Épisode 19 : Un Nouvel Avenir

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Les émotions de son moi passé le submergèrent à nouveau. Mikael avait d'abord cru qu'il avait lancé ces mots comme un reproche, mais ce n'était pas le cas. Plus que de la réprobation, ils portaient en eux du ressentiment. Et ce ressentiment prenait ses racines dans un désir qu'il traînait en lui, depuis longtemps, et qui n'avait jamais pu être exaucé.

« Si tu m'avais choisi en tant que chevalier attitré, tu ne serais pas ici, en ce moment. »

Ces propos exprimaient avec plus d'acuité les sentiments enfouis en lui. Le Mikael du passé, débordé par l'intensité de ses émotions, venait de lui déclarer ouvertement ce qu'il espérait d'elle depuis le début. Il l'implorait de le choisir, maintenant, que ce n'était pas trop tard pour le faire.

Il avançait son visage vers celui de la princesse, malgré l'inconfort évident qu'elle éprouvait, si près qu'il aurait pu l'embrasser, s'il l'avait voulu. Seule une personne aussi innocente qu'Eve pouvait ne pas déceler l'intention qui se cachait derrière ce geste.

Mon Dieu...

Il en était certain, à présent. Dans sa vie passée, il n'avait jamais éprouvé le moindre mépris pour la princesse. Il essayait au contraire de la séduire. Et il comprenait mieux, à présent, toutes les douloureuses émotions qui accompagnaient chacun de ses souvenirs d'Eve, bien qu'elle ne lui eût jamais fait subir le rituel d'imprégnation.

Le contrecoup mental de toutes ces découvertes lui pesait trop, et même après que toutes ses visions s'étaient évanouies, cédant la place au monde réel, Mikael se trouva incapable de se dépêtrer des scènes dont il venait d'être témoin. Il resta debout, au milieu du jardin, aussi immobile qu'une statue.

Après un assez long moment, il relâcha soudain tout l'air de ses poumons, comme si quelque chose l'avait empêché de respirer jusque-là. Il se frotta le visage d'une main tremblante et réalisa avec étonnement, que son front et ses joues étaient plus chauds que sa paume.

« Je l'ai appelée Eve... Dire que j'ai osé l'appeler par son diminutif... »

De toutes les scènes qu'il avait vues, c'était celle qui l'avait le plus choqué. Il en était même venu à grommeler tout haut sa réprobation, chose tout à fait inhabituelle chez lui. 

Un souvenir de sa vie présente lui vint soudain à l'esprit. La princesse lui avait demandé un jour, ce que cela signifiait lorsqu'un homonculus appelait un membre de la famille impériale par son prénom sans permission, et Mikael, ignorant qu'il était celui qui l'avait fait dans sa vie précédente, avait répondu avec assurance que cet homonculus désirait certainement passer la nuit avec le prince ou la princesse en question.

Il laissa échapper un juron.

Dire qu'il avait osé avoir du désir pour sa précieuse et noble princesse ! Mikael se sentait si honteux qu'il aurait pu dégainer son épée et se la planter dans le corps. Cela ne pouvait continuer ainsi. Il fallait qu'il trace une ligne nette entre lui et son moi du passé. Il fallait qu'il le considère comme un étranger. Mikael se répéta en boucle des phrases, comme l'on récite un mantra :

Je ne suis pas ce traître, aveuglé par la vengeance. Je suis noble et chevaleresque. Je ne suis pas cet être indigne, au cœur et au corps dévoyés. Je n'éprouve aucun désir charnel envers la princesse. Je suis noble et chevaleresque.

Accompagnée de quelques profondes respirations, la méthode sembla porter ses fruits. L'air pur de cet été précoce l'aidait, lui aussi, à conjurer l'ignominie résiduelle, qui, peut-être, imprégnait encore son âme et son corps.

C'est alors qu'une voix l'interpella :

« Mikael ? »

L'unique personne capable de faire s'effondrer, ainsi qu'un château de cartes, la fragile assurance qu'il venait de regagner, s'approchait de lui. Mikael fit de son mieux pour réprimer son désarroi et la saluer avec naturel :

Eve Princesse Révolutionnaire S4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant