Eve Princesse Révolutionnaire S4

Épisode 38 : Pluie Providentielle

Que le verbe « convoiter » sortît de sa bouche était plutôt extraordinaire, et le résultat était que sa question revêtait un sens presque suggestif, que démentait pourtant le flegme avec lequel il s'était exprimé.

Eve irritée, sentit une soudaine rancune monter en elle, qui lui ôta toute envie de lui donner la réponse qu'il attendait. Une surprenante sensation, qui prenait racine, elle le savait, dans le fait qu'elle ne pouvait supporter qu'il osât montrer de l'intérêt pour Rosenitte, alors qu'ils étaient en plein tête-à-tête.

Elle comprit cependant que la question qu'il avait posé était toute rhétorique et qu'il n'attendait pas de réponse, car il en venait déjà au point qui l'intéressait vraiment :

« Je suis sûr que tu as dû la remettre à sa place sans problème. Qu'est-ce que tu lui as dit pour l'en dissuader ?

— Ah... »

Ainsi, ce qu'il voulait savoir en réalité, c'était la façon dont elle avait réagi... À nouveau prête à satisfaire sa curiosité, après cette prise de conscience, elle réfléchit. Mikael serait sûrement ravi si elle montrait qu'elle s'était affirmée de façon catégorique à son propos, aussi n'hésita-t-elle pas à parler franchement pour l'impressionner :

« Je lui ai dit que j'étais la seule capable de t'imprégner. »

Pour une raison qui lui échappait, sa déclaration n'eut pas l'air d'enchanter Mikael qui lâcha un simple « Hmm... »

N'en avait-il pas saisi les implications ? Elle avait pourtant essayé de donner à ses propos un sens plus profond que celui qu'ils avaient en réalité. Malgré cela, son chevalier avait un air presque blessé, lorsqu'il ajouta :

« Mais l'imprégnation n'est quand même pas la seule chose qui existe entre nous, si ?

— Hein ?

— Indépendamment de l'imprégnation, il y a les sentiments que j'ai pour toi, Princesse.

— Des sentiments ?

— Oui. Bien que tu n'aies pas l'air de t'en apercevoir du tout... »

Mikael posa sa main droite sur son cœur, un geste qui avait tout du serment solennel, si l'on exceptait l'expression peinée de son visage, qui donnait plutôt l'impression qu'il souffrait d'une véritable douleur physique. Eve étudia son chevalier. Il avait eu aujourd'hui, et plus d'une fois, une attitude osée, et elle se demandait s'il n'avait pas un peu trop veillé, ces derniers temps, pour lire des poèmes romantiques...

Y avait-il malgré tout un sens caché derrière ses mots ? Rien de sensé ne lui venait à l'esprit, et elle finit par nager dans une telle confusion qu'elle eut peur de se faire une idée complètement erronée de la situation. Elle sentit ses joues s'échauffer alors qu'elle le fixait d'un regard perdu.

Qu... ?

Elle venait de réaliser qu'il la dévisageait, lui aussi, et avec une intensité inhabituelle, comme s'il était inconcevable pour lui, de manquer la moindre de ses réactions. Elle se dit qu'à ce train-là, il finirait par découvrir les sentiments secrets qu'elle préférait garder enfouis au plus profond d'elle-même. Se reprenant en sursaut, elle tenta de clore le sujet :

« Je t'ai déjà dit de ne pas utiliser ce langage qu'ils enseignent au centre de formation... »

Mikael baissa les yeux à ce reproche, avec l'air vaincu de celui qui vient de perdre une bataille cruciale.

Le tunnel de verdure qu'ils avaient emprunté longeait le pourtour du grand jardin central et permettait même de relier deux autres jardins des alentours. Il s'étirait ainsi sur une bonne distance, et ils marchèrent un certain temps au milieu des rosiers avant d'en repérer la sortie. Malgré tout, il n'aurait pas dû faire si sombre à l'extérieur, à cette heure-ci de la journée.