean-Paul 1er avait eu une maladie diplomatique du 5 au 8 septembre. Le rhume avait été trop opportun.

Un vieux cardinal de Curie lui avait aussi parlé de passages secrets ancestraux. C'était logique, les rois de Naples en avaient bien fait construire au 18e siècle pour s'enfuir par la mer. Seul Louis XIV n'avait rien prévu à Versailles et Louis XVI s'y était fait cueillir comme un bleu. Ce prélat avait eu de vagues échos de deux issues possibles. L'une pouvait se trouver dans les environs du no 50 de la Viale Vaticano à l'ouest du Vatican, au-delà des anciens murs d'enceinte. L'autre au château Saint-Ange, à l'est. L'informateur n'en savait pas plus. Il n'avait aucune idée d'où ces passages, s'ils existaient, partaient de l'intérieur du Vatican. C'était toujours ça à prendre.

Licio Gelli fit un numéro à Palerme.

La Pieuvre au Vatican (T2 de la série Diagonale Italienne)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant