Chapitre 9 - Kewik

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 Je ne comprends pas, ou du moins mon esprit ne le comprend pas ou il s'y refuse. Mes yeux se baissent de nouveau sur l'écran.

« Commencer la diffusion : Oui / Non »

Le silence me répond, Ran semble chercher ses mots et moi plus je regarde et plus je me dis que c'est pire que tout ce que j'aurai pu imaginer.

— Explique-moi, grondé-je.

Ses prunelles me fusillent, mais je m'en moque. Parce que plus ça va, plus je comprends que ce qu'il fait est encore plus moche que tous les scénarios. Lorsque je bouge la main, je vois que cela se reproduit sur l'écran.

— Par tous les astres ! m'exclamé-je en portant la main à ma bouche.

Je lâche le téléphone qui se brise en tombant sur le sol. Mon corps se redresse pour fuir le plus loin possible de ce monstre.

— Ton peuple voit ce que tu nous fais ! crié-je.

— C'est ainsi...

— Ainsi ! Oui, nous sommes juste des bouts de viandes que tu violes aux yeux de tous. Joli ton monde !

— Je n'ai jamais violé qui que ce soit ! crache-t-il en se levant.

Il se rapproche de moi, mon être tremble de rage. J'ai envie de le défigurer, de lui arracher les yeux pour lui faire manger. Et je sais que j'en serai capable. Ran tente de m'attraper le bras, mais je lui lance un coup de pied qu'il n'a pas pu éviter. Il le prend dans les côtes avant que je ne lui en mette un dans le visage que cette fois il parvient à arrêter.

— Kewik, écoute-moi.

Mais je me contrefous de ce qu'il pourrait bien me dire. Nous commençons à nous battre, il retient sa force, mais je n'ai pas envie qu'il se ménage. Non, je veux qu'il se lâche et qu'il me tue. Alors je deviens encore plus virulente, en lui hurlant dessus. Des hommes entrent, mais il leur interdit de s'interposer d'un signe de main.

— Tu es un être abjecte, ta déchéance n'a aucune limite !

— Laisse-moi...

— Non ! déclaré-je en lui envoyant un coup de pied.

Ran le stoppe, puis me relâche. Je le pousse, je lui donne l'impression de le frapper à droite, puis à gauche, puis à droite, avant de prendre appui sur le mur et de lui décrocher un gauche qu'il n'avait pas anticiper.

— Ça c'est pour toutes celles que tu as violées et tuées !

Ensuite, je pars. Je le fuis en courant, il faut juste que je mette le plus de distance entre lui et moi. Je dois trouver le moyen de mourir et pour ça le dernier que je vois se trouve dans ma chambre.

J'accélère ma course, je monte les escaliers de la tour. Je cours, mon cœur tambourine dans ma poitrine parce que je dois parvenir à cette pièce avant lui. Il ne faut pas qu'il me rattrape, mon inquiétude et ma peur augmentent, mais je m'en sers pour me sortir de là. Je vais mettre fin à mes jours, c'est ma dernière chance. Je transpire, mais peu importe, prendre l'escalier était plus rapide que lui permettre de me bloquer dans l'ascenseur. Je sais que ce petit espace fait fantasmer un maximum de gens, mais pour moi il représente un danger. Dans cette prison, je n'aurai pas pu fuir pour l'empêcher de me violer.

Je finis par arriver à mon étage, puis je tape le code d'entrée de ma chambre et j'entre. Il n'est pas là, peut-être va-t'il me laisser me calmer ? Mon regard s'attarde une seconde sur ce qui a été mon foyer pendant quelques années, avant de foncer vers le placard. J'ai réussi à dérober deux dagues dans la salle d'entraînement. La première est tombée dans ma chute, la seconde patiente dans le fond de ma penderie. Je m'élance, puis je la trouve sans mal. Ils n'ont jamais fouillé dans mes affaires, je pensais qu'ils le feraient après ma tentative d'il y a quelques heures, mais non.

— Ça m'arrange, soufflé-je.

Je sors, puis me dirige vers ma terrasse. Je me suis toujours dit que ce serait l'endroit parfait pour que je m'éteigne. Je ne pensais pas que ça serait ici que je rendrais mon dernier souffle, je voyais plus Ran m'écharper dans ses appartements. Mon corps se déplace jusqu'au transat, puis je m'allonge dessus. M'ouvrir les veines ne sera pas suffisant, ils pourraient me ramener trop vite, mais si je l'enfonce directement dans mon cœur ça sera efficace.

Le soleil brille, il tape sur ma peau. Je fixe la lame, froide et brillante sous les rayons du soleil. Mes doigts tremblent légèrement, mais mon cœur est étrangement calme. Je sais ce que je dois faire. Il n'y a pas d'autres choix. Je prends une profonde inspiration, sentant l'air remplir mes poumons une dernière fois.

— Non ! crie une voix que je reconnais dans la seconde.

Sans hésiter, j'enfonce la lame dans ma poitrine. Une douleur vive et brûlante éclate dans mon corps, irradiant à partir du point d'impact. Mon souffle se coupe, remplacé par un gargouillement humide. Dans ma précipitation la lame a légèrement dévié perforant mon poumon. Mon corps réagit immédiatement, un choc électrique traversant mes nerfs, me laissant paralysée de douleur. Mes doigts se crispent autour du manche de l'arme, mes jointures blanchissent sous la pression. Le goût métallique du sang monte dans ma gorge, envahissant ma bouche. Je tousse, et une gerbe de sang éclabousse le sol devant moi. Chaque respiration devient un supplice, chaque tentative pour aspirer de l'air se heurte à une variable insurmontable de douleur et de liquide. Ran pose sa main sur la mienne, je ferme les yeux pour qu'il ne soit pas la dernière image que je vais emporter avec moi dans le néant.

— Non, gronde-t-il.

Malgré moi, mes prunelles s'ouvrent, cependant ma vision se brouille, des points noirs dansent devant moi. Mes pensées deviennent confuses, embrouillées par la panique et la souffrance.

— Accroche-toi, m'ordonne-t-il.

— Tu...

Du sang m'empêche de respirer.

— Ne parle pas, nous nous disputerons quand tu iras mieux.

Pourquoi ai-je fait ça ?

Les souvenirs affluent, des fragments de moments passés, de ceux de mes sœurs assassinées, de rêves chimériques, de désirs impossibles et surtout de l'horreur à laquelle j'ai échappé. Des images de son visage apparaissent, de son sourire séducteur, de ses iris cruels. Je sens encore l'emprise qu'il a eu sur moi à chaque fois que ses lèvres ont touchées mon corps. C'était la seule façon de le briser, comme il a brisé ma famille, c'était le seul moyen de le vaincre. Sauf que maintenant que mon poumon se remplit de sang, je me demande si mon acte est suffisant. Ce sacrifice sera-t-il suffisant pour le terrasser ? Chacun des battements de mon cœur envoie une nouvelle vague de douleur, mais aussi de détermination. Je ne le laisserai pas me sauver. Alors je m'arc-boute. Il m'avait soulevé, il est obligé de me poser au sol.

— Oh non, mon coeur, je ne te laisserai pas prendre ce chemin.

Ma paume tente de le repousser, mais ses mains capturent les miennes. Si je suis déterminée, je lis dans ses iris qu'il l'est tout autant que moi.

Sacrifice - Dark romance dystopique -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant