Chapitre 4 - Ran

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 Nous la ramenons jusque dans mes appartements, mais cette fois elle n'en sortira plus. J'ai fait doubler la garde, il ne sera plus si évident de passer à travers les mailles du filet. Show est à nos côtés, je ne l'ai pas congédié encore. Je sens bien qu'ils se connaissent plus que je ne le pensais ces deux-là.

Je m'installe près de la fenêtre, puis je patiente. Aucun des deux ne parle, alors je vais devoir lancer les hostilités.

— Alors qui m'explique, déclaré-je.

Le silence, c'est tout ce qui me parvient. Je fronce les sourcils, Show devrait savoir que je ne suis pas du genre à me répéter. Un grognement monte de ma poitrine, il fait tressaillir mon second, mais absolument pas Kewik. Elle est insensible à beaucoup de choses.

Étrange...

Mon charme n'a aucun effet sur elle, ma fonction non plus et même ma rage ne semble pas l'atteindre. J'essaie de comprendre. Ce que j'ai remarqué, c'est que beaucoup des miens qui la connaissent m'ont semblé assez perturbés par le fait qu'elle soit l'élue. J'ai vu un truc lorsqu'elle s'est laissée tomber, mais je ne saurais dire quoi.

— J'ai entraîné Kewik pendant quelques jours.

Première nouvelle, il s'était bien gardé de m'en parler.

— Et ? Tu es tombé amoureux ? demandé-je en m'asseyant dans le fond de mon siège.

Mon loup est prêt à bondir sur mon second si ce dernier me répond par l'affirmative. Les Égides m'appartiennent, personne n'est en droit de les courtiser, elles font partie de mon harem personnel et je ne laisserais personne me défier jusque là.

— Et ? déclare brusquement l'intéressée.

Ses iris bleus glacés me scrutent avec une intensité qui me fait clairement comprendre qu'elle est furieuse, mais je m'en contrefous. Je suis le roi et le chef de meute, je ne passerais pas outre cet affront !

— Je parle à mon second, reste à ta place.

Sa mâchoire se serre.

— Oh ton altesse, si tu voulais une petite femme docile tu aurais mieux fait de me laisser tomber !

La rage déferle sur ses jolis traits, elle est vindicative et j'adore ça. Elle réveille en moi une faim primaire, que ce soit mon côté vampirique ou mon côté changelin, ils la veulent tous les deux. Il est extrêmement rare que les deux parties qui me composent soient d'accord en matière de femme. Ce qui est d'autant plus surprenant en cet instant.

Je me lève rapidement, la saisit par la gorge et la plaque au mur.

— Je te conseille de te souvenir à qui tu t'adresses.

Elle se débat, ses ongles tentent de s'enfoncer dans ma peau, mais je ne sens rien. Ses pieds essaient d'entrer en action, puis ses mains essaient de tirer sur les miennes afin de me dégager.

— Ran, souffle Show en posant une main sur mon épaule.

Je prends conscience de ce que j'étais en train de faire. Kewik s'effondre au sol comme une marionnette de chiffon. Je me recule tout en dissimulant ma honte avec un masque de froideur.

— Tyran, murmure-t-elle.

Il vaut mieux que je m'assois à l'opposé d'elle.

— Il n'y a rien entre Kewik et n'importe lequel d'entre nous, annonce Show en l'aidant à se relever.

— Alors, je veux comprendre ! grincé-je. Tu semblais déçu qu'elle se défende, alors que tu l'as entraînée. Vince m'a même fait un rappel des règles pour les Égides ! Pour celle de l'année dernière, vous n'en aviez rien à foutre.

— Des marchandises, crache-t-elle, de vulgaire vide couilles pour vos ébats, c'est tout ce que nous sommes. J'aurais dû être plus rapide.

Elle s'énerve, Show file vers ma cuisine privée pour lui ramener un verre d'eau. De temps en temps, j'aime cuisiner moi-même.

Je n'aime pas le tournant que prennent les choses.

— Nous le savions tous, Kewik est différente, même toi tu le sais, Ran.

Mes yeux glissent sur la jeune femme. Notre conversation l'intéresse, elle nous scrute à tour de rôle.

— Différente ? répéte-t-elle. Et en quoi ?

Show soupire, je le laisse se démerder. Je ne suis pas en mesure de me maîtriser. J'essaie de faire état de ce qui se passe en moi, il est plutôt rare que j'ai des émotions aussi violentes.

— Si tu n'avais pas été une Égide, tu aurais sûrement été l'une de nos combattantes, annonce-t-il.

Sa bouche s'ouvre en grand sous la stupeur. Je crois bien qu'il vient de la désarçonner pour la première fois. Quant à moi, je me dis qu'effectivement, c'est certainement ce qui serait arrivé. Elle se bat bien, elle a de la détermination, elle aurait été un atout majeur dans la meute.

— Il aurait sûrement fallu que l'un de nous partage son sang avec toi, mais tu aurais été l'une des nôtres.

— C'est ça qui vous perturbe, soufflé-je.

Je croise les iris de mon second, il acquiesce d'un signe de tête.

— C'est la seule chose ! s'emporte Kewik. Et les autres, elles méritent la mort peut-être !

Sa voix est acérée, elle ne va pas se laisser faire, elle nous le prouve.

— Mes consoeurs sont pour la plupart douces, de vrais petits anges et vous, vous les brutalisez et les tuez ! Qu'est-ce que nous avons dans notre sang qui vous donne autant de droits sur nous !

Nous restons silencieux, elle n'a pas besoin de savoir ça.

— Une poignée de connards qui décident du sort de femmes qui ne leur ont rien fait et qu'ils ne connaissent même pas pour la plupart !

Kewik vocifère et je comprends ses griefs. Ils sont légitimes. Cependant, je ne peux rien y faire, tant que ma promise n'est pas trouvée, les Égides continueront à être sacrifiées. L'aura qui l'entoure est magnétique, je comprends pourquoi les miens rechignent tant pour elle. Ma tête se penche sur le côté, je détaille ses yeux bleus, sa silhouette athlétique, ses longs cheveux noirs, ses tatouages. Je crois que je la vois pour la première fois et elle est magnifique.

— Est-ce que tu as conscience que tu es bandante quand tu t'énerves ? déclaré-je.

Le flot de paroles que Kewik déversait s'arrête immédiatement et je souris en pensant que je vais bien m'amuser. 

Sacrifice - Dark romance dystopique -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant