Eve Princesse Révolutionnaire S4

Épisode 12 : Des Terres et un Titre

Sous le choc, Eve écarquilla les yeux de stupéfaction, et si l'on en jugeait par les exclamations qui s'élevaient alentour, les invités étaient tout aussi effarés qu'elle.

Des terres et un titre ?

Une telle récompense aurait pu paraître insignifiante pour un membre de la famille impériale, qui bénéficiait déjà, de par son statut, d'une position et d'une influence certaines. La Sérénité n'était, en effet, qu'un petit domaine à la périphérie de l'empire, et il y avait déjà une surabondance de comtes parmi les nobles. Cependant, la signification d'un tel geste était toute autre.

Étant donné le nombre élevé de naissances dans les familles impériales, résultat de la polygamie institutionnelle des empereurs successifs, ces derniers n'accordaient que très rarement des terres à leurs rejetons, de peur que les titres ne finissent par devenir un lieu commun, et aussi pour limiter la formation de duchés. À la place, leurs enfants recevaient en général une dot rondelette et se retrouvaient mariés dans une famille noble, l'octroi de terres n'étant réservé qu'aux successeurs potentiels.

On pouvait, en résumé, considérer cette récompense, comme une volonté de Desmond II d'affirmer qu'Eve était une candidate plausible au trône.

Je ne m'y attendais pas du tout !

Muette de saisissement, Eve dévisageait son père qui se mit à rire au-dessus d'elle.

« Tu es bien silencieuse... Cela m'a pourtant pris plusieurs jours avant d'arrêter mon choix sur cette récompense-ci. Elle ne te plaît pas ?

— B... Bien sûr que si, Père ! Et je vous en suis extrêmement reconnaissante ! » s'exclama Eve, en accompagnant ses remerciements de l'indispensable cérémonial.

L'empereur observa avec fierté sa fille qui, malgré sa nervosité, s'était inclinée en une révérence à laquelle il était impossible de trouver la moindre imperfection.

« J'aurais voulu discuter avec toi de ton expédition, mais je ne peux rester suffisamment longtemps, pour le faire, car d'autres tâches réclament mon attention.

— Je ne sais comment exprimer la gratitude que j'éprouve à l'idée que vous ayez pris le temps d'honorer ces festivités de votre présence, malgré toutes les responsabilités qui vous incombent. Je trouverai sans faute un moment plus opportun, demain, afin de vous voir et de discuter avec vous, Père.

— C'est bien. Je t'attends demain, donc. »

L'Empereur se tourna ensuite vers ses invités et déclara :

« Je vous remercie tous, d'être venus à cette fête, célébrée en l'honneur du retour de la septième princesse, et vous souhaite d'y prendre beaucoup de plaisir.

— Honneur et gloire au soleil d'Hadelamid ! » s'exclamèrent-ils en chœur.

Dès que l'Empereur eut quitté la salle de réception, commentaires et exclamations se répandirent comme une traînée de poudre. Et au milieu de toute cette bruyante excitation, seule Eve demeurait immobile, le regard perdu dans le vide. Mikael la rejoignit :

« Votre Altesse !

— Ah... » tressaillit-elle.

Elle se tourna vers lui, avec l'expression de quelqu'un qu'on viendrait d'éveiller d'un rêve. Le temps qu'elle eût retrouvé ses esprits, Alvin était à son côté et la couvrait d'extatiques félicitations.

« Congratulations, Votre Altesse ! À vrai dire je m'imaginais bien une récompense de ce genre, mais je ne m'attendais pas à des terres et un titre. J'ai l'impression que la Gazette d'Hadellun va devoir publier un rectificatif demain. Cinquième ? Peuh ! Je suis certain que vous allez vous retrouver au moins à égalité à la première place, ou à tout le moins, à la seconde. Et j'imagine déjà le gros titre idéal : "Le rang de la troisième princesse à présent menacé. Combien de temps pourra-t-elle conserver sa première place ?" Qu'en pensez-vous ?