Me voici devant la suite présidentielle du Kempinski, un hôtel d'un luxe inouï à Munich. Je prends une profonde inspiration. Je dois beaucoup à Sylvia, qui pourrait perdre son poste si Harry décidait de reprocher à son assistante de m'avoir dit où il est descendu.
Je ne sais pas comment il va réagir en me voyant, et je n'ai aucun moyen de savoir s'il a vu ma déclaration à la presse. Et quand bien même, je ne pourrais pas savoir si elle l'a ému.
Depuis cette déclaration, je ne suis plus une traînée, apparemment, et Harry plus un meurtrier. Désormais, nous sommes un couple dont l'amour est contrarié par le destin. La presse est capricieuse. Cette fois, au moins, elle nous traite avec sympathie.
Mais, surtout, la première phase de mon plan a fonctionné. Et ça me donne du courage. La suivante va sûrement marcher aussi. Parce que je n'ai aucune envie d'appeler Sylvia et de lui demander de me prendre une chambre dans un hôtel miteux.
Assez tergiversé. Je frappe à la porte et j'attends. Un instant plus tard, j'entends
Harry répondre qu'il arrive, puis le verrou s'ouvrir. Je retiens mon souffle.
Le voici. Il porte un pantalon noir et sa chemise est déboutonnée. Il a l'air à la fois éblouissant et distrait, le bras levé pour boutonner sa manchette, mais en me voyant, il se fige.
– Nikki.
– Veux-tu que je m'en occupe ? je demande.
Sans un mot, il me tend son bras. Je boutonne une manchette sur le seuil, puis j'entre et fais de même avec l'autre. Puis, sans mot dire, je boutonne le devant de sa chemise. Il est tendu. Je ne sais pas s'il est content ou fâché de me voir, ou s'il se demande s'il rêve.
– J'ai vu ta conférence de presse, dit-il finalement.
– Ah bon ?
J'essaie de garder un ton léger et encourageant, mais j'ai le cœur brisé. S'il l'a vue et s'il avait envie de me voir, ne devrait-il pas me prendre dans ses bras ?
– Je ne pensais pas que tu arriverais si vite.
– Quand on veut rejoindre quelqu'un qu'on aime, on essaie de le faire aussi vite que possible.
J'ai du mal à continuer de sourire, et j'ai soudain peur de fondre en larmes. Je n'ai pas voulu m'avouer jusqu'ici mon envie de l'entendre me dire qu'il m'aime, mais à présent c'est le cas. Et non seulement il ne me le dit pas, mais il va probablement m'éconduire.
– Oh, Nikki... Quoi que tu dises à la presse, tu mérites mieux qu'un homme derrière les barreaux.
– C'est toi que je mérite, dis-je. Mais si tu penses que je ne peux pas gérer tout cela, tu as raison. Je ne peux pas sans toi. Harry, tu ne comprends donc pas ? Je ne peux pas rester à l'écart pendant qu'on te juge pour meurtre. Je dois être là. Il le faut. J'ai besoin de toi. Et je crois que tu as besoin de moi aussi, j'ajoute en plongeant mon regard dans le sien.
Une éternité semble s'écouler avant qu'il réponde.
– C'est vrai, Nikki, dit-il. Bon Dieu ! oui, c'est vrai, Nikki.
C'est comme si le mur de verre autour de lui avait volé en éclats. La vie revient dans son regard, le sourire sur son visage. Soudain, il me prend dans ses bras et me serre contre lui. Les battements de son cœur résonnent à mes oreilles, et je respire le parfum de l'homme que j'aime.
– Alors, j'ai bien fait de venir ? je demande, hésitante.
– Oh, oui, ma chérie, oui, répond-il avec une ferveur qui m'arrache des larmes. Tu es mon sang. Sans toi, je ne suis rien qu'une coquille vide.
– Jamais tu n'aurais dû me quitter.
– Non, répond-il sans hésiter. Il le fallait. Je devais te donner une possibilité de te libérer de moi. Parce que tu vas être entraînée dans cet enfer, Nikki... et même si tu crois que j'ai de la force, je suis faible. Je suis égoïste. Je suis parti cette fois pour te protéger, mais je ne recommencerai pas. Si tu veux partir maintenant, c'est le moment. Sinon, je te garderai auprès de moi, parce que c'est là que je veux que tu sois. À mon côté, Nikki. Éternellement. Je tremble de soulagement, en me contentant d'acquiescer bêtement. Sans toi, c'était l'enfer, dit-il. Chaque instant était un combat contre la tentation. Je voulais envoyer un avion te chercher. Sans tenir compte de ce qui valait mieux pour toi, je voulais être avec toi par pur égoïsme.
– Je crois que ça ne m'aurait pas gênée, dis-je.
– Non, contre-t-il. J'étais tellement fier de toi. Tout ce que tu as dit. Les risques que tu as pris. Tu as exorcisé les démons, Nikki. La presse est un fléau, mais tu l'as privée de son pouvoir. Elle ne peut plus te détruire. Sous aucun prétexte.
– C'était facile. Je me suis simplement rappelé ce que tu me dis tout le temps, que je suis forte.
Ses doigts frôlent ma joue. Puis il referme ses lèvres sur les miennes dans un long et profond baiser qui me fait défaillir.
– Je veux te faire l'amour, dit-il.
– Dieu merci ! Il éclate de rire.
– Mais nous ne pouvons pas maintenant.Je lève les yeux, soudain effrayée de m'être trompée et de me faire finalement éconduire. Je dois aller retrouver mes avocats.
– Ah ! Eh bien, après ?
–Très certainement. Et très longtemps. Mais pour le moment, veux-tu venir avec moi ? Je tiens à ce que tu sois à mon côté pour cette rencontre.
– Bien sûr. Alors, ça veut dire que je peux rester ?
– Tu as sacrément intérêt, sourit-il, les yeux brillants.
– Qu'est-ce qu'il y a ?
– J'espère juste que tu n'es pas un mirage.
– Je suis réelle, dis-je, rayonnante.
– Prouve-le, dit-il en sortant de sa poche le bracelet de chevilles aux émeraudes. Mets-le.
– Mais comment... ?
– J'y suis retourné, dit-il en se baissant pour le mettre à ma cheville dans un geste qui me fait frissonner. Il fallait que je t'aie avec moi, même si ce n'était que symbolique.
– Harry, dis-je, le cœur gros.
Il se relève et pose un doigt sur mes lèvres.
– Plus tard. Si tu ajoutes un mot, nous ne sortirons jamais d'ici. J'ai envie de toi, là, maintenant, mais je ne peux pas manquer cette réunion. Je souris en le suivant, anticipant ce qui m'attend après. Il s'arrête sur le seuil. Une dernière chose. Je t'aime...
Ses yeux étincellent. Un sourire ravi se dessine sur mes lèvres et je me mets à rire comme une enfant. Un procès pour meurtre nous attend. Et puis après ? Harry et moi, nous nous aimons. Et pour l'instant, cela me suffit amplement.La peur m'arrache à un profond sommeil et je me redresse en sursaut dans la grisaille d'une chambre. Les chiffres vert terne du réveil électronique annoncent qu'il est minuit à peine passé. Je suis haletante, les yeux écarquillés, mais je ne vois rien. Les derniers vestiges d'un cauchemar déjà oublié qui me frôlent comme l'ourlet déchiré du linceul d'un fantôme suffisent à me remplir de terreur, mais s'évanouissent comme une brume sans substance quand je tente de les saisir.
Je ne sais pas ce qui m'a effrayée. Je sais seulement que je suis seule et que j'ai peur.
Seule ?
Je me retourne vivement dans le lit en tendant la main sur le côté. Mais avant même que mes doigts n'effleurent les draps frais et hors de prix, je sais qu'il n'est pas là.
Je me suis peut-être endormie dans les bras de Harry, mais une fois de plus, je me réveille seule.
Au moins je sais maintenant d'où vient ce cauchemar. C'est la même peur que j'affronte chaque jour et chaque nuit depuis des semaines. La peur que je cache derrière un sourire de façade quand je m'assieds jour après jour à côté de Harry, tandis que ses avocats vérifient sa défense dans ses moindres détails. Qu'ils exposent les particularités d'un procès pour meurtre selon la loi allemande. Qu'ils le supplient quasiment de lever le voile sur les recoins les plus sombres de son enfance, car
ils savent, tout comme moi, que c'est là que se trouve la clé de son salut.
Mais Harry s'entête dans le silence, et je suis terrorisée à l'idée de le perdre. Qu'on va me l'enlever.
Il n'y a pas que la peur. Je suis tout aussi accablée et paniquée de savoir que je ne peux rien y faire. À part attendre, regarder et espérer. Mais je n'aime pas attendre et je n'ai jamais eu foi en l'espoir. C'est un cousin du destin, et les deux sont trop capricieux à mon goût. En fait, il me faut de l'action. Mais seul Harry peut agir, et il a obstinément refusé.
Et cela, pour moi, c'est le pire. Car si je comprends la raison de son silence, je ne peux m'empêcher d'être en colère. En effet, au fond, ce n'est pas seulement lui-même que Harry sacrifie, c'est moi aussi. C'est nous.
Le temps nous est compté. Son procès va commencer d'ici quelques heures et, à moins qu'il change d'avis concernant sa défense, je cours le risque de le perdre.
Je ferme les yeux pour retenir mes larmes. Je peux repousser la peur, mais ma colère est comme un être vivant, et je crains qu'elle explose malgré tous mes efforts pour l'apaiser. D'ailleurs, je crains même que la refouler rende encore plus violente l'explosion finale.
Quand il a été inculpé, Harry a tenté de m'éloigner, pensant qu'il me protégeait. Mais il s'est trompé et j'ai fait le voyage jusqu'en Allemagne pour le lui dire. Je suis là depuis plus de trois semaines, et pas un jour je n'ai regretté d'être venue, ni douté de ce qu'il m'a dit lorsque je suis apparue sur le pas de sa porte : il m'aime.
Mais cette certitude ne diminue pas l'angoisse qui croît en moi. Je la sens m'envahir, surtout la nuit, quand je me réveille seule et que je le sais réfugié dans la solitude et le scotch, alors que j'ai besoin de le tenir dans mes bras. Il m'aime, oui. Néanmoins, j'ai peur qu'il me repousse à nouveau. Pas d'un seul coup ; petit à petit.
Eh bien, pas question !
Je m'arrache au confort de notre lit et je me lève. Nue, je me penche pour ramasser le coûteux peignoir blanc de l'hôtel Kempinski. Harry l'a fait glisser de mes épaules après notre douche hier soir, et je l'ai laissé à sa place, près du lit.
La ceinture, c'est une autre histoire : je dois la chercher dans les draps. Le sexe avec Harry est toujours intense, mais à mesure qu'approche le procès, c'est devenu plus sauvage, plus puissant, comme si, en ayant le contrôle sur moi, Harry pouvait en maîtriser l'issue.
Je me masse distraitement les poignets. Ils ne portent pas de marques, mais seulement parce que Harry fait attention. Je ne peux pas en dire autant de mon cul, où je sens encore le contact de sa paume. J'aime cette persistante sensation cuisante, et j'aime savoir qu'il a besoin de ma soumission autant que j'ai besoin de me donner à lui.
Je retrouve la ceinture au bout du lit. La veille, il m'a attaché les poignets dans le dos. Je la passe à ma taille, savourant le luxueux confort après un réveil aussi brutal. La chambre est tout aussi apaisante, parfaite dans ses moindres détails. Tout est impeccable, et chaque bibelot, chaque objet décoratif sont arrangés avec goût. Cependant, en cet instant, je ne prête pas attention au charme du lieu. Je n'ai qu'une envie, retrouver Harry.
La chambre donne sur un immense dressing et une salle de bains éblouissante. Je jette un coup d'œil dans les deux, sans m'attendre à l'y trouver, puis je me dirige vers le salon. La pièce est vaste et tout aussi bien agencée, avec des sièges et un bureau rond couvert de papiers et de dossiers ; les affaires que Harry continue de diriger alors que tout s'écroule autour de nous, ainsi que les documents juridiques que son avocat, Charles Maynard, lui a donnés à lire.
Je laisse tomber le peignoir et j'enfile la splendide robe fourreau que Harry a nonchalamment jetée sur l'accoudoir d'un fauteuil après me l'avoir ôtée hier soir. Nous nous sommes évadés de la réalité pendant quelques heures en allant faire les boutiques de Munich sur la célèbre Maximilianstrasse, et j'ai acheté assez de chaussures et de robes pour ouvrir la mienne.
Je passe une main dans mes cheveux tout en gagnant le téléphone près du bar. Je me force à ne pas aller dans la salle de bains me rafraîchir et me remaquiller. Plus facile à dire qu'à faire : depuis l'enfance, on m'a répété qu'une femme ne sort jamais sans s'être convenablement apprêtée. Mais au côté de Harry, j'ai tourné le dos à bien des règles de ma jeunesse, et pour l'heure je tiens plus à le retrouver qu'à me remettre du rouge à lèvres.
Je décroche et presse une touche. Presque immédiatement, une voix répond avec un accent allemand.
– Bonsoir, mademoiselle Fairchild.
– Il est au bar ?
Je n'ai pas besoin de préciser de qui je parle.
– Oui. Dois-je lui faire apporter un téléphone ?
– Non, ce n'est pas la peine. Je vais descendre.
– Sehr gut. Désirez-vous autre chose ?
– Non, merci. Je m'apprête à raccrocher quand je me ravise juste avant qu'il coupe.) Attendez ! Et je l'embauche pour qu'il m'aide à distraire Harry de ses démons.
Malgré l'âge du bâtiment et l'élégance des lieux, dans l'hôtel règne une ambiance moderne, et j'ai fini par me sentir chez moi entre ces murs. J'attends impatiemment l'ascenseur, puis avec plus d'impatience encore quand je suis dedans. La descente me paraît durer une éternité, et lorsque les portes s'écartent sur l'opulent hall, je file droit sur le bar de style club anglais.
Bien que nous soyons dimanche soir, le Jahreszeiten Bar est bondé. Je prête à peine attention à la femme qui chante au piano. Je ne m'attends pas à trouver Harry parmi son auditoire.
Je parcours la pièce toute de bois et de cuir rouge, en écartant un serveur qui cherche à me faire asseoir. Je m'arrête un instant près d'une blonde de mon âge qui sirote du champagne en riant, en compagnie d'un homme qui pourrait être son père.
Je me retourne lentement en balayant la salle du regard. Harry n'est pas devant le piano, ni assis au bar. Et il n'est pas non plus dans l'un des fauteuils en cuir disposés devant les tables.
Je commence à me dire qu'il est peut-être parti, le temps que j'arrive. Mais, en m'écartant d'une colonne, j'aperçois le reste de la salle, avec le feu qui brûle dans la cheminée de l'autre côté. Devant se trouvent une petite banquette et deux fauteuils. Et bien entendu, j'y aperçois Harry.
Je laisse échapper un tel soupir de soulagement que je me retiens presque à la blonde pour ne pas tomber. Harry est assis dans l'un des fauteuils, face à la cheminée, dos à la salle. Ses larges épaules sont droites, elles pourraient porter tout le poids du monde. Mais je préférerais qu'il n'ait pas à le faire.
J'avance vers lui, mes pas étouffés par l'épaisse moquette et le brouhaha des conversations. Je m'arrête juste derrière lui, sentant déjà l'attraction familière que j'éprouve en m'approchant de lui. La voix de la chanteuse qui résonne dans la salle a des accents si douloureux que je crains de fondre en larmes après tout le stress accumulé ces dernières semaines. Mais non. Je suis venue pour réconforter Harry, et non l'inverse, et je continue mon chemin avec une résolution nouvelle. Quand je suis enfin tout près de lui, je pose la main sur son épaule et me penche en avant.
– C'est une soirée privée, demandé-je en lui frôlant l'oreille de mes lèvres, ou bien c'est ouvert à tout le monde ?
J'entends plus que je ne vois son sourire.
– Tout dépend de la personne qui le demande.
Sans se retourner ni ajouter un mot, il lève un bras pour m'inviter à le rejoindre. Je lui prends la main, il me guide délicatement pour contourner le fauteuil, et je me retrouve devant lui.
Je connais chaque trait de son visage. Chaque arête et chaque courbe. Ses lèvres, ses expressions. Je peux fermer les yeux et me représenter les siens, assombris par le désir, illuminés par le rire. Je n'ai qu'à regarder ses cheveux couleur de nuit pour imaginer les douces et épaisses boucles entre mes doigts. Il n'y a rien en lui qui ne me soit intimement familier, et pourtant chaque regard que je lui porte me frappe et résonne en moi avec assez de force pour me couper le souffle.
Nul ne le niera, il est splendide. Mais ce n'est pas seulement son physique qui vous terrasse. C'est tout l'ensemble. Le pouvoir, l'assurance, la sensualité – tout ce qu'il ne pourrait chasser, même s'il le voulait.
– Harry, je chuchote, impatiente de sentir son prénom sur ma langue. Ses lèvres magnifiques s'incurvent lentement en un sourire. Il m'attire à lui et me fait asseoir sur ses genoux. Je m'installe bien volontiers sur ses cuisses fermes et musclées, mais sans m'appuyer contre lui. Je veux garder assez de distance pour voir son visage. Tu veux qu'on en parle ?
Je sais ce qu'il va répondre, mais je retiens mon souffle en espérant me tromper.
– Non, dit-il. Je veux juste te serrer dans mes bras.
Je souris comme si ses paroles étaient délicieusement romantiques, ne voulant pas qu'il voie combien elles me glacent. J'ai besoin de son contact, oui. Mais j'ai encore plus besoin de lui.
Je caresse sa joue. Il ne s'est pas rasé depuis hier et son poil rêche érafle ma paume. Le simple fait de le toucher me serre la poitrine et me fait haleter. Un jour viendra-t-il où je pourrai être près de lui sans brûler de désir ? Sans avoir besoin de sentir sa peau sur la mienne ?
Ce n'est même pas un désir sexuel – pas complètement, en tout cas. Mais un besoin. Comme si ma survie dépendait de lui. Comme si nous étions les deux moitiés d'un tout et que l'une ne pouvait survivre sans l'autre.
Avec Harry, je suis plus heureuse que jamais. Et jamais je n'ai été aussi malheureuse. Parce qu'à présent je sais vraiment ce qu'est la peur.
Je me force à sourire, car il n'est pas question que je lui laisse voir à quel point je suis terrifiée à l'idée de le perdre. Mais il me connaît trop bien.
– Tu as peur, dit-il avec une tristesse qui me fait fondre. Tu es la seule personne au monde que je ne pourrais supporter de faire souffrir, et pourtant je suis la cause de cette terreur.
– Non, je proteste. Je n'ai pas peur du tout.
– Menteuse... dit-il gentiment.
– Tu oublies que je t'ai vu en action, Harry Styles. Tu es une fichue force de la nature. Ils ne peuvent pas te retenir. Peut-être qu'ils l'ignorent encore, mais moi je le sais. Tu vas te sortir de cette affaire et rentrer en homme libre. Ça ne peut pas se passer autrement.
Je dis cela parce que j'ai besoin d'y croire. Mais il a raison. J'ai affreusement peur. Harry, évidemment, ne se laisse pas tromper. Il repousse délicatement une mèche derrière mon oreille.
– Tu as toutes les raisons d'avoir peur. C'est le genre d'affaire qui met l'eau à la bouche d'un procureur.
– Mais tu avais seulement quatorze ans.
– C'est pourquoi je ne comparais pas en tant qu'adulte.
Je me rembrunis car, même s'il avait quatorze ans seulement, il encourt une peine de dix ans de réclusion.
– Mais tu n'as pas tué Merle Richter.
Après tout, c'est le plus important. Il s'assombrit.
– La vérité est malléable, et quand je serai dans ce tribunal, la vérité sera ce que la cour décidera qu'elle soit.
– Alors tu dois faire en sorte que les juges connaissent la vraie vérité. Bon sang, Harry, tu ne l'as pas tué ! Et même si c'était le cas, tu aurais des circonstances atténuantes.
Harry ne m'a raconté que récemment ce qui s'était passé. Richter et lui se sont battus, et quand son adversaire est tombé, Harry n'a pas bougé, refusant de tendre une main secourable à l'homme qui avait abusé de lui pendant tant d'années.
– Oh, Nikki... Il m'attire contre lui, un bras autour de ma taille, dans un geste si vif qu'il m'arrache un cri. Tu sais bien que je ne peux pas faire ce que tu demandes.
– Je ne demande rien.
C'est une piètre réponse, puisque ma demande est évidente. Je le supplie, même. Et Harry le sait très bien. Pourtant, il s'obstine à refuser. La colère monte en moi, mais avant qu'elle n'explose, sa bouche s'écrase sur la mienne. En un baiser brutal et profond qui fait naître un désir brûlant. Il n'efface ni ma colère ni mes craintes, mais les apaise, et je me colle contre Harry, regrettant de ne pouvoir rester à jamais à l'abri entre ses bras.
Son corps se tend contre le mien et son sexe gonflé sous son jean taquine mes fesses. Je lui rends son baiser avec ardeur, dépitée que nous soyons dans un bar et non pas dans notre suite.
Après un instant, je me reprends, hors d'haleine.
– Je t'aime, dis-je.
– Je sais.
J'attends vainement qu'il me dise les mêmes mots. J'ai un petit pincement au cœur et je me force à sourire. C'est un sourire de concours de beauté, le genre que je fais en public, mais pas à Harry.
Je me dis qu'il est juste fatigué, mais je n'y crois pas. Harry Styles ne fait jamais rien sans raison. Et bien qu'il soit impossible de s'insinuer dans son esprit, je le connais assez bien pour deviner ses motivations. Alors j'ai envie de me lever d'un bond et de lui hurler dessus. Le supplier de ne pas me repousser. Crier que je comprends, qu'il essaie de me protéger, parce qu'il sait qu'il risque de perdre le procès. De m'être arraché. Mais, bon sang ! sait-il que tout ce qu'il me fait, c'est du mal ?
Je crois de tout mon cœur que Harry m'aime. Mais je redoute que l'amour ne suffise pas. Surtout s'il s'acharne à me repousser en s'imaginant à tort qu'il me protège.
Avec une résolution renouvelée, j'en rajoute côté sourire et je me lève délicatement en lui tendant la main.
– Vous devez être au tribunal à dix heures, monsieur Styles. Je crois que vous feriez mieux de me suivre.
Il se lève, l'air inquiet.
– Vas-tu me dire que j'ai besoin de dormir ?
– Non.
Son regard glisse sur moi, et je tressaille comme s'il m'avait touchée.
– Tant mieux, dit-il.
Non seulement ces deux mots recèlent un monde de promesses, mais en plus ils écartent la peur qui me glaçait quelques secondes plus tôt. Je me laisse aller à sourire.
– Ni de cela non plus, dis-je. Pas tout de suite, en tout cas.
Le voir décontenancé me donne envie de rire, mais il n'a pas le temps de poser de question que le concierge arrive.
– Tout est prêt, mademoiselle Fairchild.
– Merci, le moment est on ne peut mieux choisi, je réponds avec un sourire éclatant.
Je prends la main de l'homme que j'aime, complètement dérouté, et l'entraîne dans le hall avec le concierge jusqu'à l'entrée de l'hôtel. Où, auprès d'un voiturier tout étourdi par le spectacle, attend une Lamborghini rouge vif.
– Qu'est-ce que c'est ? demande Harry.
– Une voiture de location. Je me suis dit qu'un peu de distraction te ferait du bien ce soir, et l'A9 n'est qu'à quelques kilomètres d'ici. Voiture de sport. Autoroute allemande. L'équation m'a parue facile à résoudre.
– Un jouet pour le petit garçon ?
– Comme nous avons déjà d'autres jouets intéressants dans la chambre, dis-je à mi-voix, j'ai pensé que cela te plairait de changer de catégorie. Je le conduis jusqu'au voiturier qui attend, la portière côté passager ouverte. Je crois savoir qu'elle réagit au quart de tour et je sais que tu vas adorer avoir toute cette puissance à ta disposition.
– Vraiment ? Il me toise d'un regard qui m'incendie. En fait, c'est exactement ce que j'apprécie. Une réaction rapide. La puissance. La maîtrise.
– Je sais, dis-je, me laissant glisser sur le siège passager en découvrant mes cuisses, et un peu plus encore.
Un instant plus tard, Harry est au volant et démarre.
– Si tu roules assez vite, c'est aussi grisant que le sexe, dis-je en plaisantant, avant d'ajouter, incapable de résister : en tout cas, cela fait d'agréables préliminaires.
– Dans ce cas, mademoiselle Fairchild, dit-il avec un sourire de sale gosse qui me récompense de tous mes efforts, je vous conseille de bien vous accrocher.
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Trilogie Styles [Tome 3]
Romance'Beau, fort et dominateur, Harry Styles remplit un vide en moi qu'aucun autre homme ne peut combler. Ses désirs me poussent au-delà de mes limites et libèrent en moi une passion qui nous consume tous deux. Pourtant, derrière son besoin de dominance...