Même à minuit un dimanche, la circulation encombre les rues étroites de Munich. Le moteur de la Lamborghini ronronne et gronde, fourmillant de puissance retenue, comme s'il était aussi frustré de ne pouvoir se libérer et s'envoler que moi de ne pouvoir arranger les choses pour Harry.
Je suis blottie sur le siège baquet en cuir rouge, légèrement tournée sur ma gauche pour pouvoir le regarder. Malgré le grondement de la circulation que je trouverais exaspérant, Harry est calme et parfaitement maître de lui-même. Sa main droite est posée nonchalamment sur le levier de vitesses, les doigts prêts à s'en saisir. Je prends une profonde inspiration, imaginant que sa main se pose sur mon genou nu. Depuis que je le connais, je collectionne les fantasmes. Et franchement, je ne m'en plains pas.
Sa main gauche tient le volant, et malgré le cyclone que nous traversons en ce moment, il a l'air détendu et sûr de lui. De là où je suis, je vois son profil : une mâchoire ciselée, des yeux profondément enfoncés dans leurs orbites, une bouche magnifique qui s'incurve en un imperceptible sourire.
À la lueur du plafonnier de la voiture, ses joues mal rasées et ses cheveux décoiffés lui donnent l'air d'un redoutable rebelle. Et c'est ce qu'il est, je crois. Il n'y a pas plus rebelle que Harry. Il mène sa vie selon ses propres règles. C'est l'une des qualités que j'apprécie le plus chez lui. Du coup, c'est d'autant plus pénible de savoir que s'il acceptait de se défendre au tribunal, la situation pourrait changer du tout au tout.
Nous attendons à un carrefour, puis le feu passe au vert. Il accélère et change de voie si rapidement que je me cramponne pour ne pas chavirer. Il se tourne pour me regarder et je ne vois dans ses yeux qu'un plaisir sans mélange. Je lui souris, et à cet instant rien au monde ne pourrait nous faire du mal. Ce n'est que liberté et bonheur, et j'aimerais que cela dure à jamais. Que nous continuions de rouler éternellement tous les deux, jusqu'à la fin du monde.
Je laisse peut-être galoper mon imagination, mais Harry vit pleinement cet instant. Je vois la tension dans ses muscles, la force et l'assurance avec laquelle il mène la voiture, testant ses limites en accélérant encore et toujours, jusqu'à ce que nous arrivions sur l'autoroute, où il laisse enfin le moteur exploser.
Je déglutis et me redresse sur mon siège. J'avais cru plaisanter en disant que cette promenade serait comme faire l'amour. Apparemment, je me trompais.
– Tu souris, dit-il sans me regarder.
– Oui, j'avoue. Parce que tu es heureux.
– Je suis avec toi. Pourquoi ne serais-je pas heureux ?
– Continue comme ça, dis-je. La flatterie finira bien par te mener quelque part.
– J'y compte bien.
Il murmure à peine, mais cela suffit pour que mon corps réagisse. La fièvre me gagne et des perles de sueur coulent sur ma nuque. Mes seins me semblent lourds, comme si j'avais besoin qu'il les soutienne de ses mains, et mes tétons durcis pressent délicieusement contre la soie de ma robe. Sa réponse, apparemment simple et directe, est lourde de sens. Après tout, nous savons l'un et l'autre que je suis prête à aller partout où Harry voudra m'emmener.
– Nous y sommes, dit-il. Je sursaute comme s'il venait de répondre à ma pensée, puis je me ressaisis, me rendant compte qu'il veut dire que nous sommes arrivés sur l'A9. Il accélère sur la bretelle d'accès et je me retrouve plaquée sur mon siège. Je prends une profonde inspiration, galvanisée par la vitesse et par l'homme assis auprès de moi.) Tu as prévu quelque chose ? demande- t-il.
Je vois d'un coup d'œil que le compteur approche des 175 kilomètres à l'heure.
– Prévu quelque chose ?
– C'est toi qui as eu l'idée, non ? s'amuse-t-il. Je pensais que tu avais quelque chose de particulier en tête.
– Non, rien, dis-je en ôtant mes chaussures pour remonter mes pieds sur le siège. Rien de plus qu'une escapade en ta compagnie.
– J'aime bien cette idée. Et je sais précisément où je veux finir, ajoute-t-il avec un regard exagérément malicieux.
– Pervers.
– Juste pour toi.
J'ai le menton sur les genoux et, du bout du doigt, il caresse le bracelet de cheville en platine orné d'émeraudes qu'il m'a offert pour me rappeler que je lui appartiens. Comme si je risquais d'oublier.
Sa main remonte sur l'arrière de ma cuisse, légère et sensuelle. Ce n'est rien de plus qu'une caresse, mais une chaleur m'envahit, s'accumule entre mes cuisses et dans mes seins. Comme c'est facile de succomber à un enchaînement de caresses et de plaisir, de besoin et de désir. C'est comme si j'étais dans un état de soif perpétuel et qu'il était l'ambroisie la plus suave qui soit.
Hélas ! cela ne dure pas, car sa main me quitte pour s'occuper de la radio, passant de station en station jusqu'à ce qu'il opte pour une lourde pulsation techno qui résonne dans la voiture. Il change de nouveau de file sur l'autoroute quasi déserte. Je m'enfonce dans mon siège et laisse le rythme pulser en moi tout en regardant cet homme qui m'aime. Et que j'aime. Qui m'appartient totalement. L'idée m'est venue subitement et je me surprends à froncer les sourcils, car ce n'est pas exact. S'il m'appartenait vraiment– à moi et à moi seule –, je pourrais l'emmener loin d'ici. Je pourrais le sauver. Je pourrais chasser ces horreurs judiciaires.
Mais je ne peux pas, et cette vérité inexorable qui me ronge transforme ce moment jusque-là léger et insouciant en une ombre sombre et menaçante.
Je me tourne pour regarder les arbres qui défilent dans la nuit, les étranges formes qui dansent entre elles, projetées par nos phares. Je frissonne, effrayée par ce spectacle inquiétant, comme si nous nous élancions vers le néant, alors que ça n'empêchera pas la réalité de nous rattraper.
Je veux que nous continuions de rouler – vers l'est, où le soleil va se lever dans six heures environ. Je veux repousser les limites de cette voiture et ne jamais m'arrêter. Nous sommes dans une bulle, à l'abri de ces ombres noires. Mais dès l'instant où nous nous arrêterons, où nous rebrousserons chemin...
Non. J'inspire profondément. Je dois être forte. Pas pour moi, mais pour Harry.
– Nous devrions rentrer, dis-je.
J'ai parlé si bas que je ne suis même pas sûre qu'il m'ait entendue avec la musique qui résonne dans la voiture. Je coupe la radio. Brusquement, nous nous retrouvons dans le silence. Harry me jette un regard, ce regard où la joie a laissé la place à l'inquiétude.
– Qu'est-ce qu'il y a ?
– Nous devrions rentrer. J'essaie de hausser le ton, mais ma voix reste bizarrement sourde, comme si ma volonté résistait, me soufflait muettement de le supplier de fuir. Tu dois te reposer, je me force à dire. Demain, nous allons être mis à rude épreuve.
– Raison de plus pour continuer tant que nous pouvons.
– Harry...
Je m'attends à ce qu'il cherche à m'apaiser. À me rassurer, en me disant que tout ira bien. Il se contente de me caresser la joue, dans un geste qui me fait frissonner de tout mon corps et monter les larmes aux yeux. Je serre les poings et tente de les retenir. Je ne peux pas me permettre de craquer. Pas là. Jamais, même. Si je perds Harry, je pleurerai. Et tant que je ne connaîtrai pas l'issue de cette affaire, je veux passer chaque seconde à simplement savourer sa compagnie. Je parviens à esquisser un sourire presque sincère et me tourne vers lui.
– Encore un peu, dit-il en écrasant l'accélérateur.
– Où allons-nous ?
– Dans un endroit que je veux te montrer. Je dois avoir l'air tout à fait désarçonnée, car il rit doucement. Ne t'inquiète pas. Nous ne nous enfuyons pas.
Je grimace. J'aurais presque préféré.
Sa main gauche reste sur le volant, mais la droite se pose sur mon genou. Le contact est plus possessif que sexuel, comme s'il avait besoin de savoir que je suis là. Je rejette la tête en arrière, déchirée entre l'envie de savourer le contact de ses doigts sur ma peau et celle de m'en prendre à lui. De hurler, de tempêter. De le supplier de bien vouloir se défendre. Parce que Harry Styles n'est pas un homme qui recule et reçoit des coups sans rien dire. Ce n'est pas un homme qui supporte de perdre.
Ce n'est pas un homme qui fait souffrir la femme qu'il aime.
Et pourtant, il est en train de faire tout cela.
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Trilogie Styles [Tome 3]
Romance'Beau, fort et dominateur, Harry Styles remplit un vide en moi qu'aucun autre homme ne peut combler. Ses désirs me poussent au-delà de mes limites et libèrent en moi une passion qui nous consume tous deux. Pourtant, derrière son besoin de dominance...