2.6. ESPRIT EMBRUMÉ

603 29 28
                                    

EDEN

La lumière est partie. Une fois de plus.

Lorsque la nuit tombe, les stries des volets de cette petite chambre m'indiquent qu'une fois de plus, je vais être plongée dans cette pénombre. Sans repères. Sans réponse.

Les jours défilent sans que je ne puisse les compter réellement. Selon ces dix stries horizontales, la nuit a dû tomber depuis dix à douze jours maximums.

Je me recroqueville dans mon lit et prends une grande inspiration, les yeux grands ouverts et les cheveux tombants sur mon visage.

Elle est là... Regarder. EDEN !

La voix de Stella présente dans mon crâne depuis ces jours incertains, tonnes et déroutes chacune de mes pensées. Je ne me sens plus dormir et mange ce qu'on me donne en petite quantité.

Au début, lorsque la porte s'ouvrait enfin, mon cœur accélérait à l'idée de voir Andréa. Owen, Silvio et d'autres sont venus tour à tour sans me dire un mot. J'ai tenté plusieurs fois de me battre. Ma marque à l'œil en témoigne. Sans même la voir, j'ai l'intuition qu'elle n'est pas jolie. Mon arcade s'ouvre chaque fois que je hausse un sourcil à chaque bruit.

— Questa volta, parlerà (cette fois-ci, elle va parler).

Mes yeux se ferment aussitôt et mon sourcil fourmille une nouvelle fois.

— Non, murmuré-je en sentant ma respiration peser à chacun de mes souffles.

Les bruits de pas résonnent comme à chaque fois. Mes mains attrapent mes genoux et mon nez s'enfonce sur les draps sales.

Par réflexe, ma main droite vient s'étaler sur mon oreille qui ne repose pas sur le lit. Et j'attends. Mes yeux secs et lourds de fatigue rejoignent le dernier point de lumière encore intacte et présent sur la dernière strie.

Très vite, cette lumière s'échappe, laissant la nuit et le bruit d'une clé qui se tourne.

— E l'Ultima volta ! J'entends hurler derrière moi.

Je ferme les yeux plus fort, attrape mes genoux vainement et expire.

— Irène !

Un fracas suit cette voix lourde et gutturale dans la chambre face à la mienne.

Les secondes défilent et ma main sur mon oreille devient engourdie. Ma mâchoire subit elle aussi, forçant sur mes os lorsque je serre les dents. J'ai l'impression qu'elles pourraient se casser une par une.

Mon cœur bas, mes mains deviennent moites.

Ils vont encore la torturer et elle ne va pas parler.

— Salut Eden.

Je sursaute. Cette voix familière, mais étrangère à la fois détruit la carapace que je m'étais forgée. En me retournant, c'est directement que mon regard rencontre ses iris hors du commun.

À trop m'empêcher d'entendre une nouvelle fois les hurlements de douleurs d'Irène, je n'ai pas entendu Andréa rentrer dans ma chambre.

Il ferme la porte derrière lui alors que j'essaie de capter un bruit dans la chambre en face de la mienne.

J'ai cette sensation de ne pas ressentir les bonnes émotions au bon moment. J'ai attendu de le voir se pointer devant ma porte pendant des jours. Ses lèvres s'ouvrent lorsqu'il élève la voix devant moi. Pourtant, je reste dans la même position, priant pour ne pas encore entendre les hurlements agonisants d'Irène.

Je ressens leur vibration dans mes veines. Ses cris de torture imprègnent et tournent dans ma tête comme un carrousel qui ne prendrait jamais fin.

Elle endure depuis des jours et je n'arrive pas à me sortir le son de sa voix, suppliant, dérapant, lorsque l'un d'eux lui demande des comptes sur le Papillon.

PAPILLON [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant