2.24. LIBRE

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11 MOIS PLUS TARD






















PIETRO


— Tu veux une clope ?

Je secoue la tête, savourant la chaleur douce de ce mois de mai à Syracuse. Tahar, avec son air désabusé, semble accablé par les pavés que nous avons dû fouler pour arriver ici. Ses chaussures en cuir noir verni, désormais recouvertes de poussière, devront subir un nettoyage coûteux au pressing.

— Non, pas pour l'instant, réponds-je brièvement, les coudes appuyés sur le dossier du banc où nous sommes affalés.

« Pietro Predetti est sous ma protection. »

Cette ordure n'a pas menti, il y a onze mois.

Alors qu'il tentait désespérément de me blanchir, j'ai purgé ma peine pendant onze mois au centre pénitentiaire de Palerme. Mon procès a fait la une des journaux internationaux, paraît-il. Je n'ai pas encore eu l'idée de naviguer sur le net pour consulter les commentaires qui fleurisse à mon sujet.

L'essentiel à retenir, c'est que j'ai plaidé coupable et participant pour tout ce que le diamant noir et la clé USB d'Andrea avaient révélé.

Pour le meurtre du magistrat, pour crime organisé et détournement de fonds.

Douze ans. C'étaient les mots du juge, le marteau frappant la table avec une autorité qui résonne encore à mes oreilles. L'avocat de Tahar a fait tout ce qu'il a pu, mettant sur le dos de ma famille le meurtre revendiqué d'un homme politique qu'on m'a obligé à commettre alors que j'étais encore mineur. 

Et me voici, onze mois plus tard.

La chaleur m'embrase et navigue sur ma peau diaphane. Les promenades m'étaient interdites, dues moins, les journalières avec tous les prisonniers. Ça m'a permis de rester en vie. Me faufiler dans une foule pleine à craquer de mafia adverse m'aurait surement coûté cher.

— On doit poireauter combien de temps encore ? Je lui demande, résigné sur ce banc à évaluer où m'emmènera cette soudaine libération.

— T'as bien attendu presque un an dans une cellule non, répond-il la clope au bec. Patiente.

Je laisse échapper un soupir, mes sourcils se fronçant alors que les doutes m'envahissent. Mon père a retrouvé sa raison. D'après ce que m'a confié le Turc, Tahar l'a « aidé ». Il s'est déclaré coupable en mon nom, et cette fois, sous un jugement anonyme, mon père a réussi à me blanchir de toutes les accusations, prenant sur lui l'entière responsabilité de mes actes en mentant à la cour de m'avoir forcé à me dénoncer à sa place pendant qu'il partait en cavale. 

L'inspecteur Donovan n'est pas venu à la barre. Il a même appuyé ses plaidoiries en ma faveur durant le procès de mon père. Je sais que Tahar y est pour quelque chose, mais je n'ai pas vraiment l'envie de demander. 

La seule véritable raison de ma présence derrière les barreaux était ce maudit meurtre du magistrat, mais le parrain a su faire pencher la balance en faveur de l'emprise comme le mobile que mon avocat essayait de faire comprendre à la cour. 

Il est vrai que, après avoir subi des mois de torture, que me restait-il ? Si ce n'est commettre un meurtre pour ne pas révéler dans quel camp je me trouvais réellement.

— Dix minutes, pas une de plus, ne nous lance l'inspecteur Donovan dès son arrivée.

Tahar et moi partageons une complicité qui nous semble étriquée alors que nous observons notre interlocuteur s'éloigner pour rejoindre ses collègues, entourés par un déploiement impressionnant de voitures de police.

PAPILLON [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant