3 mois plus tard.
La veille de l'Opera.EDEN
Quatre-vingt-dix jours se sont maintenant écoulés.
Quatre-vingt-dix sourires et quatre-vingt-dix hochements de tête. Quatre-vingt-dix maux au ventre et 90 % de docilité.
Je le tiens dans ma main comme il pense me tenir lui aussi. Ces jours écoulés n'ont été que détresse et manque de discernement. À force de trop cogiter et d'être du mauvais côté, je n'arrive plus à me convaincre d'être une bonne personne.
Andréa nous a maintenant emmenés dans l'énorme manoir où gisait Toni Predetti naguère. La maison de Pietro lorsqu'il était encore avec eux.
Tout est mélancolique ici, les murs et le manque de soleil face à tous les rideaux rendent cet endroit lugubre. En parcourant librement les pièces, j'ai constaté que tout était générique ici. Les tableaux et les sculptures dépeintes à certains endroits décorent sans trop y montrer une intimité.
Dans l'allée, la verdure est scintillante et le soleil tape sur la forêt à proximité. Une énorme forêt où les chênes se battent en duel pour montrer leur grandeur.
C'est drôle, j'ai l'impression que cette forêt les reflète. À force de s'y perdre depuis qu'ils sont enfants, le feuillage leur a murmuré la route à suivre.
Le plus majestueux sera toujours celui qui sera le mieux perçu.
Il y a bien une chose qui flatte cette maison. Un tableau en particulier. Face au piano dans un des salons. J'ai mis du temps à le remarquer, pensant qu'aucune chose ici ne pourrait me faire voyager dans sa jeunesse.
Et pourtant...
Sur ce tableau, d'une taille conséquente, on retrouve un petit garçon assez âgé pour avoir douze ans. Des cheveux bouclés et soigneusement coiffés. Dans un costume repassé, portant l'emblème de sa famille sur la poche de sa veste. Ses yeux ont toujours été aussi bleus et son visage n'a jamais perdu sa particularité angélique.
Il était tellement beau.
Debout devant le tableau, j'ai l'impression de l'avoir en face de moi. Un Pietro plus vulnérable malgré sa prestance et son charisme à cet âge-là.
Il est droit comme un piquet, ne sourit pas et prône sa présence malgré son absence depuis des années ici.
Je me demande pourquoi le tableau n'a pas été jeté.
Peut-être que ce tableau a été explicitement demandé par Toni, pour rendre honneur à son fils favori. Il n'y a aucune preuve dépeinte pour Niccolo ni aucun autre Predetti d'ailleurs.
Seulement Pietro. Pour le bonheur de mes espoirs encore intacts.
Je ne reste pas trop longtemps et m'engage en direction de la cuisine où Maria, la gouvernante, m'attend. C'est une vieille mégère qui ne parle qu'en Italien. Elle obéit au doigt et à la lettre au maître des lieux depuis des années.
Maintenant que Toni est probablement mort, c'est Andréa le roi ici. Mes habits, mon allure et mes allées et retours sont orchestrés selon ses désirs. Maria s'affaire à m'habiller et même me laver lorsque je n'ai plus la force de lui parler en langue des signes pour lui demander de l'intimité.
— Sei pronta ? (Tu es prête)
Je hoche la tête, comprenant quelques mots par moment maintenant. Elle pose une assiette dans sa main et m'indique que la salle à manger est prise pour affaire avant de souffler, sûrement l'habitude de voir des personnes différentes dans la maison où elle a toujours vécu et devient redondante avec l'âge.
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PAPILLON [TERMINÉ]
RomantikUn an après la tragique disparition de son frère, Eden lutte pour trouver un sens à sa vie et reprendre le cours normal des choses. Mais c'est alors qu'une obsession grandit en elle, celle d'un mystérieux inconnu, un client notoire dans son café. Dé...