Chapitre 45

115 2 0
                                    

Je me tenais là, figée sur le quai, le regard fixé sur le bateau d'Amine. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine comme un oiseau pris au piège, battant des ailes frénétiquement contre une cage invisible. Un flot d'émotions contradictoires me submergeait, me laissant incapable de penser clairement. La brise nocturne, habituellement apaisante, ne faisait qu'accentuer mon agitation intérieure.

Chaque pas que je faisais vers le bateau me rapprochait de l'inconnu, de l'incertitude qui me tenaillait les entrailles. Mon esprit était un tourbillon de pensées contradictoires, une tempête intérieure qui menaçait de me consumer. Le quai désert, plongé dans la semi-obscurité des boutiques et cafés fermés, ajoutait à l'atmosphère oppressante. Les rares lumières vacillantes créaient des ombres dansantes, accentuant mon sentiment de malaise.

Seule la vérité cachée derrière cette porte pouvait apaiser ma confusion. Je pris une nouvelle inspiration, fermai les yeux un instant, et ouvris la porte d'un geste brusque. La lumière jaillit, m'aveuglant momentanément. Je plissai les yeux pour m'adapter à la luminosité et distinguai alors une silhouette familière debout au milieu de la pièce.

"Amine ?" murmurai-je, le souffle coupé.

La silhouette se retourna, révélant un visage aux traits tirés et aux yeux cernés. C'était bien lui. Le regard d'Amine me transperçait, comme si je n'étais qu'un fantôme. Sa main, ensanglantée, pendait à son côté, témoignant d'une blessure récente. Son visage, pâle et marqué par le choc, reflétait une détresse indescriptible.

Je fis un pas vers lui, instinctivement, mue par l'envie de le réconforter. Mais d'un geste brusque, il me repoussa, son regard dur me clouant sur place.

"N'approche pas," ordonna-t-il d'une voix rauque.

Je restai à ma place, le cœur battant la chamade, incapable de comprendre la scène qui se déroulait devant moi. Qu'avait-il pu se passer ? Comment était-il blessé ?

Un silence pesant s'abattit sur le pont du bateau, brisé uniquement par le clapotis des vagues contre la coque. Je l'observais, impuissante, tandis qu'il semblait s'enfermer dans une bulle de souffrance et de solitude. Chaque seconde de ce silence me semblait une éternité, mon esprit essayant désespérément de combler les vides avec des hypothèses et des peurs.

- Tu t'es battu avec lui ? demandai-je, ma voix tremblante d'inquiétude.

Amine resta figé, me regardant avec des yeux écarquillés, emplis de peur et de confusion.

- Qui ?

- Le mec sorti du bateau, c'est ça ?

- Tu... tu l'as vu ? Enfin, tu l'as vu ? balbutia-t-il.

Je l'interrompis, Oui, je l'ai vu. Est-ce que je le connais ? Amine, dis-moi, tu as des ennuis ?

Son visage se relâcha légèrement, mais je sentis qu'il me cachait quelque chose. Malgré cela, j'essayai de m'approcher un peu plus de lui, déterminée à lui montrer que j'étais là pour lui. Je fouillai dans mon sac, cherchant des mouchoirs. Une fois trouvés, je lui tendis une serviette, la main légèrement tremblante, craignant qu'il me rejette encore une fois.

Il hésita un instant, puis accepta finalement la serviette. Il tamponna doucement sa main ensanglantée, son regard s'adoucissant un peu. Voir le sang sur la serviette accentuait ma peur. Qui était cet homme ? Pourquoi Amine semblait-il si perturbé ?

Je restai debout, le regard fixé sur lui, l'observant nettoyer le sang de sa main. Au moment où j'essayai de briser le silence, il se leva, sans me regarder dans les yeux :

- Rentre chez toi, Kenza. Je n'ai aucune force, ni envie de te parler. Je ne suis pas d'humeur, ni pour un débat sans fin, ni pour une dispute.

- Je... je voulais...

Il m'interrompit, me guidant vers la porte d'un simple regard, comme un signe de me dégager.

J'ai compris. Je pris mon sac et marchai au ralenti, une partie de moi espérant qu'il me retienne. Mais rien. Je le vis se diriger vers la sortie du bateau, allumer une cigarette. Il fumait presque jamais. Il ne se retourna pas. Chaque pas que je faisais semblait s'éterniser, le poids de l'indifférence d'Amine me pesant lourdement sur les épaules.

C'est ça ? Je mérite cette indifférence ?

- Avant de partir, je voulais savoir, c'est vrai, tu as quitté ta copine pour moi ?

Son mouchoir rempli de sang tomba à ses pieds. 

Une nuit étoiléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant