Chapitre 18 - Le choc

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TW: mort violente

Vittorio conduisait, Albino à son côté. Ils virent les phares de leur poursuivant. Vittorio accéléra tant qu'il put.

- J'ai un plan pour leur échapper, dit Albino.

- Vas-y !

- Écoute-moi bien et suis mes instructions. Comme dans un rallye, je suis ton navigateur.

Les pneus crissaient sur la chaussée sèche. Ils étaient les seuls véhicules à cette heure tardive. À un embranchement, la Fiat quitta soudainement la route principale et s'engagea sur une voie secondaire. Les deux voitures roulaient vite. La route commença à monter avec de plus en plus de lacets et de virages toujours plus raides, parfois en épingle à cheveux. Ils étaient en deuxième à présent, et elle tenait à peine.

- Garde de la vitesse ! On ne doit pas devoir mettre la première ! On se ferait canarder à bout portant, recommanda Albino.

Curieusement, alors que la voiture poursuivante était proche, on ne leur tirait pas dessus. Mais ils n'avaient pas le temps ni le loisir de résoudre ce genre d'énigme. Ils étaient parvenus sur un plateau. La route en terre ondulait doucement à travers une forêt clairsemée de mélèzes. Elle descendait à présent très légèrement. Ce n'était même plus un chemin, mais l'espace entre les arbres et le sol plat en donnaient l'illusion. Vittorio pouvait rouler nettement plus vite qu'à la montée. Soudain, il décéléra brusquement, plantant la pédale des freins. La Fiat glissa sur le fin tapis d'aiguilles, puis enfin, presque arrêtée, elle bifurqua à angle droit sur sa gauche. Surprise par la manoeuvre, l'autre voiture ne parvint pas à réagir. Elle passa en trombe derrière eux et plongea dans l'à-pic vertigineux. Après quelques secondes, ils entendirent au loin une double et sourde explosion.

- Tu nous as sauvé la vie, haleta Vittorio le front sur le volant !

- Sans ta conduite, on était fichu. Je savais que tu connaissais l'endroit, que tu saurais le négocier. Tu nous as sauvés.

- Non, toi, avec ton idée.

- Tu as vu ce que j'ai fait, moi un prêtre ! Je n'en suis pas fier, mais on ne pouvait pas se laisser tuer comme à l'abattoir.

Ils redescendirent de la montagne, doucement cette fois.

- Durant le fascisme, raconta Albino, et pendant la guerre, on a côtoyé beaucoup d'horreurs. Pour rester en vie, on développait des tactiques d'évitement. Surtout des chemises noires fascistes, puis des SS allemands. Mais je n'avais jamais été directement impliqué comme ce soir. C'est effrayant de devoir tuer pour survivre. Et ça se déroule si vite qu'on n'a pas de temps de peser le pour ou le contre.

Il devait être autour de deux heures du matin. Dans leur fuite, ils n'avaient pas pris leurs montres. Ils avaient parqué loin de la maison et l'observaient depuis une vingtaine de minutes. Toutes les lumières étaient éteintes dans le quartier, sauf chez Nina et Ettore. Parfois, une ombre passait devant une fenêtre éclairée. Ils ne repérèrent aucune activité alentour. Ils attendirent pourtant longtemps. La nuit était douce, même à cette altitude. Finalement, ils prirent le risque et entrèrent en silence par la porcherie.

Nina et Ettore pleuraient leur chienne qui paraissait dormir au sol de tout son long, comme quand elle avait trop chaud. Le danger imminent paraissait écarté. Ils se racontèrent ce qui s'était passé, la mort du labrador, la menace sur Nina, la course, la chute dans l'à-pic. La chienne les avait sauvés et y avait laissé sa vie. Le tueur semblait seul. Quand il était monté dans sa voiture à leur poursuite, Ettore l'avait vu depuis la fenêtre, quand Nina gisait sur le carrelage : il était entré côté conducteur.

Après quelques heures de somnolence durant lesquelles personne ne put dormir, Albino et Vittorio décidèrent de repartir pour Rome. Cortina n'était plus sûre.

La Pieuvre au Vatican (T2 de la série Diagonale Italienne)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant