Après les péripéties du samedi, le dimanche est un véritable plaisir. Nous passons la journée à flâner. Renonçant à rechercher Sofia, mon harceleur ou le salaud qui a fuité les photos, même Harry déconnecte et entre comme nous dans un état quasi végétatif.
Jamie et moi quittons la position horizontale vers l'heure du déjeuner pour aller faire une longue promenade le long de la mer. Harry ne se joint pas à nous, prétendant être absorbé par la relecture du roman d'Isaac Asimov, Les Robots. Étant donné l'amour que Harry porte à la science-fiction, je ne doute pas que le livre le fascine, mais je sais aussi qu'il ne vient pas parce que je le lui ai demandé. Je veux passer un peu de temps en tête à tête avec Jamie pour l'interroger sur son projet de retour au Texas.
Cependant, tandis que nous marchons au soleil en bord de mer, je ne parviens pas à trouver le moment adéquat. Du coup, nous parlons de tout et de rien en traversant la propriété de Harry jusqu'à l'océan, puis en remontant vers le nord jusqu'au plus proche voisin. Grand et musclé, celui-ci nous fait signe en sortant de l'eau avec sa planche de surf, sa peau couleur café ruisselante et luisante. Jamie a l'air au bord de la crise cardiaque quand elle le voit.
– Qui est-ce ? je chuchote alors que nous faisons demi-tour pour rentrer.
– Eli Jones. Il a remporté l'oscar du meilleur second rôle masculin l'an dernier. Tu es vraiment désespérante, toi !
– Oui. Et faute de trouver une meilleure transition, j'ajoute...Tu vas avoir du mal à te concentrer sur ta carrière d'actrice si tu retournes au Texas.
– Oui, bon... dit-elle en haussant les épaules. Tu le sais aussi bien que moi, je suis loin d'avoir une carrière. On ne peut pas dire que j'aie mis le feu à Los Angeles.
Elle donne un coup de pied dans l'eau, faisant jaillir un faisceau de gouttes qui scintillent un instant au soleil avant de retomber et de se perdre dans l'océan. J'aimerais tant qu'elle connaisse davantage que quinze minutes de célébrité, et je crains de penser plus à moi qu'à son bien-être en ne soutenant pas son retour au pays.
– Quoi que tu décides, tu sais que je serai avec toi, je lui dis.
Nous avons traversé la plage et remontons le chemin menant à la maison, quand mon téléphone sonne. Je le sors de la poche de mon blouson, et suis surprise de voir le nom de Courtney à l'écran.
– Allô, Courtney, quoi de neuf ?
C'est la fiancée d'Ollie. Nous nous connaissons depuis des années, mais pas autant que je le souhaiterais, car elle passe son temps en déplacements pour son boulot. Cependant, elle est charmante et authentique et je crois qu'elle aime vraiment Ollie. J'aime Ollie aussi, mais je n'apprécie pas qu'il couche à droite à gauche ; et même s'il occupe une place au-dessus de Courtney dans mes priorités amicales, je pense malgré tout qu'elle mérite mieux.
« Qu'est-ce que c'est ? », articule muettement Jamie en ouvrant de grands yeux. Je me contente de hausser les épaules.
– Ollie et moi voulons savoir si Harry et toi êtes libres mardi soir. Jamie aussi. Elle est avec toi ? Ollie m'a dit qu'elle séjournait chez Harry avec toi cette semaine.
Je jette un bref regard à Jamie. Elle ne m'a pas prévenue qu'elle avait dit à Ollie où elle serait. Je ne devrais pas me montrer soupçonneuse – après tout, nous étions déjà amis avant qu'ils couchentensemble, mais je ne peux m'empêcher d'éprouver une certaine inquiétude.
– Oui, dis-je en jetant un regard noir à Jamie, dont l'air penaud m'inquiète encore plus. Elle est là. Qu'est-ce qu'il y a mardi ?
– Rien de particulier. Mais je n'ai pas de déplacement cette semaine et nous ne nous sommes pas vus, tous, depuis une éternité. J'ai dit à Ollie que nous devrions nous retrouver chez Westerfield. Tu connais, n'est-ce pas ? C'est à West Hollywood.
– Je connais, je confirme.
L'endroit appartient à Harry.
– Alors, vous pouvez venir ?
D'un côté, j'aimerais refuser parce que j'ai très peur que tout ça finisse en drame. De l'autre, j'ai envie d'accepter parce que j'espère encore plus que tout redevienne comme avant entre Jamie, Ollie et moi.
– D'accord, dis-je enfin. On vient.
Quand arrive le soir, nous nous sommes prélassées au bord de la piscine, promenées le long de la mer, nous avons joué au Air Hockey dans une salle de jeux dont j'ignorais l'existence dans la maison, et regardé les deux premiers James Bond tout en nous empiffrant de pop-corn.
Pour le dîner, Jamie propose que nous nous fassions griller sur un feu des hot-dogs, des sandwichs de marshmallows et des barres chocolatées. C'est hyper calorique, gluant et amusant. Et alors qu'allongée à côté de Harry je lèche sur ses doigts le chocolat, je me dis que j'aimerais vivre ainsi jusqu'à la fin de mes jours.
Impossible, bien sûr, mais pendant ces quelques heures je savoure notre existence protégée dans cette bulle. Mais cela se termine trop rapidement. À dix heures du soir, Sylvia appelle pour connecter Harry à une téléconférence avec l'un de ses fournisseurs à Tokyo. Il me donne un petit baiser et rentre prendre l'appel. Je le regarde s'éloigner en sirotant mon whisky et en admirant ses fesses moulées dans son vieux jean usé préféré. Jamie apprécie le spectacle, elle aussi. Elle croise mon regard et sourit.
– Quoi ? Parce que tu ne sais pas qu'il est super sexe ?
– Fais-moi confiance, dis-je en reprenant du chocolat. J'en suis pleinement consciente.
– Tu en refais ? demande-t-elle en me passant le bol de marshmallows.
– Non, je mange juste du chocolat.
– Ça va ?
– Manger du chocolat n'est pas forcément un signe de grave crise affective.
– Tant mieux. Contente de l'entendre.
– Pourquoi ? je demande en posant le chocolat, brusquement inquiète.
– Sans aucune raison. Elle lève la main pour faire taire mes protestations. Je te jure ! Je me demandais juste ce qu'il en était de cette histoire de harceleur. Ce n'est pas que je déteste vivre ici, se hâte-t-elle d'ajouter, mais j'aime bien avoir mes petites affaires.
– Je comprends ça. Mais je ne crois pas que le service de sécurité de Harry ou la police aient du nouveau.
– Ça doit le rendre dingue.
– Effectivement. Ça, et essayer de retrouver Sofia.
– Qui ?
Me rendant compte que je n'ai pas parlé à Jamie de Sofia, je lui résume les faits, en disant
seulement que c'est une amie de Harry depuis l'époque du tennis, qu'elle est un peu barge et qu'elle a disparu. Qu'elle suit probablement un groupe dans sa tournée, mais que Harry s'inquiète quand même.
– Et tu n'es pas jalouse ?
– Tu crois que je devrais ?
– Une ancienne petite copine qu'il tient absolument à retrouver ? Merde, moi, je m'arracherais les cheveux.
– Merci, dis-je, sarcastique. J'apprécie que tu me réconfortes.
– Oui, bon, comme on l'a déjà souligné plusieurs fois, je ne suis pas aussi équilibrée que toi.
– Tu dois me confondre avec quelqu'un qui ne se taillade pas.
Elle me jette un regard grave comme jamais.
– Je crois que tu te confonds avec quelqu'un qui se taillade.
Je reste un moment immobile, sans répondre, mais je me représente au travers du regard de Jamie. Ai-je vraiment réussi à devenir stable ? Peut-être pas complètement, mais je ne me débrouille pas mal du tout. Et tout ça, je le dois à Harry.
Je pense aux occasions où j'ai commencé à déraper – et où Harry m'a rattrapée – et j'aimerais que Jamie trouve elle aussi quelqu'un. Quelqu'un qui la rattrape et n'aurait aucune indulgence pour ses conneries. Quelqu'un qui ne cherche pas seulement le cul ou un coup d'un soir.
Bref, quelqu'un qui l'aime.
– Qu'est-ce qu'il y a ? demande-t-elle en me regardant avec attention. Je me contente de secouer la tête.
Elle prend la barre chocolatée et la coupe en deux morceaux entre lesquels elle glisse un marshmallow en sandwich. Elle ne se fatigue pas à le faire fondre sur le feu : elle mord dedans, les yeux clos dans une sorte de plaisir quasi orgasmique.
– Bon sang ! ce que je peux aimer le chocolat. Je me lève.
– Je vais aller me coucher avant d'en manger encore. Tu veux que je te réveille demain matin ? Je me lève de bonne heure pour aller au bureau.
Ces mots sont aussi délicieux que le chocolat. J'ai un bureau. Un bureau rien qu'à moi. Sérieusement, peut-on rêver plus cool ?
– Je te déshérite si tu me réveilles, dit-elle. Maintenant, file ! ajoute-t-elle avec un geste royal de la main. Si je ne peux pas coucher, je vais au moins finir ce qui reste de ce chocolat.
Je dors déjà quand Harry me rejoint, et il est levé quand je me réveille. J'ai vaguement le souvenir d'avoir été dans la chaleur de ses bras à un moment, mais je me sens abandonnée. Du moins jusqu'à ce que je trouve un mot dans la salle de bains me promettant quelque chose de délicieux ce soir – et peut-être même à dîner, aussi.
La Cooper a fait sa réapparition comme par magie à la maison de Malibu, et je ne peux qu'imaginer que les petits lutins de Harry l'ont conduite ici pendant que nous étions au chevet de Jamie à l'hôpital. Quoi qu'il en soit, j'en suis heureuse, et je me glisse avec allégresse derrière le volant pour faire la longue route menant à Sherman Oaks. Je meurs de faim, et ce matin ma tasse de café habituelle ne me suffit pas. Harry m'a fait connaître les meilleurs croissants du monde dans une boulangerie de Malibu, et comme je peux arriver à mon bureau à l'heure qui me chante, je décide de faire un détour.
L'Upper Crust possède un guichet drive-in, mais je décide de me garer et d'y entrer. J'ai envie d'un croissant tout simple, mais je suis tout à fait disposée à me laisser tenter par un truc vraiment décadent comme un pain au chocolat* ou un roulé à la cannelle gluant de sucre et scintillant de glaçage. Finalement, je craque pour un beignet aux pommes, et alors que je paie ma pâtisserie et mon latte extra large, la petite sonnette de la porte tinte et Lisa entre.
Je lève une main pour la saluer, mais la baisse aussitôt. Elle avance main dans la main avec un homme que je connais – Preston Rhodes, le chef des acquisitions de Styles Applied Technology.
Pendant une seconde, je me dis que ce doit être une de ces Énormes Coïncidences Amusantes. Mais je vois le sourire de Preston qui me reconnaît – et la grimace de Lisa.
Eh bien, merde !
– Lisa, dis-je d'un ton accusateur, ma colère montant à mesure que les pièces du puzzle se mettent en place, vous ne m'avez pas parlé lors de ma première journée à Burbank parce que j'étais la nouvelle chez Innovative. Vous l'avez fait parce que Harry vous l'a demandé.
Je suis fière d'avoir réussi à garder mon calme, mais d'après la manière dont Preston nous regarde et s'éclipse, je pense que je me suis quand même un peu énervée.
– Ce n'est pas ce que vous croyez, dit Lisa.
– Il ne vous a pas demandé de m'aborder ?
– Eh bien, si... avoue-t-elle. Je pense que vous croyez juste.
Contrairement à moi, elle est vraiment calme. Et bien sûr, ça me met hors de moi. Je croise les bras et la toise.
– Il m'a dit que vous envisagiez de vous lancer en indépendante. Que vous aviez déjà commercialisé quelques applications pour smartphone qui se vendaient bien, et que vous travailliez à créer des apps en ligne qui selon lui avaient des chances de très bien marcher.
– Et ?
– Et il m'a dit que vous ne vous voyiez pas trop en dirigeante d'entreprise.
– Et il s'est donc dit que si je ne l'écoutais pas, lui, peut-être je vous écouterais, vous ?
Même si j'ai sollicité l'avis de Harry sur les questions financières, j'ai hésité à lui demander de m'aider à créer l'entreprise. En plus, j'ai traîné les pieds jusqu'au moment où j'ai vraiment eu l'impression de savoir ce que je faisais. Lisa est la passerelle idéale entre mes incertitudes et mes besoins, ce qui prouve une fois de plus que Harry me connaît bien et qu'il continue de garder des secrets et de tirer les ficelles de ma vie en coulisse.
Je me rappelle qu'il m'a dit avoir enquêté sur Lisa. Fichu bonhomme ! Il n'avait pas besoin d'enquêter, il la connaissait déjà. Bon sang, elle est fiancée à l'un de ses cadres supérieurs !
– Je suis vraiment désolée, dit-elle. Il m'a demandé de ne rien vous dire, mais la vérité est que je n'y ai même plus pensé dès que j'ai fait votre connaissance à Burbank.
– Franchement, je soupire, ce n'est pas à vous que j'en veux le plus.
Elle soupire à son tour, et le masque professionnel tombe. Je vois la réalité de la femme que je connais – celle que je pensais devenir une amie.
– Allons, Nikki, vous savez ce qu'il éprouve pour vous. Il n'essayait pas de vous manipuler, il voulait seulement vous aider.
– Qu'on m'aide, ça me rend folle, dis-je. Elle éclate de rire.
– Je suis vraiment désolée, dit-elle, sincèrement contrite. Notre prochain rendez-vous tient toujours, malgré tout ?
– Bien sûr. Même si je suis furieuse contre Harry – et là, je le suis vraiment –, je ne vais pas compromettre cette amitié naissante avec Lisa. À dire vrai, je dois retrouver des amis demain au Westerfield's. Si vous veniez aussi tous les deux ?
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Trilogie Styles [Tome 3]
Romansa'Beau, fort et dominateur, Harry Styles remplit un vide en moi qu'aucun autre homme ne peut combler. Ses désirs me poussent au-delà de mes limites et libèrent en moi une passion qui nous consume tous deux. Pourtant, derrière son besoin de dominance...