Comme l'a dit Harry, mon immeuble est grosso modo en train d'être transformé en forteresse. Le parking est à présent grillagé et surveillé à plein temps par des caméras de sécurité. Je m'arrête au poste de contrôle, présente la carte que Harry me tend et regarde la machinerie électronique ouvrir l'énorme grille. Tout cela se fait très rapidement et nous entrons en un rien de temps.
-C'est joli, dis-je.
Je me sens un peu couvée, mais j'apprécie qu'il fasse tout cela pour me protéger. Cependant, je comprends que ça ne suffit pas. Qu'il va s'inquiéter. Et il n'a toujours pas digéré le fait que j'aie obstinément refusé les services d'Edward.
– Ça l'est, mais je préfère que ce soit efficace plutôt que joli, répond-il en se retournant sur son siège pour regarder la grille. On peut passer assez facilement par-dessus.
– Spiderman, peut-être, mais pas les gens normaux, dis-je en jetant un coup d'œil dans le rétroviseur.
– Le motif a la même forme qu'une échelle, continue-t-il en tapant quelque chose sur son téléphone. C'est le motif habituel, mais une grille sert surtout à empêcher les gens qui n'habitent pas là de profiter des places de parking. C'est seulement dissuasif. Je veux plus que ça.
– À qui tu écris ? je demande en entendant le bip qui signale l'envoi d'un SMS.
– À Ryan. Mon chef de la sécurité. Je veux qu'il s'y mette au plus vite.
Je lève les yeux au ciel et me gare à ma place. J'ai un petit pincement de regret pour ma Honda, mais ça ne dure pas. Elle n'est pas partie, après tout. Juste entreposée dans un parking sous la Styles Tower jusqu'à ce que je décide de son sort.
Comme la boîte à lettres déborde probablement, nous prenons la sortie piétons et remontons le trottoir pour gagner l'entrée principale, Harry traînant ma valise à roulettes et moi portant mon fourre-tout. Quand je suis partie pour l'Allemagne, l'entrée de mon immeuble était une espèce d'antre sombre avec les boîtes à lettres d'un côté et l'escalier de l'autre. À présent, elle est protégée par une énorme – mais élégante – grille en fer. De plus, elle a été rénovée : peintures, gros bacs à plantes. Et même un petit jet d'eau.
– C'est ton œuvre ? je demande à Harry.
Sans répondre, il tend la main pour que je lui donne ma clé et relève mon courrier. Je le suis dans l'escalier, mi-amusée, mi-exaspérée.
La porte d'entrée de l'appartement est plus ou moins la même, le « plus » consistant en un troisième verrou. Je jette un regard interrogateur à Harry.
– C'est mieux, dit-il.
Et comme je le vois taper un nouveau texto, j'en déduis que « mieux » ne signifie pas « suffisant ». Apparemment, Ryan peut s'attendre à avoir un vendredi très occupé.
Mon appartement a exactement la même allure, jusqu'à l'énorme lit en fer qui trône au milieu du salon et à la chatte blanche qui se fond dans le tas de coussins du canapé. Lady Miaou lève le museau à notre arrivée, s'étire et bondit élégamment sur le sol. Je m'attends qu'elle vienne quémander une caresse, mais elle se contente de lever un regard accusateur vers moi, de faire demi-tour pour filer au fond de l'appartement, queue en l'air. Elle monte les marches, tourne dans le couloir et disparaît dans la chambre de Jamie.– Je crois que le message est clair, s'amuse Harry.
– Au moins, elle a l'air bien nourrie.
Jamie m'a dit qu'elle avait chargé Kevin, notre voisin, mignon mais un peu space, de lui donner à manger. Je me demande parfois comment Kevin fait pour arriver au bout de sa journée, alors je ne peux pas dire que j'approuve vraiment le choix de Jamie...
Je laisse tomber mon sac sur le sol et jette le courrier sur le lit.
– Je n'en reviens pas qu'elle l'ait laissé ici, dis-je.
Évidemment, je sais pourquoi. Si cela ne tenait qu'à Jamie, le lit ferait finalement partie du décor, comme le tas de vêtements en bas de son placard ou la jungle qui a dû pousser dans le réfrigérateur puisque je n'étais pas là pour désinfecter l'appartement tous les deux jours.
J'ouvre la valise que Harry a laissée près de mon sac et me dandine en fronçant les sourcils. C'est le moment qui me déplaît vraiment dans les voyages. La valise est bourrée à craquer et je ne suis pas enthousiaste à l'idée de tout sortir, laver, étendre et repasser. Je me rabats sur un stratagème qui a fait ses preuves – la procrastination – et décide d'ignorer mes bagages pendant que je trie mon courrier. Factures, factures, prospectus et magazines. Pendant ce temps, Harry arpente les lieux pour vérifier les détecteurs de mouvement et autres gadgets dont son équipe a truffé l'appartement. Alors qu'il revient dans la chambre, je remarque une lettre dont l'adresse d'expéditeur attire mon attention : Styles International. Je souris et lui jette un coup d'œil, m'attendant qu'il me rende mon sourire. Mais il est occupé à taper un nouveau SMS en réponse à celui qu'il vient de recevoir.
Comme je n'ai pas envie d'attendre, je décachette l'enveloppe. Je vois Harry ranger son téléphone, ayant probablement terminé. Je connais un Ryan qui doit être soulagé.
Je sors le feuillet de l'enveloppe et le déplie.
Je m'attends à des mots sensuels et décadents. Ce que je vois me glace le sang. SON PASSÉ TE FERA TOUJOURS SOUFFRIR
Je laisse tomber la feuille en poussant un cri.
– Nikki ? Qu'y a-t-il ?
Harry accourt immédiatement et me prend par les épaules.
Je respire un bon coup et j'essaie de me ressaisir. Quelqu'un joue avec moi, le texto, ma voiture, et à présent, cette lettre. Mais ce n'est qu'un morceau de papier, un fichu bout de papier. Un frisson d'angoisse me parcourt, mais je le réprime. Je peux affronter cette situation.
– Nikki !
– Là...
Je montre le sol, puis je me laisse glisser du lit pour ramasser la lettre, mais Harry s'en est emparé avant que j'en aie eu le temps.
Il tient la feuille pincée entre deux doigts, contenant à grand-peine sa fureur. Je regarde le message de plus près, espérant peut-être qu'un indice me saute aux yeux. Mais il n'y a rien sur ce papier que ces mots, qui semblent avoir été tapés sur une vieille machine à écrire mécanique.
– D'où sors-tu ça ? demande-t-il d'un ton calme. Je désigne l'enveloppe encore posée sur le lit. Je vois à son expression qu'il a lu l'adresse de l'expéditeur. Fils de pute ! gronde-t-il avant de donner un tel coup de poing au montant que le lit entier tremble.
J'attends que ma voix soit un peu plus assurée avant de demander :
– Quelqu'un s'est servi de ton papier à en-tête ?
– Non, dit-il. Cet enfoiré voulait juste que tu croies que ça venait de moi. Regarde de plus près, mais ne touche pas. C'est imprimé sur une laser ordinaire. Nos enveloppes sont imprimées en relief. Merde ! Il se passe une main dans les cheveux, respire un bon coup et revient à moi. Ça va aller ?– Ça va, oui, dis-je sans mentir. J'ai flippé, mais c'est juste la surprise. Je t'assure, j'ajoute en le voyant me fixer avec attention et inquiétude. Tout va bien, à présent. Je te jure. Je suis plus énervée qu'effrayée.
Il hoche lentement la tête, comme s'il évaluait la sincérité de mes paroles.
– Très bien. Donne-moi un sachet à congélation. Je vais faire porter ça à Ryan dans la matinée.
Je cours à la cuisine, un peu surprise qu'il ne convoque pas Ryan sur-le-champ. Mais la lettre étant arrivée par la poste, je suppose que rien ne presse.
Quand je reviens avec le sachet, je le trouve faisant les cent pas dans la pièce. Il me rejoint, saisit la feuille et l'enveloppe entre les pans de sa chemise puis la glisse dans le sachet. Il laisse tomber le tout sur le lit et se tourne pour me prendre dans ses bras.
– Je suis désolé, dit-il.
Je me dégage un peu pour le regarder dans les yeux.
– Mais pour quoi, enfin ? Ce n'est pas toi qui m'envoies ces lettres haineuses ou qui remplis ma voiture de poisson...
– Non, mais apparemment, c'est moi la raison de tout ça.
– Ce n'est pas vraiment une révélation.
Nous savons tous deux que, sans Harry, je ne suis pas assez intéressante pour attirer l'attention des médias ou de la personne qui me harcèle. Mais si c'est le prix pour être avec Harry, je suis prête à le payer.
– Non, tu as raison. Il reste un moment silencieux, puis : Je veux que tu viennes habiter avec moi. Oh !
Je recule et me rassieds sur le bord du lit. Je ne peux le nier, ça fait un moment que j'attends qu'il me le
propose. Oui, je sais qu'il y a encore une part d'ombre tenace chez cet homme – il a des secrets qu'il ne me révélera peut-être jamais. Mais nous avons surmonté déjà tant de choses, et être avec lui me fait tant de bien. Je me réveille dans ses bras presque tous les matins, et les nuits où nous
ne dormons pas ensemble, j'ai l'impression qu'il me manque quelque chose.
Ce n'est pas la première fois qu'il évoque mon installation chez lui. Il y a déjà fait allusion. Mais c'est la première fois qu'il le formule directement. Dans des circonstances différentes, mon cœur palpiterait d'allégresse. Mais quand je regarde le sachet contenant cette ignoble lettre, je suis glacée.
Je lève lentement la tête pour le regarder. Il arbore son expression résolue d'homme d'affaires. Le visage d'un dirigeant, pas d'un amant, et ma réponse me vient sans attendre :
– Non.
– Quoi ?
Je me lève. Il est assez difficile de remporter un combat contre Harry Styles quand deux volontés s'affrontent. Je ne vais pas gagner si je reste assise.
– J'ai dit non.
– Non ? répète-t-il sourdement. Bon sang ! Nikki, mais pourquoi donc ?
Je me force à tenir bon. Parce que, en réalité, j'ai vraiment envie d'habiter avec lui. Je veux être constamment auprès de lui, même. Mais pas pour de mauvaises raisons.
– Tu veux que je vienne vivre avec toi parce que tu m'aimes, ou parce que tu veux me protéger ? Il me considère un instant, puis secoue la tête, exaspéré, ce qui m'agace carrément.
– Je veux que tu sois avec moi, Nikki. Et tu en as envie aussi, bon sang ! Comme je ne peux pas le nier, je ne réponds pas. Parfois, le silence est la meilleure politique. Merde... ajoute-t-il, plus pour lui que pour moi.
– Autant je déteste ça, dis-je en désignant la lettre, autant il n'en reste pas moins que ce courrier ne peut pas me blesser, Harry. Et l'appartement est sûr. Ton équipe a tout fait pour. Ou bien dois-je
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Trilogie Styles [Tome 3]
Roman d'amour'Beau, fort et dominateur, Harry Styles remplit un vide en moi qu'aucun autre homme ne peut combler. Ses désirs me poussent au-delà de mes limites et libèrent en moi une passion qui nous consume tous deux. Pourtant, derrière son besoin de dominance...