12. COMPTE À REBOURS

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EDEN

Je me souviens de mon premier souhait quand j'étais petite : grandir. Être maître de mes choix et avoir les cartes en main sur mon avenir et mes ambitions.

J'étais bien trop naïve pour comprendre que la vie peut se montrer écrasante quand elle en ressent l'envie. Elle te gifle en te montrant que les ambitions sont seulement pour les autres. Mes souhaits se sont amoindris au fil des années quand mon plus gros problème est devenu mon compte bancaire et son découvert constant.

— Alors tu as commencé à fumer ?

La nuée se dissipe quand je la relâche dans un souffle. Assise sur les escaliers, mon oncle vient se joindre à moi. Il y a une sorte de barrière entre nous. Surement dû aux années écoulées et à tous nos maux que nous ne voudrions pas dévoiler par un simple regard.

Oncle Ronnie regarde le labyrinthe à quelques mètres. La nuit est tombée et comparée à New York en cette période de l'année, la chaleur est aux qui-vive ici.

Les criminels sont tous derrière les baies vitrées fermées. Le rire de Niccolo retentit quelques fois derrière mon dos tandis que certains verres se brandissent. Pour autant, il y a une atmosphère que je ne saurais décrire.

Peut-être un brin d'hypocrisie entre eux tous.

Un mauvais aspect que je ne pourrais pas reprocher à Pietro. C'est malgré moi que j'ai tenté de le regarder sans qu'il s'en aperçoive. Depuis le début de la soirée, il s'est mis en retrait. Écouteur dans les oreilles, sans prêter attention à ce qui l'entoure. De ce que j'ai compris, c'est pourtant lui qui a amené tout le monde ici.

— Maman t'en veut encore.

Oncle Ronnie lâche un soupir en hochant la tête comme si cette fatalité lui était familière dorénavant. Maman et lui étaient proches. Alors parfois, je me demandais pourquoi elle a choisi de passer le reste de sa vie avec mon père, le plus mauvais des deux.

— Je ne pouvais pas laisser mon grand frère s'adonner à ces histoires de paris en sachant que vous paieriez les conséquences, toi et tes frères. J'ai essayé par tous les moyens de trouver des preuves irréfutables contre les Predetti. Je n'ai pas été assez téméraire et j'ai plus fui qu'autre chose.

Il s'arrête, muni d'un sourire empli par la tristesse.

— Qu'est-ce que tu as ressenti quand tu as appris pour la mort de ton père ?

— J'étais dans la voiture avec Aya, soupiré-je. Honnêtement, je me suis demandé quel gâteau maman allait préparer pour le voisinage pendant la veillée.

— Des sablés, me répond-il. Un gâteau élaboré serait bien trop onéreux pour lui.

Ma tête se baisse pendant que certains souvenirs martyrisent mon esprit trop fatigué.

— Il est quand même revenu, m'avoue-t-il. Pendant un an il a fait l'aveugle, mais il a voulu prendre ses responsabilités en main pour éviter que l'un de vous...

— Perds la vie ? le coupé-je sans retenir mon rire nerveux. Même en essayant de bien faire, papa ne rapporte que de la merde. Il est maudit.

Papa a voulu revenir quand les conséquences de ses paris douteux l'ont pris de plein fouet. Mais à force d'éviter les problèmes qui s'entassent, on finit tôt ou tard par se retrouver face à un problème plus gros. En l'occurrence ici, la mort de son fils prodige.

Le silence nous berce pendant un moment. La légère brise de vent chaud s'étale sur ma peau glaciale. En regardant la dernière latte que ma cigarette contient, je retiens un souffle pour essayer de tempérer les tremblements de ma main droite.

PAPILLON [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant