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Le rêve que m'inspirent les margaritas est un déchaînement d'érotisme. Une bouche brûlante qui se referme sur mon sein. Des mains puissantes qui caressent mes jambes écartées, remontent, délicates et déterminées, jusqu'à ce que deux pouces soient assez proches pour effleurer mon sexe gonflé qui attend. J'ouvre les yeux, mais je ne vois personne. Il n'y a que le contact de ces mains et le frôlement de ces lèvres et – oh, oui ! – ce sexe long et dur au fond de moi.

J'appelle Harry d'un cri silencieux dans mon rêve, mais il n'apparaît pas. Il n'y a que ce contact. Cette sensation. Cette caresse insistante de la chair sur la chair, cette chaleur qui s'élève, et l'odeur musquée du désir. Je m'y enfonce. Je suis perdue dans cette brume sensuelle qui m'environne. C'est Harry – c'est toujours Harry... –, mais j'ai beau tendre les bras, ils ne rencontrent que le vide.

Et puis il y a des mains sur mes seins, et l'extrémité dure et brûlante d'une bite entre mes cuisses. Je crie tandis qu'il entre en moi en un va-et-vient frénétique. Il me besogne avec une violence qui nous entraîne toujours plus haut, dans une danse sauvage, un dangereux accouplement. Mon c½ur bat à se rompre, mon corps est délicieusement endolori – il m'utilise, il me cogne, et la puissance de ses coups est telle que c'est à se demander comment je suis encore consciente.

Mon corps est secoué par les vagues de l'orgasme qui déferlent, et je tends les bras pour attirer son corps contre le mien, consciente que, dans ce monde de rêve, il restera éphémère et que je trouverai seulement du vide.

Mais je me trompe, et mes doigts touchent une peau brûlante et des muscles tendus.

Harry.

J'ouvre les yeux et le vois en équilibre au-dessus de moi tandis que son sexe s'enfonce en moi. Il me fixe avec passion et nous haletons à l'unisson. Je me sens plus vivante que jamais, comblée et adorée. Mais je vois aussi dans son regard l'orage et quelque chose ressemblant un peu trop à du regret.

J'ai envie de le gifler pour chasser cette expression.

– Je t'ai utilisée, dit-il d'une voix tendue.

– Oui, dis-je. Je le prends par le cou, me hisse et emprisonne sa bouche dans un baiser si profond et sensuel qu'il fait tressaillir sa bite en moi. Je l'attire à moi, je veux qu'il m'écrase, pas qu'il reste au-dessus de moi mais qu'il me serre contre lui. Oh, mon Dieu, oui !


Je l'enserre entre mes jambes pour qu'il reste là, sa peau brûlante contre la mienne, nos corps toujours unis.

Quand je regarde de nouveau dans ses yeux, je vois que l'orage s'est dissipé. Je soupire. J'ignore ce qui s'est passé entre Harry et son père, mais j'en sais assez pour comprendre que ça l'a déchiré et que c'est vers moi qu'il est venu trouver du réconfort. Et que mon corps et mon contact l'ont aidé à surmonter ses démons.

Je le serre contre moi, encore stupéfaite du pouvoir que nous avons l'un sur l'autre. Que nous puissions ainsi nous apaiser mutuellement. Cela me stupéfie et me terrifie. Car comment pourrions- nous survivre l'un sans l'autre ?

Je m'endors entre ses bras, mais, quand je me réveille, je suis seule dans la chambre. Je me redresse et regarde tout autour. Bien que j'aie passé beaucoup de temps dans cette maison, je dors dans la chambre de maître pour la première fois. Le lit de fer où je suis assise se trouvait dans la partie ouverte du troisième étage, mais Harry a opté pour un emplacement plus traditionnel, quand il a fait rapporter le lit chez lui.

Mais à part ce lit, il n'y a pas de meubles ici. Ni de Harry.

Je me rembrunis et me lève. Il fait encore sombre, je cherche à tâtons mon téléphone dans mon sac et gémis en voyant qu'il n'est même pas cinq heures.

Je songe à me recoucher, mais ce n'est pas possible, je le sais. J'ai besoin de Harry. Et je crois qu'il a besoin de moi.

Je ramasse sa chemise par terre et je l'enfile. La maison est immense, mais j'ai un plan d'attaque. Je commence par la bibliothèque – une mezzanine qui flotte quasiment sous le troisième étage, visible depuis l'immense escalier de marbre, mais accessible seulement par un ascenseur dérobé ou un escalier dissimulé derrière une porte à côté de l'office. La faible lumière dissipe à peine l'ombre sur les étagères en cerisier et les vitrines où sont exposés les quelques objets de son enfance que Harry estime assez précieux pour les conserver. C'est un endroit rempli de souvenirs délicieux et doux- amers. Mais Harry n'y est pas.

Je descends encore et traverse la cuisine pour gagner la salle de sport qui occupe une grande partie de l'aile nord de la maison. Je tends l'oreille, guettant le bruit sourd des poings de Harry sur le sac de boxe, ou le tintement métallique des poids qui montent et descendent sur les appareils. Mais je n'entends rien. Juste un silence qui semble s'éterniser.

Harry n'est pas non plus dans la piscine. Alors que je reste perplexe sur le deck dallé de pierre, je commence à craindre qu'il ne soit sorti, peut-être même parti en ville, à son bureau. Je me rends compte que je ne suis pas allée dans la salle de bains principale ; et s'il m'a laissé un mot, c'est l'endroit le plus logique.

Je m'apprête à faire demi-tour pour aller voir, me disant que s'il n'a pas laissé de mot, je peux toujours l'appeler ou lui envoyer un texto, mais je m'immobilise à la vue de faibles lumières sur ma droite.

Je les scrute en essayant de me représenter mentalement le plan de la propriété. Le garage de Harry – un vaste bunker souterrain à rendre Batman jaloux – se trouve à peu près dans cette direction, mais je suis sûre qu'il est plus proche. Mais si la lumière ne vient pas de là-bas, de quoi peut-il s'agir ? Il n'y avait rien d'autre sur le terrain quand nous nous sommes promenés sur les chemins paysagers avant que l'Allemagne ne nous réclame. Rien, hormis l'océan au loin et un terrain plat où Harry m'a dit envisager d'installer un court de tennis.

Je me fige.
Sûrement pas...

Je me presse dans cette direction et, en m'approchant, j'entends un bruit mat et régulier : je l'ai trouvé.

Assurément, le court n'est pas terminé depuis longtemps. Le filet est flambant neuf et impeccable. Le sol ne porte aucune marque. Le lance-balle qui mitraille Harry apparaît rutilant sous les lampes qui éclairent les alentours d'une lueur jaunâtre.

Et au milieu de tout cela, je vois Harry.

Je retiens mon souffle, subjuguée. Il ne porte qu'un short de sport et sa poitrine est luisante de sueur. Les muscles de ses bras et de ses jambes sont tendus, et il court, bondit et se jette sur la balle avec la grâce et la puissance d'un animal sauvage. Il n'est que force, perfection et poésie, et je sens mon corps tressaillir devant cette beauté.

Mais il est brisé, aussi, et mon c½ur se serre tandis que je continue de le regarder. Sans relâche, il court et frappe, ses pieds suivant un rythme parfait, poussant son corps jusqu'à ses limites. Il n'y a aucune émotion sur son visage, aucun sourire de satisfaction quand il frappe la balle : rien d'autre qu'une pure concentration, comme s'il s'agissait d'une pénitence et non d'un plaisir.

Dans la pénombre près du court trône une chaise longue sur laquelle je m'assieds machinalement, hypnotisée par le spectacle.

Je ne saurais dire combien de temps il affronte en duel la machine. Je sais seulement que dès qu'elle cesse de cracher ses balles, il pousse un juron et balance sa raquette. Je pousse un petit cri de surprise, et Harry fait brusquement volte-face vers moi, l'air alarmé.

– Je ne voulais pas t'interrompre, dis-je à mi-voix en me levant et en entrant sur le court éclairé. Pardonne-moi, je n'aurais pas dû rester.

– Non, répond-il brutalement. Je suis heureux que tu sois là.

Il prend ma main, m'attire contre lui, et un délicieux soulagement m'envahit.

– Tu ne m'as pas dit que tu avais finalement fait bâtir le court.

– Comment voulais-tu que je renonce, alors que tu m'avais fait miroiter la possibilité de te voir dans une minuscule jupette ? Le ton est léger, mais son regard est encore sombre. J'ai lancé une équipe dessus juste avant de partir pour l'Allemagne.

– J'en suis ravie.

Je lui souris, sincèrement heureuse. Le tennis a été une constante dans sa vie, mais Richter lui en a volé le plaisir et Harry n'a pas joué depuis qu'il a quitté le circuit professionnel. Savoir qu'il revient à un sport qu'il adorait m'enchante.

Néanmoins, ce bonheur est mitigé, car j'ai vu l'orage dans son regard quand il m'a prise si sauvagement quelques heures plus tôt. Et la fureur de ce même orage à l'instant, tandis qu'il luttait contre le déluge de balles.

– C'était ton père ? je demande doucement. C'est lui qui a communiqué les photos au tribunal ?

Je vois l'ombre revenir sur son visage, et quand il se retourne et m'entraîne hors du court, je redoute qu'il ne me réponde pas. Mais nous ne prenons pas le chemin de la maison. Au lieu de cela, il s'assied sur la chaise longue. Il étend les jambes et tapote le siège à côté de lui. Je m'allonge, redressée sur un coude pour pouvoir le regarder, mais il lui faut si longtemps avant de reprendre la parole que je me dis qu'il ne m'a pas entraînée ici pour parler.

Je m'apprête à lui proposer de retourner nous coucher dans un lit, ce serait bien plus confortable, quand il se tourne et me regarde.

– Je ne pense pas que c'était mon père, dit-il. Il m'a paru sincèrement ébahi quand je l'ai mis au pied du mur.

– Ah... fais-je, perplexe. Alors, tu n'as pas la moindre idée de qui ça peut être ?

En tout cas, ça expliquerait sa sombre expression.

– Non... Je m'inquiète pour Sofia, ajoute-t-il après un silence. Je ne vois pas le rapport.

– Je sais, mais elle donnera signe de vie. Si elle joue les roadies avec un groupe à Shanghai, elle n'a probablement...

– J'ai peur qu'elle soit en fuite, dit-il simplement. Que quelqu'un l'ait harcelée. Il me caresse la joue et plonge son regard dans le mien.

– Oh, mon Dieu ! dis-je en comprenant brusquement. Tu crois que quelqu'un essaie de t'atteindre en s'en prenant aux femmes que tu aimes. Sofia. Moi.

– Je pense que c'est possible. Il passe la main sur son visage, puis dans les cheveux. Je crois beaucoup de choses possibles. Tout ce dont je suis certain, c'est que ces fichues photos ont été ma planche de salut, que cela me plaise ou non de les considérer comme telles.

– En effet, j'acquiesce.

– Et je ne sais toujours pas qui ni pourquoi, ce qui m'amène à penser que quelqu'un joue avec moi. Ce quelqu'un finira bien par se dévoiler et, le moment venu, exiger quelque chose. Donnant-donnant.

Je voudrais le contredire, mais ce qu'il dit se tient. Je me redresse et ramène mes genoux sous mon menton.

– Mais quel rapport avec la disparition de Sofia ? Même dans l'obscurité, je sais qu'il détourne son regard. Harry... qu'est-ce que tu ne m'as pas dit ?

Il prend une profonde inspiration.

– Richter a abusé d'elle aussi, dit-il laconiquement, d'un ton qui me glace jusqu'aux os.

– Oh !

– S'il y a des photos de moi, continue-t-il, il y en a forcément d'elle aussi. Quelqu'un m'en a fait parvenir un jeu, par le biais du tribunal, mais c'est moi qu'elles visaient. Et si ce quelqu'un a fait la même chose avec elle ?

Je tremble. Je pense à l'effet dévastateur de ces photos sur Harry, un homme si inébranlable que ça en force l'admiration. Quel pourrait être le résultat sur une fille fragile comme elle ?

– Mais elle ne t'aurait pas appelé ? Ce n'est pas vers toi qu'elle se tourne quand elle a besoin d'aide ?

– Je ne sais pas. Sofia est tout, sauf prévisible. Une fois, elle a disparu pendant six mois. Il s'est trouvé qu'elle baisait avec un type qui avait fait de la prison pour fabrication de faux papiers, et comme je n'ai pas pu trouver la moindre preuve qu'elle ait quitté la Grande-Bretagne sous son vrai nom, je me demande si elle ne s'est pas remise avec lui. Elle est intelligente et elle n'a peur de rien. Elle a vécu dans la rue, alors si elle estime devoir se cacher, elle peut disparaître mieux que personne. Et surtout, elle est suffisamment dingue pour être contente qu'on n'entende plus parler d'elle.

– Je comprends que tu l'aimes, qu'elle n'est pas tout à fait stable et que tu es inquiet. Mais, Harry, dis-je doucement, c'est une adulte. Et quel que soit votre passé commun, tu n'es pas responsable d'elle.

– Peut-être pas, mais c'est l'impression que j'ai.

J'acquiesce. Après tout, je ne suis pas responsable de Jamie non plus. Je souris et m'étire à côté de Harry. Il dépose un baiser sur mon front, puis entrelace ses doigts aux miens. Un instant plus tard, il appuie sur le bouton d'une télécommande.

La lumière du court s'éteint, et nous nous retrouvons dans l'obscurité sous le ciel semé d'étoiles.

Trilogie Styles [Tome 3]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant